La résolution 1514 (XV) adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1960 consacre le principe de l'autodétermination des peuples par l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux. L'application de ce principe suppose l'expression libre et authentique de la volonté du peuple sahraoui. Comme obligation principale de l'application de ce principe, l'Etat, nouvellement indépendant, accepte les frontières héritées du colonialisme. Depuis 1974, le Maroc a accepté le principe de l'autodétermination du Sahara-Occidental, mais en soulevant une controverse juridique. En effet, dans une correspondance adressée à l'Espagne le 23 septembre 1974, le Maroc a souhaité soumettre à la CIJ sa revendication juridique sur les territoires sahraouis. Cette communication ne pouvait détacher la question sahraouie du débat onusien, toujours en cours, sur la décolonisation. Pour saisir les liens juridiques sur les territoires revendiqués par le Maroc, il ne serait pas inutile de revenir sur le rapport pertinent de la Cour du 16 octobre 1975 ayant accompagné son avis consultatif de même date. La controverse juridique soulevée par le Maroc concerne une disposition d'application de la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale. Cette dernière, en saisissant la CIJ, entendait requérir de la Cour un avis consultatif devant la guider dans l'opération de décolonisation du Sahara-Occidental, sans remettre en cause cette opération. Dans ce sens, la position permanente de l'Algérie sur la question se trouve légitimée par l'Assemblée générale des Nations unies qui considère que la question sahraouie est une question de décolonisation. En appui, et ainsi qu'il ressort du paragraphe 3 de la résolution 3292 (XXIX) de l'Assemblée générale des Nations Unies, elle demande à la CIJ un avis consultatif devant lui permettre de se prononcer « sur la politique à suivre pour accélérer le processus de décolonisation du territoire... ». L'Algérie, confiante dans sa position, est d'avis que la Cour se doit de répondre à la requête de l'AG de l'ONU. I- Les liens juridiques soulevés par le Maroc Il est intéressant de revenir sur les arguments développés par le Maroc pour tenter de comprendre ses motivations sur des « territoires autonomes » considérés par lui comme le prolongement de son royaume. Alors même qu'en 1966, le Maroc a donné son assentiment à l'Espagne qui a pris position pour la décolonisation du Sahara-Occidental. Le Sahara était-il un territoire sans maître « terra nullius » (première question) au moment de la colonisation par l'Espagne ? La Cour retient le principe d'examiner cette question à la lumière du droit applicable au moment de la colonisation espagnole. En effet, le terme « terra nullius » était un terme technique du droit d'occupation de territoires autrement que par un autre mode : cession, succession. Sans cette condition de fond « territoire sans maître », le droit d'occupation demeurait contestable. De l'avis de la Cour, on ne peut retenir que le Sahara a été une « terra nullius » au moment de la colonisation espagnole, en raison du fait que ces territoires étaient occupés par des tribus ayant une organisation politique et sociale spécifique. En occupant le territoire, l'Espagne n'a pas agi en force occupante d'une terra nullius. Par ordonnance royale du 26 décembre 1884, le roi d'Espagne proclamait la mise sous sa protection de « Rio de Oro » sur la base d'accords conclus avec les chefs des tribus locales. On parla alors d'actes d'adhésion à l'Espagne. Dans ses négociations avec la France, au sujet des limites du territoire espagnol au nord de Rio de Oro, c'est-à-dire dans la région de Sakiet El Hamra, l'Espagne n'a jamais prétendu avoir acquis la souveraineté sur une terra nullius. A cet argument imparable, le Maroc tenta alors d'opposer le fait que ces chefs de tribus locales étaient sous la souveraineté du roi du Maroc. Argument que la cour ne retint pas, parce que sans objet avec la première question. Des faits notables témoignaient du contraire qu'il ne nous paraît pas indiqué de citer ici. Les liens juridiques du Sahara avec le royaume chérifien (deuxième question) sont saisis comme étant les liens juridiques susceptibles d'influer sur la politique à suivre par l'AG de l'ONU portant sur la décolonisation du Sahara. C'est ainsi que la Cour retint le fait que les liens juridiques s'établissent avec les personnes et pas avec les territoires. Ces personnes nomades avaient des particularités qui tenaient à la nomadisation : la rareté des ressources en eau les conduisait à parcourir les territoires avoisinants, notamment mauritanien, marocain et algérien. Toutes ces tribus (les Aroussiyine, les Ouled Delim, les Ouled Bou Sba, les Ahel Barikala et les Regueibbat) étaient de religion musulmane, l'ensemble de leurs territoires relevait de Dar El Islam, leur organisation tribale relevait d'une djemaâ et d'un chef politique. La vie de la tribu était régie par un droit propre relevant du droit musulman et de la coutume locale. Il n'était pas rare qu'une tribu eût avec d'autres voisins des relations de dépendance ou d'alliance qui avaient un caractère tribal et pas territorial, des liens d'allégeance ou de vassalité. Le Maroc n'a produit en tout et pour tout, pour étayer ses thèses, que des livres d'histoire remontant à la conquête de l'Afrique du Nord par les Arabes au VIIe siècle !!! Le Maroc n'a pu apporter à la Cour que deux éléments sans lesquels nulle prétention territoriale n'est recevable : l'intention et la volonté d'agir en qualité de souverain, et quelque manifestation ou exercice effectif de cette autorité. L'argument de la contiguïté du territoire ou de l'unité géographique ne tenait pas en l'espèce et était contestable à plusieurs points de vue, l'absence de preuve d'exercice effective d'autorité ne permettait pas à la Cour de le retenir. La thèse marocaine de la possession immémoriale venait de tomber. Ce qui importait à la Cour, ce sont des preuves irréfutables d'exercice effectif d'autorité au Sahara-Occidental au moment de la colonisation espagnole et pendant la période qui