C'est l'un des bons moments du festival d'Avignon, voire même l'une des belles surprises. La chanteuse algérienne, Samira Brahimia, dans un espace pourtant réduit, a enflammé son public d'une voix sublime, avec des airs folk, en arabe, kabyle et anglais. Un pur enchantement. Avignon. De notre envoyé spécial Elle écrit la plupart de ses chansons, paroles et musique, bon nombre en anglais, quelques-unes en arabe ou en kabyle, rarement en français. Elle a tout d'une grande et pourtant elle se sent toute petite devant le talent éternel des auteurs comme Jacques Brel, affirme-t-elle modestement. Et si on lui rétorque que fort heureusement des nouvelles générations de grands chanteurs francophones se sont depuis fait connaître par les émotions et la justesse de leurs textes, elle préfère rester sur son registre nostalgique. Grand bien nous fasse, car elle est douée d'une voix merveilleuse et cela suffit. S'accompagnant de sa seule guitare, elle entraîne vite son public sur son terrain fait de bonté, de beauté et de rythmes. En ce mois de juillet avignonnais, face aux multiples offres théâtrales aguichantes, elle a tenu l'affiche chaque après-midi, jusqu'au 31 juillet. Jamais elle n'avait été présente sur une scène sur une aussi longue durée. Fille d'un radiologue et d'une pharmacienne, Samira Brahimia a pu goûter très jeune à l'art musical sous toutes ses formes. A Chlef d'abord, où elle a grandi. Là, la petite fille, née en France mais rapatriée avec ses parents à un an, joue du piano et s'initie au solfège à la maison des jeunes, avec un abbé catholique, français, parti pendant la décennie noire. Plus tard, à Alger, elle abandonne trop vite des études à Polytechnique puis en science-éco, mais apprend la guitare. Le déclic survint lors du tournage du film de Merzak Allouache, L'autre monde, où avec sa guitare, elle y joue un morceau. Elle rencontre Gnawa diffusion, où elle assure, comme une grande, la première partie d'un concert à Ibn Zeydoun, en 2001. En 2002, elle est l'invitée du Petit festival en herbe, dans la Drôme, en France. Le contact avec Coefficient 7 qui organise l'événement s'avérera décisif, c'est d'ailleurs cette association qui assure la prestation avignonnaise. « En Algérie, on ne peut penser début de carrière qu'en faisant des mariages ou des fêtes. Il y a peu de salles ». Les airs de l'amour L'art est pourtant ailleurs que dans ses réjouissances familiales. L'idée de l'exil pour travailler son talent vint alors à elle, sachant que son itinéraire et sa naissance en France lui permettait de jouir du passeport français, ôtant de fait les difficultés de paperasses. Les scènes vont se multiplier, établissant les premières bases de la reconnaissance. Elle joue la première partie de Khaled en 2003, rencontre les musiciens de l'Orchestre national de Barbès, dont le guitariste Khliff Mizialloua, qui deviendra son mari, Cheikh Sidi Bémol, Karim Zyad. En 2006, elle publie son premier album, Nayala. En 2009, elle joue à Alger, au moment du festival panafricain. Sa carrière est lancée, abordant notamment parmi les nombreux thèmes de ses chansons la condition féminine : « Je me bats à ma façon en prenant les choses à ma mesure », nous dit-elle. « Avec l'humour féminin qui nous a toujours permis de tenir le coup en tant que femmes, même si moi, dans mon milieu, je n'ai jamais connu de problèmes, bien au contraire. Il y a un travail de fond à faire face à l'hypocrisie ambiante, d'hommes et de femmes qui ne sont pas sûrs de leurs choix, et qui courbent l'échine, faisant les choses en cachette. Il faut un respect entre les hommes et les femmes ». Au moins cela est dit ; pour l'éloignement qui lui pèse : « L'exil pour moi, ce n'est pas un exil géographique, mais un exil des sens. Ce qui me manque, ce sont les couleurs, les odeurs, les sons, les gens ». Mais peut-être faut-il en passer par là….