Aéroport international d'Alger. L'accès est soumis à une minutieuse surveillance policière. L'impressionnant dispositif de sécurité fait flancher les voyageurs les plus pondérés. La raison est que les deux points de contrôle placés sur l'unique voie d'accès à l'aérogare provoquent un énorme bouchon. Tous les véhicules doivent être passés au crible. La file d'attente, qui ne cesse de s'allonger au fil des minutes avance lentement. Pas moyen de l'éviter. Sous une chaleur torride, certains automobilistes finissent par perdre patience et se mettent à klaxonner, causant un vacarme à déchirer les tympans. Il est difficile pour un Algérien de contrôler ses nerfs en ce début d'août caniculaire. Surtout lorsqu'on est considérablement en retard sur son vol. Visiblement compréhensifs, les policiers n'arrêtent que les véhicules douteux. Délivrance Franchir ces points de contrôle est une véritable délivrance pour de nombreux voyageurs, qui n'hésitent pas à pousser un soupir de soulagement, les yeux fixés sur leur montre. « Lorsque j'ai vu la procession de voitures, je me suis dit ça y est, j'ai raté mon vol. Au bout de 40 minutes d'attente, j'ai vraiment eu des sueurs froides », peste Karim, installé depuis 20 ans à Nantes, qui repart en France après un mois de vacances passé avec sa famille à Bouzeghène, Tizi Ouzou. Certains automobilistes battent en brèche la stratégie adoptée pour sécuriser cette enceinte aéroportuaire. « Un tel dispositif crée des désagréments plus qu'il ne protège les usagers de l'aéroport. Je ne pense pas que celui qui voudrait perpétrer un attentat choisirait de passer par cette voie », lâche Abdelkrim, venu pour accueillir son frère qui arrive d'Allemagne où il vit depuis 7 ans. « Deux barrages de policiers séparés de 20 mètres, c'est trop », fulmine Wassil, un jeune émigré, retournant, avec ses parents et ses deux frères, à Marseille où ils sont installés depuis 24 ans. Rares sont ceux qui acceptent en toute sportivité d'être coincés dans ce bouchon pendant trois bons quarts d'heure en admettant qu'il y va de leur sécurité et de celle de leur proches. « C'est fatiguant, mais avec la forte menace terroriste, cela me semble indispensable. Je suis venu en hiver, c'était plus fluide. Aujourd'hui, il y a apparemment beaucoup de monde, il faut faire avec. Nous n'avons pas le choix. C'est comme ça notre pays », résume un septuagénaire, retraité de Haute-Normandie, qui se rend en France pour des soins médicaux. Pour les services de police, c'est un mal nécessaire. La sécurité des usagers de l'aérogare est capitale. Elle passe avant tout. L'attentat à la bombe du 26 août 1992 dans le hall de l'aéroport, qui a fait 9 morts et 123 blessés, semble hanter encore les esprits. « Certes, vous êtes un peu retardés, mais une fois à l'intérieur vous êtes en sécurité », lance un policier à l'endroit d'un automobiliste en colère. « En été, il y a du monde à l'aéroport. Pour être sûr de prendre son avion, il faut donc venir le plus tôt possible, 2 à 3 heures avant l'heure d'embarquement », souligne Ahmed, un chauffeur de taxi qui connaît bien l'enceinte aéroportuaire qu'il fréquente quotidiennement depuis 10 ans. « En dehors de l'été, je passe ces points de contrôle en un clin d'œil. Mais avec le retour des émigrés, c'est le rush », ajoute-t-il. L'afflux des voyageurs est perceptible également au niveau des trois parkings de l'aéroport. Flux et reflux Loin des nuisances sonores et du soleil tapant, l'aérogare a l'air plutôt calme de l'intérieur. Les circuits de départ et d'arrivée sont pourtant bondés de monde. Les formalités d'enregistrement et d'embarquement se font sans heurts. La fréquentation de l'aéroport connaît une densité particulière en cette période estivale. Aux émigrés qui sont déjà de retour vers leur « exil » s'ajoute la omra qui semble, cette année, attirer beaucoup de monde à l'approche du mois sacré. « Quotidiennement, 15 000 voyageurs passent par l'aéroport international d'Alger. Cela présente une augmentation de 5000 passagers par rapport aux autres saisons de l'année », indique la direction de la Société de gestion des services et infrastructures aéroportuaires (SGSIA). A titre d'exemple, en juillet, plus de 330 000 passagers ont transité par l'aéroport d'Alger. Pour assurer un meilleur accueil aux voyageurs en général et aux émigrés algériens en particulier, un dispositif « spécial été » a été mis en place dès le début de la saison estivale. Ce dispositif vise à faciliter l'accueil des ressortissants algériens venus passer leurs vacances au pays. A situation exceptionnelle, il faut bien des moyens exceptionnels. Ainsi, la direction de l'aéroport d'Alger, comme dans les autres aéroports du pays, n'a pas lésiné sur les moyens humains et matériels pour assurer le bon déroulement de l'opération. « Avant le