l'a immédiatement précédée. Les liens religieux qui pouvaient unir des populations ne suffisaient pas à démontrer les liens juridiques de souveraineté ou de subordination à un souverain. De plus, le Maroc n'a jamais levé d'impôts dans ces territoires. Ses dahirs ne comportaient pas d'actes de nomination relatifs à des caïds en dehors du Maroc d'aujourd'hui. Les expéditions de Hassan Ier dans le Sud en 1882 et 1886 visaient le Sous et le Noun et ne sont jamais parvenues au Draâ, encore moins le Sahara-Occidental. Par conséquent, la Cour était bien pourvue de relever que rien n'est venu étayer la prétention du Maroc selon laquelle, il a exercé une souveraineté territoriale sur le Sahara-Occidental. Le Maroc, pour convaincre la Cour, n'a pu démontrer aucune activité étatique effective ou exclusive au Sahara. La Cour, de manière impartiale, affirme : « Les renseignements dont elle dispose en ce qui concerne d'un côté les actes internes de souveraineté marocaine, et de l'autre les actes internationaux coïncident en ce que ni les uns ni les autres n'indiquent l'existence, à l'époque considérée, de liens juridiques de souveraineté territoriale entre le Sahara-Occidental et l'Etat marocain. » II- La position algérienne L'Algérie a toujours considéré que la question sahraouie relevait du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et activait pour un référendum d'autodétermination tendant à la décolonisation du Sahara - Occidental. Un principe intangible auquel elle n'a jamais dérogé. Elle a déclaré que le principe fondamental régissant la décolonisation, consacré par les articles 1 et 55 de la Charte des Nations unies, ainsi que la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale, est celui du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. L'évolution du droit international à l'égard des territoires non autonomes, tel qu'il est consacré par la Charte des Nations unies, a fait de l'autodétermination un principe applicable à tous ces territoires. Aucune tentative d'intéressement de l'Algérie n'est parvenue à faire fléchir sa position constante démontrant qu'elle n'a aucune prétention territoriale (ouverture sur l'Atlantique) et ne poursuivant aucun intérêt (phosphates et autres ressources). III- Les conclusions de la Cour La Cour, imperturbable, a rappelé judicieusement, et à bon escient, le mouvement de décolonisation qui a caractérisé la deuxième moitié du siècle passé et a noté que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n'établissent l'existence d'aucun lien de souveraineté territoriale entre le Sahara- Occidental et le royaume marocain. La Cour, ce faisant, n'a pas constaté de liens juridiques venant entraver l'application de la résolution 1514 (XV), quant à la décolonisation du Sahara-Occidental et en particulier l'application du principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire. IV- Ébauche de solution La question du Sahara-Occidental empoisonne les relations algéro-marocaines et empêche le Maghreb arabe de se construire face aux complexes régionaux en perpétuelle formation. La question est d'importance parce que ces complexes tentent d'asseoir leur construction sur la force militaire et une politique de défense et de sécurité commune. Si l'on considère que le Sahara, devenu libre, accèdera à l'Union maghrébine de facto, pourquoi alors ne pas entrevoir une ébauche de solution à travers l'UMA ? Comme par exemple placer l'administration de cet Etat, enfin reconnu, sous la coupe de l'UMA avec consentement de son représentant légitime le Front Polisario. L'UMA pourra donner au Maroc pendant une période donnée, entre 15 à 25 ans, un mandat pour le coadministrer avec le consentement des populations sahraouies représentées par le Polisario. Au terme de cette période, il sera prévu d'organiser un référendum d'autodétermination qui décidera définitivement de l'avenir de cet Etat : indépendance, intégration ou association avec l'Etat de son choix. Bien sûr, un tel scénario suppose pour l'Algérie un dédommagement des dépenses civiles et militaires que lui a occasionné la tension aux frontières durant plus de 30 ans. Depuis 1975, l'Algérie, mobilisée à l'Ouest, a engagé des dépenses extrêmement importantes qui sont venues grever son budget de développement économique et social. Le Maroc sur ses richesses, et celles qu'il aura à administrer avec le peuple sahraoui, devra s'engager au remboursement d'une somme globale et forfaitaire qu'il remettra à l'Algérie au titre de ce dédommagement. Elle sera convenue et arrêtée d'un commun accord des parties concernées. L'UMA veillera à contrôler l'utilisation des ressources du Sahara au profit du développement socioéconomique des populations sahraouies (mécanismes à mettre en place par les experts). Cette esquisse a pour mérite de : mettre fin au statu quo (ni guerre ni paix) ; reconnaître la RASD en tant qu'Etat ; donner au Maroc une période suffisamment longue pour se désengager avec honneur selon les résultats obtenus au référendum in fine ; indemniser l'Algérie des dommages qu'elle a subis durant ce trentenaire ; poursuivre la construction de l'ensemble maghrébin à six Etats (les cinq plus la RASD) ; entamer la construction euroméditerranéenne et euro-maghrébine enfin. Notre souhait est de voir les parties intéressées s'engager à trouver les meilleures solutions pratiques qui puissent sauver l'honneur des uns et des autres, étant entendu que la finalité reste la possibilité de permettre au peuple sahraoui d'exercer son autodétermination avec les garanties les plus étendues assurées par l'ONU et l'Union africaine. A cet égard, et dans le cadre de notre proposition, nous rappelons à des fins de méditation que, dans le cadre de l'Union européenne, la France plaçait un franc pour en retirer trois, l'Allemagne placer trois francs pour en retirer un, selon des mécanismes de calcul au prorata des populations et des contributions des Etats de l'Union. Le calcul économique étant à la base des calculs politiques, nous espérons ainsi avoir contribué à stimuler les parties au conflit à aller de l'avant dans l'intérêt de la région.