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Comment emprunter les passerelles ?
Du droit des finances publiques à l'économie des finances publique
Publié dans El Watan le 06 - 04 - 2005

L'emprise des disciplines des sciences de gestion ou d'entreprise (management, audit et contrôle de gestion, contrôle qualité, gestion de portefeuilles et de risques, et même le marketing) sur l'action de l'administration publique a conduit, outre-mer, à s'intéresser au développement des financements de l'activité de l'Etat qui ne pouvait plus se suffire des règles du droit classique budgétaire quant à la préparation (en fonction des recettes fiscales, parafiscales...) et l'exécution (dépenses publiques) des lois de finances annuelles, toujours valables dans le cadre macroéconomique de prévision pluriannuelle des dépenses et des recettes de l'Etat (en cours de préparation en Algérie avec l'aide du couple FMI-BM).
C'est que le rôle de l'Etat en économie nationale et internationale n'a cessé de croître à un rythme accéléré pour endiguer les chocs cycliques et contracycliques d'une part, et anticiper sur les conjonctures d'autre part (correctifs, mise en place d'un fonds de stabilisation des recettes), dans l'intérêt d'une gestion publique supposée travailler la croissance interne, forte et équilibrée, grâce notamment à l'instrument budgétaire. Comment en effet se suffire, aujourd'hui, du droit des finances publiques (qui se constitutionnalise rendant lourd l'acte de gestion) quand les finances d'un pays (publiques et privées) s'interagissent étroitement, à l'intérieur et à l'extérieur des frontières de ce pays (dette interne et externe), dans une espèce de réseau dynamique de nature fondamentalement économique avec les dimensions sociales et culturelles nécessaires à l'activité économique (mondialisation versus altermondialisme) ? Si par le passé, la préparation du budget de l'Etat se faisait suivant un schéma réglementé et normalisé, rigoureux et figé, quant aux incidences sur l'activité nationale, il n'est plus possible de suivre aveuglément ces schémas (préparation, exécution et différents contrôles institutionnels) pour prendre conscience des enjeux des masses budgétaires injectées dans l'économie au titre de la régulation économique sur toute l'activité (nécessité absolue d'arriver à la gestion active des ressources et de la dette). La maîtrise des déficits publics, et leur corollaire l'inflation monétaire, la recherche de la croissance, conduisent l'Etat à s'essayer à trouver les meilleures formules pour une adéquation de la politique budgétaire en rapport avec la politique monétaire (recherche de cohérence et pas de combinaison, car interdite : financement monétaire du déficit budgétaire ou plafonnement de l'avance consentie de la Banque d'Algérie à l'Etat, principe d'indépendance de la banque par rapport au Trésor). La première a pour objectif permanent de maîtriser le déficit public, la seconde cherche à maîtriser l'inflation qui ampute chaque exercice budgétaire des scores de croissance réalisés. C'est en considération de ce qui précède qu'on est parti à la recherche des politiques publiques (mise en place de tableaux de bord avec leurs indicateurs de performance) susceptibles d'accroître la richesse nationale par une meilleure allocation des ressources disponibles, notamment fiscales (rappelons le faible taux de recouvrement national estimé à moins de 20% (1) ). Et c'est à ce moment précis qu'on s'est rendu compte très vite que le droit des finances publiques, sans disparaître parce que nécessaire au gestionnaire contractuellement responsable (responsabilité administrative, pécuniaire et judiciaire), devait laisser sa place, du moins s'imprégner et se soumettre, aux réalités de l'économie des finances publiques nationales et internationales (2) par rapport à l'ensemble de l'économie financière. Remarquons qu'en France, il existe aujourd'hui un ministère de l'Economie des finances et d'Industrie. C'est-à-dire un ministère de l'Economie des finances et de l'Economie d'industrie. La conjonction de coordination « et » permet de ne pas reproduire deux fois le terme de conjonction. Bien des personnes pensent que le ministère s'intitule ministère de l'Economie, des Finances et puis d'Industrie (remarquez la virgule après économie). Ce qui est totalement faux. A moins que nous nous trompons nous-mêmes. Et nous allons voir sommairement, dans ce qui nous intéresse, pourquoi l'Algérie devra disposer aujourd'hui d'un ministère de l'Economie des finances et d'Industrie ? Et donc la réorganisation du ministère des Finances, (3) pilote de l'Economie, autour de cette politique d'Etat, par attribut et par essence, qui pilote toutes les autres politiques publiques industrielles, commerciales et socioculturelles (orientées services et produits y compris les services non marchands). Le ministère des Finances est en quelque sorte le système d'exploitation central de l'activité des noyaux et des périphériques pour emprunter au langage informatique progiciel et matériel (ainsi fonctionne harmonieusement un ordinateur).
