Prendre d'assaut les artères principales du centre-ville à la recherche d'un ou plusieurs jeunes de son âge relève plutôt d'un mal chronique qui s'incruste insidieusement dans les mœurs locales et s'érige en mode d'emploi pour résoudre ses différends. Cela s'est passé à Souk Ahras, la semaine dernière, au vu et au su des « adultes » d'une ville en mal de repères depuis belle lurette. Les parents n'assument que timidement leur rôle moralisateur, la rue fait des siennes parmi la population juvénile, le sport se confine au statut d'enfant renié, la société civile prie au chevet des détenteurs de fonds et le mal va crescendo. Ils étaient plusieurs dizaines à appliquer la loi du gourdin et à semer la terreur pendant toute une nuit au sein d'une population qui commence à récolter les fruits de la démission parentale, de l'indifférence institutionnalisée et de l'école sinistrée. Ce n'était ni le premier ni le dernier événement du genre à Souk Ahras, puisque d'autres agressions et rixes entre délinquants ont été enregistrées durant les vingt-quatre heures ayant précédé ce fâcheux incident et les quarante-huit heures qui l'ont suivi. Les auteurs des actes de violence de jeudi dernier ont réussi à imposer un couvre-feu d'au moins une heure. Venus en renfort, quelques minutes auparavant, à la recherche d'une bande rivale (voir nos éditions précédentes), ils ont insulté des passants, menacé des commerçants et saccagé des voitures. Une affaire de territoire d'influence piétiné par d'autres, présume-t-on, mais aussi un appel au respect d'une nouvelle loi, celle du groupe qui échappe aux textes « conventionnels ». L'on n'écarte cependant guère le principe de la thérapie de groupe pour ces jeunes gens issus de familles défavorisées, vivant dans la promiscuité et la misère, habitant, pour la plupart, le quartier populaire de Laâlaouia. Un trop-plein d'énergie mal orienté aboutit forcément à la violence. Ceci ne dédouane en aucun cas la délinquance qui a atteint la cote d'alerte dans une ville dont la réputation se trouve déjà ternie par l'effet des actes récurrents de véritable barbarie. En filigrane, figure également une affaire de gros sous que les deux « belligérants » se disputent, a-t-on appris dans le milieu. C'est là que commence toute l'histoire et que finit le virtuel.