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Ils subissent l'intolérance et la xénophobie : Le quotidien difficile des étudiants africains
Publié dans El Watan le 08 - 08 - 2010

Les avis des étudiants subsahariens sur les conditions d'accueil en Algérie sont partagés. Certains parlent de racisme et d'intolérance, d'autres expliquent les difficultés rencontrées à cause des différences entre les sociétés que certains n'arrivent pas à transcender. Ces étudiants reconnaissent tout de même et unanimement que l'Algérie leur a offert la possibilité d'avoir un grand diplôme. Ce qui relève, souvent, de l'impossible dans leur propre pays. « Il y a 4 ans, ce n'était pas facile de circuler dans la rue algérienne sans être dérangé. Et quand on voit un étudiants étranger (subsaharien) accompagné d'une Algérienne, on insulte la fille », a regretté Hamidou Konaté, représentant des étudiants étrangers à l'université de Tizi Ouzou. Même si notre interlocuteur reconnaît que depuis quelque temps les mentalités ont beaucoup changé. Surtout à la fac.
Cette catégorie d'étudiants semble être plus ou moins à l'aise dans le milieu universitaire. « Il y a une certaine prise de conscience dans le milieu universitaire », estime H. Konaté. Toutefois ce témoignage rend compte clairement du phénomène de xénophobie qui prend des proportions alarmantes dans la société algérienne cherchant vainement ses repères.
Ainsi, les comportements de certains Algériens rendent le vécu de ces étudiants plus alambiqué et leur intégration s'avère difficile. Ce sont notamment les filles qui subissent quotidiennement des avalanches d'agressions verbales. Propos injurieux à connotation raciale, mots vulgaires, tels que « Sale nègre, kahloucha, etc. ». Des expressions qu'on croyait révolues. Mais, malheureusement, les aveux d'Alexandra, étudiante en biologie rencontrée à Alger dévoilent une image peu reluisante de notre société. « La violence verbale n'est pas typique au Noir. Qu'on soit Noir ou Blanc, en Algérie tout le monde est agressé. On vous taquine pour n'importe quoi », dénonce-t-elle, affirmant que certaines taquineries visent particulièrement les Noirs dans la mesure où elles revêtent un caractère racial. « Quand on vous dit kahloucha, cela ne concerne que les Noires. Ce sont des plaisanteries de mauvais goût à connotation raciste », conclut-elle.
Malheureusement, selon notre interlocutrice, ce genre de comportements est fréquent même dans l'enceinte de l'université, univers cosmopolite où la pensée étroite est en principe chassée de l'esprit des étudiants. « Quant j'étais en troisième année, un jeune étudiant m'avait interpellée au sein même de l'université : Eh la Noire ! J'avais fait semblant de ne rien entendre. Mais il insistait. Alors, je me suis retournée et je lui ai dit : ''Si tu veux faire ma connaissance tu dois savoir parler d'abord''. Il s'était excusé banalement et il a poursuivi son chemin », raconte Alexandra estimant que « la moindre des choses quand on est étudiant, c'est de respecter la différence pour apprendre ». L'expérience de Dominique, étudiant en médecine, semble différente, du moins dans le milieu universitaire. L'intégration dans le milieu académique est plus facile que dans d'autres milieux. Selon elle, l'accueil diffère d'une région à une autre. « A Annaba où j'ai séjourné pendant une année, les étudiants sont très accueillants. Ils font tout pour te mettre à l'aise. Par contre à Alger, les gens sont assez froids. C'est l'individualisme qui prime », révèle-t-il. Il est établi en Algérie depuis six ans. Et jusqu'à aujourd'hui, Dominique n'a jamais réussi à se faire inviter par aucun de ses amis qui manifestent pourtant un grand respect à son égard. « Je rentre chez-moi (au Cameroun), sans savoir comment vivent réellement les familles algériennes. Si mes parents, ou mes proches, me demandaient de leur décrire le mode de vie d'une famille algérienne, je serai incapable de le faire », avoue-t-il. En effet, l'accueil des étudiants étrangers nécessite forcément la prise en compte, un tant soit peu, des spécificités culturelles et religieuses. Préparer ces étudiants à s'intégrer aux us et coutumes algériennes et se préparer à les accueillir convenablement sont des détails qui semblent être négligés par les autorités qui manifestent pourtant un intérêt pour la coopération au niveau africain. « Quand on accepte quelqu'un chez soi, on doit forcément accepter sa culture », note Dominique.