I - Le cadre restrictif du droit des finances publiques classique
Les grands principes du droit budgétaire, tels (4) qu'ils ont évolué en France, avaient pour fonction commune le contrôle (tatillon) des dépenses publiques suite aux dérapages de la troisième et quatrième République. Le Parlement de la cinquième République, jaloux de ses prérogatives constitutionnelles, depuis 1958, entendait assumer pleinement ses responsabilités en termes de contrôle d'engagement (mais surtout d'inscription de crédits par rapport aux politiques suivies) des budgets des ministères dépensiers, selon la célèbre ordonnance de 1959 (fait partie intégrante des lois organiques du bloc constitutionnel). Mais pour ne rien dissimuler, ces grands principes ont connu petit à petit des dérogations et des atténuations face à des situations où leur respect absolu ne pouvait être sans conséquence fâcheuse à bien des égards. Avec l'évolution des masses budgétaires (prévision de dépenses de 50 milliards de $ d'ici à 2009) qui ne sont plus ce qu'elles étaient durant les deux derniers siècles, le cadre juridique des dépenses publiques ne pouvait que connaître lui aussi une évolution (en exemple, citons la technique de l'émission par assimilation, le développement des spécialistes de gestion des valeurs du Trésor, l'optimisation des conditions de financement de l'Etat par les techniques de la gestion active et ses instruments) tendant à accompagner l'expansion de l'économie financière et son impact sur toute l'activité de l'Etat. Cette même activité qui englobe le financement, entre autres, de l'emploi, de l'éducation et de la santé s'est traduite par un souci de rentabilisation, mais aussi par un souci d'équilibre des charges de l'Etat quant au financement, avec différents concours, des programmes d'infrastructures socioéconomiques et administratives (on parle alors du besoin de financement de l'Etat). S'en tenir au respect aveugle des dispositions législatives et réglementaires régissant le cadre de la dépense publique équivalait à ne point suivre l'évolution des marchés financiers et de capitaux à la base des économies modernes parce que les flux monétaires et financiers sont la source principale du financement de ces économies avec risque parfois dangereux sur la santé financière des Etats. C'est ainsi que ces Etats se sont trouvés face à un dilemme : ou intégrer le mouvement transnational des capitaux (appelé pudiquement la mondialisation) ou regarder l'intervention de l'Etat en dernier ressort face aux déséquilibres des marchés et aux imperfections de leurs politiques, sans cesse renouvelées, de recherche de profit, au détriment de la fonction d'assureur de l'Etat (ordre public nécessaire au développement du droit des propriétés, des investissements et des transferts) et de protecteur des catégories faibles contre les risques sociaux par des politiques sociales de solidarité, d'emploi et de protection (face aux crises). Le développement des masses budgétaires injectées par le biais des politiques publiques justifiait amplement le rôle de l'Etat de veiller aux équilibres de toutes natures et surtout à leur rentabilisation pour éviter le recours systématique à la pression fiscale seule capable de juguler le déficit public. Les prélèvements obligatoires ont des limites qu'il ne convient pas de dépasser sous peine d'effondrement du tissu des entreprises qui verraient leurs charges sociales augmenter sans fin pénalisant l'emploi (coût du travail), l'investissement de renouvellement et d'extension (valorisons le potentiel existant avant d'espérer de nouveaux investissements) et donc la croissance.
