Des prix négatifs de produits existent rarement dans le monde des affaires. Pour l'industrie pétrolière, c'est la première fois que cela se produit. Ceci explique pourquoi de nombreux pays ont paniqué à l'annonce de prix négatifs de – 37,63 dollars le baril. C'est-à-dire le vendeur paye l'acheteur 37,63 dollars pour chaque baril qu'il prend. Ceci dit cette situation est spécifique pour un marché donné pour une période précise. Il s'agit du marché américain et du pétrole WTI du Texas coté à New York pour les livraisons au mois de mai. D'ailleurs, pour le même jour, le contrat de référence pour juin cotait à 20,43 le baril et le lendemain le baril de Brent, à Londres, pour livraison en juin cotait à 25,57 dollars. Tout le monde comprend que le Covid-19 a terrassé l'économie mondiale : la plupart des usines sont à l'arrêt, peut de voitures circulent et les avions sont cloués au sol. La consommation d'énergie s'est effondrée. Les producteurs américains ont continué à produire normalement. Le nouveau compromis de l'OPEP avec ses nouveaux quotas ne prendra effet qu'à partir de mai. Ce qui fait qu'en avril la production mondiale de pétrole était nettement excédentaire. Avec l'affaissement de la demande on a surtout stocké le surplus de production ; jusqu'à ce que les aires de stockage soient pleines à craquer, sauf une partie des réserves stratégiques de l'état américain. Alors les producteurs ont du pétrole sur les bras qu'ils n'ont pas ou stocker. Que vont-ils faire avec ce produit ? Le déverser dans la nature les exposerait à de très graves sanctions. Ils ont donc accepté de payer les clients pour qu'ils prennent gratuitement ce surplus et le stocke. Mais c'est une situation temporaire et exceptionnelle qui a pour le moment une faible probabilité de se produire en Europe sauf si l'Arabie Saoudite et la Russie continueront leurs politiques suicidaires. Mais normalement, le nouvel accord OPEP avec ses partenaires hors de l'organisation permettrait d'éviter une situation pareille. Encore une fois, retenons la leçon Depuis plus de cinq décennies, il n'y a pas de responsable politique à n'importe quel niveau hiérarchique qui n'a pas déclaré la guerre à la trop forte dépendance de l'économie algérienne des hydrocarbures. Il n'y a pas un haut responsable qui n'a pas fait de ce projet son cheval de bataille. Les politiciens ont de tout temps été focalisés sur cet objectif que tout le monde s'accorde à ériger en priorité absolue. Et pourtant ! À chaque fois les constats sont les mêmes : les résultats sont dérisoires. Chaque gouvernement qui vient nous dit : cette fois c'est différent. Nous allons régler définitivement ce problème qui n'a que trop duré. Et chaque fois au final on arrive au même constat : la dépendance est toujours là, immensément grande. Les épisodes de baisse se succèdent et à chaque fois tout le monde se dit finalement maintenant il nous faut retenir la leçon. Le problème ne se situe pas au niveau des intentions. Beaucoup de responsables auraient pu être bien intentionnés et ont cru faire le nécessaire mais sans succès. C'est au niveau de la méthode que tout se passe. Il y a deux axes majeurs qui furent absents pour sortir de cette impasse : un plan stratégique concerté et coordonné et un plan d'exécution scientifiquement esquissé. Depuis plus de quarante ans, lorsque nos responsables juraient de nous débarrasser de l'extrême dépendance pétrolière qui a vu un plan stratégique conçu par nos meilleurs experts et qui a reçu l'input d'un maximum d'institutions et de citoyens ? Comment peut-on réaliser quelque chose de si grandiose sans planification stratégique ? On apprend à nos étudiants MBA lors des premières leçons de management qu'une entreprise a intérêt à faire un minimum de planification stratégique. Bien sur qu'il y ait plus important : le développement et la mobilisation des l'intelligence de toutes les ressources humaines disponibles. L'échec peut provenir de l'une ou de l'autre facette du management. Alors retenons la leçon cette fois ci. Il ne s'agit plus de dire nous allons développer une économie hors hydrocarbure diversifiée et compétitive. Ce souhait est un dénominateur commun de tous les responsables qui ont essayé. Mais la question serait : où est le plan stratégique qui canalise les ressources, coordonne les énergies et les activités et permet à tous les acteurs de tirer dans la même direction ? Si ce plan n'existe pas on a de fortes chances de se tromper encore une fois. On ne peut dans ce contexte développer outre mesure les tenants et les aboutissants d'un plan stratégique d'un pays. Faire converger la priorité des acteurs La seconde orientation concerne les modalités d'émergence de cette économie diversifiée. Comment l'ériger ? Pour de nombreux responsables passés, la méthode consiste à instruire et instruire par des écrits et des discours répétés ce qui est attendu des acteurs qui sont supposés réaliser les objectifs sur terrain. Ces derniers ne ratent aucune occasion pour relater qu'ils sont mobilisés autour de ces buts. Ils ne peuvent pas les rater parce qu'ils constituent la priorité de leurs actions. Finalement on rate toujours ces objectifs. Pour cela, certains très hauts responsables plus consciencieux vont opter pour un suivi minutieux des opérations. On suit les travaux, les réalisations et les plans sectoriels des différents départements ministériels. On fait un travail de fourmis. Pourtant au final, on arrive à un résultat relativement moins catastrophique mais toujours nettement insuffisant pour construire cette économie diversifiée et compétitive. On a pourtant fait le maximum soi même. On s'est informé des détails grands et petits et on a suivi le processus du début jusqu'à la fin et en fin de compte le résultat n'est toujours pas satisfaisant. C'est qu'il manque une chose : la méthode. Il faut bien se rendre compte d'une chose. Si on ne saisit pas convenablement l'approche on fera d'autres erreurs. Le fait est que les entreprises et les administrations que nous avons ne sont globalement pas capables d'ériger cette économie hors hydrocarbures que nous voulons bâtir. On fait toujours la confusion entre les 2% meilleurs scientifiques, entreprises et administrations dont nous disposons avec le reste. Nous avons des décennies de retard en management des entreprises et des administrations. Or c'est le niveau managérial de cette toile d'institutions qui permet de réussir ou d'échouer. Si le niveau managérial moyen serait de 3/10 la réalisation de cette économie ne peut pas dépasser 2/10 ; si le niveau serait de 8 le degré de réalisation serait de niveau 7. Or le niveau managérial serait proche du 3/10 (approximation trop approximative et quelque peu arbitraire, en l'absence d'une étude rigoureuse). Avec un niveau managérial de 6 on pourrait avoir une économie diversifiée de compétitivité moyenne. Avec un échelon de 9 on pourrait avoir une économie émergente. Or on essaye l'impossible : créer une économie diversifiée et efficace avec un niveau managérial très faible. C'est sur ce dernier point qu'il faut agir. Stratégie et efficacité managériale, c'est ce qui nous manque. Et on ne peut pas réussir sans cela. Par Abdelhak Lamiri