Le constat établi par les services douaniers depuis janvier 2009, date à laquelle l'Algérie a adhéré à la Zale, fait état d'une hausse des cas de majoration de valeur et une nette diminution des déclarations de minoration de valeur. Cette situation engendre des pertes financières pour l'Etat, car si la minoration engendre un manque à gagner au fisc, la majoration affecte les réserves de change officielles. Face à cette situation, les douanes algériennes ont décidé de déclarer la guerre à la fraude, notamment en 2010. Les actions seront axées particulièrement sur la majoration de valeur des produits finis importés auprès des pays de la Zone arabe de libre-échange (Zale). Il se trouve que ces derniers sont à l'origine de gros transferts illicites de devises, selon des responsables de la douane cités par l'APS. "Le dispositif de lutte contre cette infraction de change a été mis en place suite aux dérives enregistrées notamment dans le cadre de la Zale où des importateurs majorent la valeur des produits importés auprès de certains pays arabes", explique le directeur central du renseignement auprès de la Direction générale des douanes (DGD), M. Medjebar Bouanem. Ce dernier explique que la majoration de valeur consiste à "gonfler" la facture d'importation des marchandises, souvent avec la complicité du fournisseur, pour pouvoir transférer à l'étranger le différentiel entre le prix déclaré et le prix réel en devises de la marchandise importée. Cette infraction de change est souvent pratiquée dans les cas des exemptions de taxes, de démantèlement tarifaire ou de zones de libre-échange, car la suppression ou la réduction des taxes incite les fraudeurs à majorer la valeur de leurs produits, alors que dans le cas d'un système tarifaire normal, ils ont tendance plutôt à minorer la valeur du produit pour échapper à des charges douanières supplémentaires, explique le même responsable. Le plus souvent, ces infractions sont commises par des opérateurs qui importaient auparavant de Chine en pratiquant la minoration de valeur, mais qui se sont détournés de ce pays depuis l'adhésion de l'Algérie à la Zale, pour s'approvisionner à partir de certains pays arabes afin de profiter des exemptions des taxes pour transférer illicitement des devises vers l'étranger, fait remarquer de son côté le directeur central de contrôle a posteriori à la DGD, Benamar Regue. Fausse déclaration de la provenance et la valeur des produits. Pis encore, les services des douanes soupçonnent même que les produits importés par ces opérateurs, dans le cadre de la Zale, ne soient pas d'origine arabe mais plutôt chinoise, constituant une double infraction à savoir le trafic du certificat d'origine couplé à un transfert illicite des devises, ajoute M. Regue. Ces cas de transfert illicite de capitaux sont confirmés sur la base d'un constat réel puisque des procédures contentieuses assez conséquentes ont été menées par les services des douanes dans le cadre de la lutte contre cette fraude. Le cas le plus illustrant de ce trafic est celui d'une entreprise algérienne activant dans l'importation des produits agroalimentaires qui déclarait la boîte de sardines en conserve de 110 grammes à 0,06 euro (5,58 DA) avant l'entrée en vigueur de la Zale et à 0,295 euro (27,43 DA) après la mise en œuvre par l'Algérie de cet accord, soit une différence de près de 22 DA/boîte. Ce cas de fraude a été détecté suite à une comparaison des déclarations de factures entre deux opérations d'importation de sardines effectuées par cet importateur en octobre 2008 (avant l'entrée en vigueur de la Zale) et février 2009 (après son entrée en vigueur), précise M. Regue. Ces responsables appellent les services de douanes à être plus vigilants pour éviter d'ouvrir une brèche à travers ces accords. A cet effet, ils recommandent une évaluation de la convention de la Zale après une année depuis son entrée en vigueur à l'instar de ce qui se fait actuellement avec l'accord d'association avec l'Union européenne. En somme, lorsqu'il s'agit des affaires de majorations de valeur pratiquées dans les opérations d'importation auprès de l'ensemble des fournisseurs de l'Algérie, les enquêtes ouvertes se basent sur des présomptions qui exigent, pour être vérifiées, une assistance mutuelle internationale qui reste toutefois relative, car certains pays ne répondent pas ou retardent leurs réponses aux demandes algériennes. En dehors des poursuites judiciaires, les fraudeurs sont contraints, en cas de confirmation de leurs délits, à verser la différence de la valeur majorée et transférée, et une amende qui équivaut au double de la contre-valeur de la marchandise pour les personnes physiques, et le quadruple pour les personnes morales. Concernant la majoration de valeur des importations pratiquées par des investisseurs étrangers entre 2006 et 2007, les services des douanes ont mis la main sur des affaires de transfert de devises d'un coût de 15 milliards de dinars (près de 210 millions de dollars), selon M. Regue. Outre les produits finis importés dans le cadre de la Zale, les services des douanes soupçonnent fortement la majoration de valeur des biens d'équipements importés, un créneau "sensible" puisqu'il représente à lui seul plus du tiers du montant global des importations algériennes. Selon M. Bouanem, les contrôles ont révélé des pratiques de majoration sur beaucoup d'équipements importés par des sociétés étrangères ou des sociétés de droit algérien. La douane renforce ses actions contre la fraude Vu l'ampleur de la situation, la DGD a opéré récemment la réorganisation de ses services de lutte contre la fraude dans le cadre de l'assainissement du commerce extérieur. Cette réorganisation a été opérée en application du nouvel organigramme de l'administration douanière qui a scindé la direction de lutte contre la fraude en deux directions centrales distinctes, à savoir la direction du renseignement et la direction de contrôle a posteriori. Le rôle de la direction centrale de renseignement est de collecter les informations, suivi des opérations à risque (blanchiment d'argent, majoration de valeur des produits importés, transfert illicite de capitaux, contrefaçon...). Alors que la direction du contrôle a posteriori s'occupera de la gestion des dossiers de dédouanement à l'importation comme à l'exportation. Ses missions s'étendent au contrôle des marchandises même après le dédouanement. Le contrôle a posteriori a été rendu nécessaire par le besoin d'écourter les délais de dédouanement pour les opérateurs économiques activant réellement dans la sphère de la production qui vont bénéficier des facilitations au niveau des ports et aéroports. Ils seront soumis au contrôle une fois leur marchandise dédouanée afin de ne pas entraver leur cycle de production. A noter que les bénéficiaires de cette mesure ne doivent pas avoir d'antécédents fiscaux ou bancaires. Nassima Bensalem