début de la saison, nous avons effectué une maintenance préventive de l'ensemble des scanners placés aux différents points d'accès de l'aérogare. Cela nous a permis d'éviter toute panne durant cette période de grande affluence. Nous avons également renforcé notre effectif en recrutant une trentaine de saisonniers », souligne Yacef Abderrahmane, responsable au niveau de la direction de l'exploitation de l'aéroport. Au total, 500 employés (contrôleurs, hôtesses, surveillants, préposés aux chariots, agents d'entretien...) sont au service des passagers. Notre interlocuteur assure que tous les moyens sont en place pour accueillir de la meilleure façon possible les voyageurs, dont les émigrés, très nombreux en cette période de vacances. Insurmontables retards Pour étayer ses propos, il exhibe quelques données chiffrées : « Nous avons, par exemple, réalisé un taux de contact passerelle de 95,81%. » Autrement dit, la plupart des avions sont connectés aux passerelles de l'aéroport, que ce soit à l'embarquement ou à l'arrivée. Une véritable performance pour les responsables de l'aéroport. « Ce taux est meilleur que celui enregistré par l'aéroport de Paris », s'enorgueillit le directeur de l'exploitation de l'aéroport d'Alger qui a eu à travailler au sein de cette enceinte aéroportuaire parisienne. L'aéroport international d'Alger dispose, faut-il le préciser, de 14 passerelles. Une fois l'avion sur le tarmac, son « traitement » (transfert de bagages, nettoyage, catering, vérification et chargement en kérosène de l'appareil) prend environ 20 minutes, souligne M. Yacef, qui assure que les passagers passent plus de temps à faire la « queue » pour les formalités de police qu'à attendre leurs bagages. Le plan de travail établi sur la base des programmes des compagnies et leurs plans de vol a été cependant affectée par la grève des aiguilleurs du ciel français en juillet. « Nous ne sommes pas responsables des retards de vols. Notre mission consiste en l'accueil, l'orientation et l'information des passagers ainsi que l'assistance aux personnes âgées et handicapées », précise M. Yacef. Quand un vol fait du retard sur l'horaire prévu, la direction de l'aéroport n'y peut rien. C'est donc la compagnie qui en est responsable. Les voyageurs semblent partagés. Il y a ceux qui constatent une amélioration dans l'accueil et le traitement des passagers, comme il y a ceux qui estiment qu'on est encore loin des normes internationales. Pour remédier à certaines défaillances, un registre de doléances est à la disposition des usagers. « Nous le consultons quotidiennement. Il y a, par exemple, des passagers qui se plaignent des toilettes parce qu'ils n'y ont pas trouvé de papier hygiénique ou de savon liquide ; nous agissons en conséquence. Il y a ceux qui dénoncent les retards de vols, ce qui n'est pas de notre ressort », souligne M. Yacef. Le cauchemar des voyageurs reste les interminables retards des vols qui deviennent de plus en plus fréquents. Il ne se passe pratiquement pas un jour sans qu'il y ait du retard sur un ou plusieurs vols. Ce qui devait être une exception semble ainsi se transformer en règle. La plus grosse pagaille a été enregistrée en juillet. « A l'époque, Air Algérie, seule compagnie nationale, justifiait ses retards par la grève des aiguilleurs du ciel français. Aujourd'hui, la grève est terminée et mon vol accuse déjà un retard de plus d'une heure », dénonce un passager à destination de Lyon. Il n'y a pas que lui. Un autre affirme qu'il devait embarquer à 10h à destination de Charles-de-Gaulle. Mais deux heures après, l'avion n'est toujours pas là. « C'est trop », peste ce passager qui dit avoir oublié à quand remonte la dernière fois où il a pris son avion à l'heure. Cette situation provoque de vives tensions et perturbe le reste du programme de l'aéroport. Les voyageurs « moisissent » des heures durant dans les salles d'attente sans trouver la moindre explication. Cellule d'écoute et d'orientation En juin dernier, le secrétaire d'Etat auprès du ministère des Affaires étrangères, Halim Benattallah, a mis en place un dispositif visant à faciliter l'accueil des émigrés et autres passagers durant la saison estivale. Ce dispositif, annoncé en grande pompe, est constitué de comités de facilitation dans les ports, aéroports et postes frontières terrestres. Ainsi, un couloir vert a été créé et concerne la catégorie des passagers prioritaires (personnes âgées, handicapés, malades chroniques, femmes enceintes). Mais sur le terrain, l'objectif est loin d'être atteint. Des efforts ont été, certes, consentis au niveau de certains aéroports, mais ils demeurent insuffisants. Et dans certaines enceintes aéroportuaires et portuaires, c'est la débandade. Nous reviendrons avec des témoignages de plusieurs voyageurs dans nos prochaines éditions.