Les étudiants subsahariens trouvent la société algérienne « difficile ». Ils se sentent constamment « humiliés », notamment par les personnes qu'ils croisent quotidiennement dans la rue. « Les personnes qu'on rencontre dans les rues nous causent beaucoup de gêne, à commencer par leur regard, les grimaces et les commentaires malveillants », fait remarquer Dominique, qui a eu l'occasion de visiter les différentes régions d'Algérie. « A Tizi Ouzou, la vie s'arrête à 17h » L'un des problèmes majeurs entravant l'intégration de ces étudiants est l'interdiction de la mixité dans le milieu universitaire. A Tizi Ouzou (100 km à l'est d'Alger), les étudiants étrangers qui louent des appartements sont constamment surveillés par les propriétaires. « Le propriétaire de l'appartement surveille nos visites et les voisins se plaignent dès qu'ils voient une fille invitée », dénonce le représentant des étudiants étrangers à Tizi Ouzou. Ces interdictions rendent la rencontre de ces ressortissants presque impossible. « On veut bien se regrouper pour retrouver l'ambiance, la chaleur familiale en dégustant un plat de chez-nous. Mais les spécificités culturelles ayant trait à la religion telles que la mixité, nous ont éloignés de nos compatriotes filles », se lamente encore Dominique. Pour Hamidou Konaté, ces comportements « ne peuvent en aucun cas être expliqués par la religion ». « C'est plutôt la mauvaise foi des gens, parce que moi aussi je suis musulman », tranche-t-il. Pour sa part, Alexandra se plaint du rythme de vie que la société algérienne leur impose « Au bout d'une année, j'ai établi des relations, mais le rythme routinier est infernal », se plaint cette Ivoirienne, comparant le mode de vie des étudiants algériens à celui des Ivoiriens. « A Abuja, nous avons un grand campus équivalent à une petite ville estudiantine où toutes les commodités existent. Il y a également des lieux de danse et des activités lucratives. En Algérie, par contre, on ne peut même pas aller au cinéma. A Tizi Ouzou, la vie s'arrête à 17h. Sauf pour ceux qui sont véhiculés », déplore-t-elle. Mais, de l'avis même du représentant des étudiants étrangers à Tizi Ouzou, des actes de racisme sont rares. Réagissant aux déclarations de sa compatriote, cet étudiant juge que même les Algériennes n'échappent pas à ce genre de taquineries dans les rues. « Chez nous, les filles peuvent se promener même après 20h. Ici, les gens conservent certaines valeurs. C'est aux étudiantes africaines de s'adapter. Tu ne peux pas venir imposer ton mode de vie à quelqu'un chez lui », estime-t-il.
Pratiques religieuses
Pour pratiquer leur culte, ces étudiants galèrent quotidiennement. Pourtant, la loi algérienne reconnaît la liberté du culte et de la croyance, du moins pour les étrangers. « J'exerce mon culte à l'église de Tizi Ouzou. Mais, depuis l'incendie qui s'est produit au niveau de cette église, je pratique le culte chrétien à la cité universitaire. Mes parents m'avaient conseillée de ne pas créer de problèmes à cause des pratiques religieuses, d'autant plus qu'on n'est pas chez nous », s'est lamentée Alexandra, insistant sur le fait que la charte internationale n'est que des mots. « Au mois de Ramadhan, je fais l'effort de ne pas manger et quand je vois quelqu'un faire sa prière, je fais aussi l'effort de ne pas parler. Je crois que cela fait partie de la courtoisie », a-t-elle confié. « Notre liberté est conditionnée. Mais, ce n'est pas en me confrontant à des personnes que je peux régler le problème du créationnisme en Algérie », a-t-elle conclu.
Les tentatives d'islamisation n'ont pas épargné ces ressortissants, qui les interprètent comme étant des actes d'intolérance à l'égard des autres religions. « Certains ont essayé de me convertir à l'Islam, en me disant ‘'tu es gentil mais il te manque quelque chose : c'est de devenir musulman'' », a raconté Dominique. Et de poursuivre : « Tous mes problèmes ont commencé dans l'avion avec Air Algérie, avant même d'atterrir sur le territoire algérien. J'ai eu la malchance d'arriver en plein mois de Ramadhan sans le savoir. Ils nous ont servi le repas avant l'heure de l'appel à rompre le jeûne. J'ai commencé à manger croyant que les autres n'avaient pas faim. A ce moment là, j'ai eu juste droit aux agressions verbales de la part des voyageurs. Mais, c'est en demandant un verre du vin rouge que les voyageurs et l'hôtesse d'Air Algérie m'ont traité de tous les noms (mal éduqué, etc. », a-t-il narré, en reconnaissant que ces incidents, bien que blessants, lui ont appris la maturité d'esprit et la maîtrise de soi, face aux provocations et jugements des autres. Hamidou Konaté, lui, n'a pas vécu cette mésaventure. « Je suis venu de l'un des rares pays où les chrétiens et les musulmans s'entendent. En Côte- d'Ivoire, les mosquées et les églises sont toujours côte à côte », a-t-il précisé, insistant sur le fait que depuis qu'il est représentant des étudiants étrangers à Tizi Ouzou, personne ne lui a signalé l'existence de problèmes d'ordre religieux.


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