Hillana Welt Ofnait Alkoni est une targuie libyenne originaire d'Ubari. Diplômée en philosophie, elle est engagée dans le combat citoyen dans une Libye déchirée par la guerre. «Nous n'avons jamais soutenu la violence. Partisanes de la paix, nous croyons au dialogue et au rôle positif des citoyens. Nous voulons l'arrêt de l'effusion du sang de nos enfants», martèle-t-elle. Dans un Fezzan longtemps marginalisé, Touareg, Toubous, Beni Slimane et tous les autres ont longtemps été persécutés par El Gueddafi. Le Fezzan a joué un rôle central dans la révolution du 17 février. Très vite, la désillusion fût totale et le chaos général. «Le Sud libyen est la région la plus impactée par la guerre. En plus du bouleversement sécuritaire, les familles subissent de plein fouet l'inflation. Imaginez un peu, dans la région du pétrole, les 20 litres de gasoil coûtent 45 dinars libyens. A Tripoli, pour 10 dinars, vous obtenez 60 l. De Ghât, en passant par Ubari jusqu'à Saba, la cherté de la vie paralyse les familles. Le lait infantile est affiché entre 15 et 20 dinars à Tripoli alors qu'il coûte 35 dinars la petite boîte dans le Fezzan», s'insurge-t-elle. Le Sud souffre. On y dénombre des milliers de déplacés, d'orphelins, de veuves, d'estropiés et de mutilés de guerre. «La situation a empiré lors de la guerre tribale dans la ville d'Ubari, en 2014. La population a vécu un cauchemar, surtout les femmes qui voyaient leurs mari et fils partir à la mort. Elles voyaient leurs familles privées de tout, les enfants privés d'école. Certaines ont accouché sous des arbres, aidées par les membres de la communauté. J'ai été témoin de la mort en couche de certaines d'entre elles, en l'absence totale d'une prise en charge médicale», poursuit Hillana Welt Ofnait Alkoni. Le travail de proximité réalisé par les associations et différentes organisations est vite devenu vital pour ces territoires oubliés. Hillana Alkoni et d'autres femmes de sa région ont décidé de prendre leur destin en main. En 2013, elles ont fondé l'Organisation des femmes touareg pour la sensibilisation et les droits de l'homme. C'est une association engagée pour la défense des droits des femmes, des enfants et des minorités. Forte de ses années d'expérience dans l'enseignement, Hillana s'appliquera à faire aboutir le projet. Dès 2014, l'organisation a initié une série de formations pour encourager et renforcer le rôle des Libyennes du Sud dans leur participation politique. «L'engagement des femmes d'Ubari a permis de redonner une place centrale à la citoyenne qui désire avoir une participation sociale, politique et même économique malgré le manque de sensibilisation, de capacités et de moyens. La victoire fut la participation de certaines femmes aux élections municipales. Nos ateliers de sensibilisation et d'éducation ont enregistré une forte fréquentation. D'une trentaine de membres à sa création, nous comptons aujourd'hui près de 2050 adhérents», indique Hillana Alkoni. Ateliers d'alphabétisation, sessions de vaccinations, distribution de denrées alimentaires et d'autres aides vitales pour les familles de la région, le groupe de militantes targuies intervenant entre Ubari, Sabha et Tripoli se donne comme mission d'apporter soutien et aide aux populations. Un travail de proximité qui a beaucoup apporté à Ubari et ses environs. L'association a été à l'origine de la campagne sensibilisation aux questions de la préservation de l'environnement. Cela a inclus le nettoyage des lieux publics, la réhabilitation d'une bibliothèque, de salles de classe, etc. Ont été organisés également sous leur égide des ateliers de formation citoyenne qui ont abordé de nombreuses thématiques, comme la coexistence et la tolérance, le rôle pacificateur du citoyen, les dangers du terrorisme et comment le combattre, l'immigration illégale et ses conséquences sur le Sud, etc. En 2016, Hillana Alkoni intègre le bureau des déplacés. En 2018, elle représente Abdulsalam Kajman, membre du Conseil présidentiel, auprès des entreprises de l'Etat. En 2019, elle rejoint le comité de conformité et de l'intégrité budgétaire affilié à la commission nationale anticorruption. «J'ai collaboré avec eux fin 2018 avant d'en prendre la présidence en 2019 (...). Suite à des différends internes (...), j'ai refusé de continuer à travailler dans l'autorité. J'ai refusé de cautionner certaines pratiques.» Il est vrai que lutter contre la corruption dans pays en guerre n'est pas du tout une mince affaire. C'est là toute la difficulté dans une Libye où tout reste à faire et à revoir.