C'est le branle-bas de combat au service de la lutte contre la fraude de la direction générale des Douanes. Depuis l'éclatement, il y a quelques semaines, du scandale des fausses autorisations d'importation de téléphones mobiles, le contrôle a posteriori a été renforcé et élargi à une bonne partie des opérations commerciales sur au moins quatre années. Les premiers résultats des enquêtes laissent perplexe. Des centaines d'autorisations délivrées par l'Autorité de régulation des postes et télécommunication (ARPT), de l'Office national des droits d'auteur (ONDA), de l'Office national de métrologie légale (ONML) et des services du commerce se sont avérées fausses. Des plaintes vont être déposées ces jours-ci contre les auteurs de ces malversations qui sont, dans leur majorité, des personnes morales. C'est ce que nous avons appris auprès du directeur de la lutte contre la fraude, Regue Benamar, qui a déclaré que « cette affaire ne va pas s'arrêter aux dernières opérations d'importation mais touchera toutes celles engagées durant au moins quatre ans ». Un travail, a-t-il souligné, titanesque qui va « permettre de poursuivre tous ceux qui ont violé la loi ». M. Regue a noté que la prescription en matière de faux est de 15 ans, « cela nous permettra de prendre tout le temps qu'il faut pour tout contrôler ». Le responsable a reconnu que le préjudice engendré « est colossal » avant de révéler que l'affaire Raya Algérie, une société égyptienne dont le patron est actuellement en prison, a quant à elle seule causé une perte de « plus d'une centaine de milliards de centimes ». Des sources aéroportuaires avancent le chiffre de 184 milliards de centimes de pertes sèches liée à l'évasion des droits et taxes douaniers. « La société a payé cash la somme de 34 milliards de centimes, mais a refusé de s'acquitter du reste du montant, arguant qu'elle n'en était pas responsable. La justice a été saisie et c'est à elle de trancher… », a expliqué M. Regue tout en refusant de donner plus de détails sur le dossier. En fait, l'affaire est devant le tribunal de Hussein Dey. Lors des présentations devant le parquet, trois personnes, dont le patron de Raya, un ressortissant égyptien, et le directeur général de Nokia, ont été mises sous mandat de dépôt et sont incarcérées à la prison d'El Harrach, à Alger. Six autres prévenus ont été placés sous contrôle judiciaire, parmi lesquels des actionnaires de Raya et des représentants d'autres sociétés privées. Une décision qui a fait l'objet d'un appel auprès de la chambre d'accusation près la cour d'Alger, l'un introduit par le parquet général et l'autre par les mis en cause. Finalement, ces derniers ont été déboutés. Un mandat de dépôt a été décidé à leur encontre, ce qui les met en situation de recherche par les services de sécurité. Les faits remontent à juillet dernier, lorsqu'un contrôleur (des douanes) des opérations commerciales au niveau de l'aéroport Houari Boumedienne d'Alger a découvert le pot aux roses en vérifiant les autorisations délivrées par l'ARPT à la société Raya spécialisée dans l'importation de téléphones mobiles. Il a saisi alors les officiers de la police judiciaire du Département de renseignement et de sécurité (DRS). Les vérifications vont dévoiler de nombreuses fausses autorisations scannées, dans le but évident de réduire au minimum les droits et taxes douaniers, et ce, depuis au moins quatre ans, mais également une grande opération de mise sur le marché de produits contrefaits ne répondant pas aux normes requises. Des sources crédibles n'écartent pas d'éventuelles complicités que la société et bien d'autres commerçants ont pu obtenir auprès de certains agents des services des douanes au niveau du fret à l'aéroport d'Alger. Pour l'instant, rien n'a été décelé par les enquêteurs qui se limitent aux actes de faux dont seraient responsables les dirigeants des sociétés incriminées. Ce qui a poussé la direction générale des Douanes à décider dans un premier temps le blocage de toutes les opérations d'importation de téléphones mobiles et de procéder à l'authentification a priori des autorisations délivrées par l'ARPT. Une véritable panique s'est emparée des importateurs et une anarchie indescriptible a gagné les services de fret. Quelques jours plus tard, une note émanant du directeur général fait état de la levée du blocage et d'un contrôle a posteriori des autorisations. Néanmoins, il est important de constater que l'homme par qui l'affaire a éclaté a fini par être suspendu de son poste, faisant l'objet de poursuites judiciaires pour une raison non encore connue. Trop de coïncidences ont marqué cette décision. La première est l'affaire Raya, puisque c'est ce cadre qui a dévoilé les fausses autorisations de l'ARPT. La seconde est cette mystérieuse affaire d'importation de cartes Al Jazeera, dont on ne connaît toujours pas les tenants et les aboutissants. L'opération d'importation a été engagée par quatre sociétés privées, dont une, spécialisée en produits électroménagers, avait la part du lion. Le même contrôleur avait découvert qu'il y avait non seulement une majoration de valeur, puisque une des sociétés déclarait l'unité à 60 dollars, alors que les autres à 1 dollar, mais aussi une importation frauduleuse (dans des cabas) de cartes, par celle-là même qui avait la part du lion. Toutes les opérations ont été par la suite bloquées pendant quelques semaines seulement. Que s'est-il passé ? On n'en sait rien. Ce qui est certain, c'est que le contrôleur de l'aéroport a été suspendu dans des conditions encore non élucidées. Selon des sources douanières, cette décision serait liée à une affaire de cotation, bien antérieure à cette cascade de scandales, et pour laquelle le douanier aurait été blanchi par l'inspection générale. En tout état de cause, ce qui est désormais appelé l'affaire Raya montre à quel point le marché algérien est devenu un « dépotoir » des marques contrefaites. Parce que les produits importés avec de fausses autorisations proviennent des marchés asiatique, turc et des pays du Golfe, au nez et à la barbe des propriétaires des marques, représentés pourtant en Algérie. En fait, chacune des parties semble trouver son compte dans ce marché juteux de la téléphonie mobile au détriment des intérêts des consommateurs et du Trésor public.