L'avenir, ou plutôt la suite, du championnat est au centre du débat qui agite les cercles du football. Les avis sont partagés entre le désir et la volonté de reprendre le chemin des stades et les inquiétudes, teintées de menaces, qui pèsent sur le processus de déconfinement mal emboîté. La température varie d'un camp à l'autre. Qu'en pensent les acteurs, dirigeants et entraîneurs de cette problématique dont la solution n'est pas entre leurs mains. Fahd Halfaiya, le premier responsable de l'ES Sétif, n'y va pas par quatre chemins. «La décision de reprendre ou pas la compétition n'est pas de notre ressort. C'est la prérogative du ministère de la Santé et des plus hautes autorités du pays. La décision leur appartient. Elles sont les mieux placées pour trancher la question. Nous, à l'Entente, nous nous plierons à leur décision. La même chose si elle émanera du ministère, de la Fédération ou de la ligue. Nos petits soucis au quotidien passent au second plan. Le plus important à l'heure actuelle c'est de tout faire pour dépasser cette période difficile. Le club est prêt à toutes les éventualités, reprendre ou arrêter la compétition. Nous sommes en course sur les deux tableaux, mais nous privilégions l'intérêt général. Le sens de la responsabilité doit prévaloir.» «LE CHAMPIONNAT DOIT ALLER à SON TERME» Le président de la JS Kabylie, Cherif Mellal, affirme le contraire : «Le championnat doit aller à son terme après le déconfinement. C'est vital. L'arrêt du championnat a accentué la crise financière. Les sponsors et partenaires, avec qui nous sommes liés par des conventions, refusent de nous verser notre dû. Ils ne tiennent pas leurs engagements car eux aussi sont asphyxiés par l'arrêt de l'activité. Nous avons de l'argent qui dort, par exemple, dans les comptes de la CAF (750 000 dollars), de la télévision, des instances du football et de nos partenaires.» Le président de la JSK estime que son club «présente toutes les garanties pour aborder la reprise. Nous garantirons les conditions médicales optimales. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, elles seront réunies. C'est pour cela que nous souhaitons une reprise afin de respecter l'éthique et l'intégrité de la compétition et, en même temps, sauver le club de la faillite qui le guette plus que jamais». Il est conscient de la sensibilité de la situation et reste partagé entre le devoir d'épargner à son club la faillite et la volonté de sauver la saison. Il concède : «Nous traversons une période difficile. J'ai 25 milliards à droite et à gauche. Si j'arrive à les récupérer, le club honorera ses engagements avec les joueurs. Dans le cas contraire, il restera une seule solution : mettre la clef sous le paillasson. Chacun sera placé devant ses responsabilités.» «LA SITUATION EXIGE DE CHACUN UN MAXIMUM DE RESPONSABILITE» Abdenacer Almas, le président du conseil d'administration du MC Alger, préconise «la sagesse et ne pas se précipiter. La situation exige de chacun un maximum de responsabilité. Ce sont les pouvoirs publics et personne d'autre qui trancheront sur la poursuite du championnat ou son arrêt définitif. Ce sont eux qui ont tous les éléments pour juger de l'opportunité ou pas de la reprise. Tant que la situation reste en l'état, il est hasardeux d'avancer une date de reprise. Si la santé des joueurs et l'intérêt du football recommandent d'arrêter la saison, je signe. L'option de faire chevaucher deux saisons me paraît aléatoire. C'est aux responsables de trouver des solutions qui ne lèsent personne. S'il faut aller vers un championnat de Ligue 1 à 20 clubs, pourquoi pas, à charge ensuite à la FAF et la LFP de revenir à 18 clubs la saison d'après. Pour ceux qui s'inquiètent au sujet de la représentativité en Coupe interclubs de la CAF, le quota sera puisé à partir du classement arrêté lors de la dernière journée disputée.» «IL NE FAUT PAS JOUER AVEC LA SANTE DES JOUEURS» Le président du MO Béjaïa, Arab Bennaï, rejoint l'avis du dirigeant mouloudéen et va même un peu plus loin : «Dans la situation difficile que nous traversons, je pense qu'il est plus sage d'oublier le football et ses problèmes pour se concentrer uniquement sur la pandémie de Covid-19. La clé est entre les mains de l'Etat. S'il a jugé opportun de différer la rentrée scolaire et universitaire à l'automne prochain, c'est que la situation est difficile. Je crois que l'éducation prime sur le football. Nous les clubs, nous n'avons pas les moyens de satisfaire à toutes les conditions contenues dans le protocole sanitaire. Il ne faut pas jouer avec la santé des joueurs. Notre football professionnel est loin d'être une entreprise qui génère des bénéfices, comme en Europe par exemple. Les clubs sont en faillite. L'impact d'une saison blanche sera nul. Alors pourquoi risquer la santé des joueurs ?» Si Tahar Cherif El Ouazzani (MC Oran) lui aussi met l'accent sur la santé des joueurs «qu'il faut préserver avant toute chose». L'ancien international au long court est partagé entre terminer la saison en cours ou dire stop et fin. Il indique que les clubs ne disposent pas de tous les moyens médicaux, pédagogiques, infrastructurels pour relever le défi de la menace du coronavirus qui plane sur la santé des joueurs, mais se dit «prêt à renouer avec les entraînement et la compétition si les pouvoirs publics le demandent». Il n'est pas contre le fait d'annuler la relégation de L1 à L2 et la formation d'une L1 à 20 clubs. «Cela résultera des décisions que prendront la FAF et la LFP.» Cependant il ne cache pas qu'au fond de lui-même il «souhaite que l'exercice actuel se termine bien sûr dans les meilleurs délais en fonction de l'évolution de la pandémie de Covid-19». «LA SAISON EST TERMINEE» Nabil Neghiz, le coach du MC Alger et ancien membre du staff de l'équipe dirigée par Christian Gourcuff, estime que «la saison est terminée» et juge qu'il sera difficile de remettre la machine en marche pour boucler le reste de l'exercice alors que les joueurs ont consommé leur second mois d'inactivité en groupe. Il met l'accent sur «l'absence de motivation et le flou qui entoure la date de reprise toujours incertaine». Il préconise de se tourner vers l'avenir et d'oublier ce qui reste de l'exercice 2019-2020. «Il faut mettre à profit cette situation pour jeter les bases d'une refonte générale du football et jeter les jalons d'un renouveau que chacun de nous appelle de ses vœux. La reprise sera conditionnée par la disponibilité de tous les moyens, médicaux dans un premier temps. Toute la concentration doit être axée sur la saison prochaine. Psychologiquement, les joueurs sont loin d'être au summum de leurs capacités. Les solutions en ce qui concerne cette saison ne sont pas difficiles à imaginer pour celui qui le veut. Un championnat à 20 est une option. Mettons à profit cette période pour planifier un avenir radieux au football national, avec une stratégie et un travail planifiés qui permettront d'améliorer le niveau du championnat et la qualité de nos joueurs. Cet arrêt peut être bénéfique si on sait l'exploiter.» Pour conclure, Nabil Neghiz ajoute : «De toute façon, la décision de reprendre n'appartient pas aux acteurs du football. Face à la menace que le coronavirus fait peser sur la santé des joueurs et des staffs, le principe de précaution et le protocole sanitaire pèseront sur la balance et l'avis des autorités médicales.»