II - Les grands enjeux budgétaires en économie financière
La dette de l'Etat, son besoin de financement, a un coût budgétaire, c'est certain. L'enjeu demeurera sa gestion (respect des règles prudentielles dans l'émission et la gestion de la dette publique loin des clivages politiques et académiques pour arriver à un consensus pratique : lutte contre le chômage (5), impulsion de la croissance, compétitivité). Les Etats d'aujourd'hui savent emprunter et rembourser. C'est ce savoir (économie de la connaissance) qui manque à notre ministère, parce que les profils de compétences qui le détiennent font défaut au grand regret de notre argentier, éminent universitaire au fait de la théorie, en passe d'échouer dans la gestion (mise en pratique de la théorie) faute de gestionnaires et ce n'est pas faute par lui d'avoir essayé (la modernisation de l'Etat et du secteur financier tardent à s'installer). Si l'Etat cesse de faire dans l'idéologie (ce n'est pas son rôle, c'est le rôle des partis au pouvoir ou se disputant le pouvoir), en ce sens, cesse d'imposer l'économie de marché par décret, il peut en s'orientant vers l'économie mixte trouver les voies et moyens de combiner la connaissance pure économique (chère aux libéraux) et l'action (comme le soutiennent les keynésiens). Au travers de cette combinaison, l'économie financière trouvera sa place dans la conception pluraliste et éclectique. Ceci pour l'enjeu politique et social. (6) Nous allons revenir aux enjeux financiers supportés par le budget d'Etat inhérents à l'incidence fiscale, et l'action publique qui couvre le commerce, l'industrie, la banque, l'assurance, la sécurité sociale (protection sociale et régime des retraites), la justice, la défense, la santé, etc. L'incidence principale étant que le déficit budgétaire a perdu son rôle de stabilisateur économique face au prix de la montée des taux d'intérêt, de l'inflation, de la faible croissance, du chômage, et d'une dette publique (interne) en constante augmentation. Le réalisme a commandé à notre Etat de lutter contre l'inflation, et de revenir à des politiques de gestion de la dette plus prudentes (désendettement externe). Il tarde depuis le plan de relance initié en 2001 de passer à la vitesse supérieure des restructurations industrielles (privatisations) et la réforme financière pour organiser les nouveaux rôles du Trésor. Et c'est le deuxième enjeu. Le Trésor devenu un intermédiaire financier public de plus en plus tourné vers le marché, doit trouver ses marques qui lui permettent d'agir sur la liquidité globale de l'économie (7) par la collecte des dépôts et son influence des marchés des titres à long terme. Le poids des émissions de l'Etat sur les marchés financier et monétaire sera la source de constitution de l'économie de marché de capitaux puisqu'il semble qu'on désespère du privé national et étranger (par les entreprises comme dans les pays anglo-saxons. Un même plan de relance de 1982 a permis à la France de passer d'une économie d'endettement à une économie de marché de capitaux). Dans cet ordre, rien n'interdit au Trésor, compte tenu des besoins croissants de financement de l'Etat, et on imagine mal une courbe inverse dans le futur (décentralisation, réorganisation territoriale, travaux publics d'infrastructures diverses), d'émettre des ressources négociables sur les marchés secondaires en raison du fait que les ressources non négociables des correspondants et autres formules (bons sur formules non négociables, bons du Trésor en compte courant émis auprès des banques et autres institutions financières, instruments de refinancement sur le marché monétaire), en plus de pénaliser les marchés financiers, qu'il va falloir développer, sont devenues moins importantes. Dans ce sens, le Trésor devra se préparer, pour satisfaire sa trésorerie, à étendre ses activités aux domaines boursier et bancaire. Par la mise en place d'un circuit propre qui va venir satisfaire le besoin de financement de l'Etat qui se fera, à l'avenir, sans nul doute, aux marchés financiers (sous réserve de stimuler leur développement). Pour clore, car il est impossible de traiter dans cette modeste contribution, tous les enjeux, et ils sont nombreux, il me revient à l'esprit une proposition, datant de 2001, d'un expert canadien, M. Fortin, qui avait souhaité voir organiser le ministère des Finances algérien autour de deux agences (les Canadiens raisonnent par agence, on peut imaginer deux secrétariats d'Etat sous la coupe du ministre de l'Economie, des Finances et d'Industrie) : une agence du revenu, et une agence de la dépense. Si un tel schéma pouvait être agréé par les autorités publiques (l'étude complète étant disponible), il sera permis d'espérer voir les directions générales du Trésor (partie dépense), de la comptabilité publique et du budget relever de l'agence de la dépense. Leurs travaux et efforts constants de modernisation s'en trouveraient coordonnés au bénéfice de l'économie des finances publiques algérienne orientée économie de marché de capitaux (finalité du programme d'ajustement structurel du FMI).
(*) L'auteur est Consultant en administration et finances publiques Notes de renvoi
1) Le passage à la comptabilité patrimoniale (par opposition réforme en cours de la comptabilité d'exercice) n'a pas de sens si l'on arrive pas à un taux d'au moins 80%.
2) Le passage à l' euro a amputé le pouvoir d'achat en dinars, des Algériens de 35%. La même somme en dinars qui permettait l'acquisition de 1000 FF ne permet plus que l'achat en euro de l'équivalent de 622 FF (au marché informel). L'Etat qui vend en $ (98% de ses exportations) et achète en euro (70% de ses importations) perd lui aussi près de 30% de son pouvoir d'achat (encaisse en $ et décaisse en euro supportant seul la perte de change euro/$).
3) Dans le cadre de la réforme de la Fonction publique, le ministère des Finances, à l'instar d'autres ministères techniques, devra stimuler la décentralisation et la déconcentration de la gestion des compétences. La spécialisation des profits et leurs rendements impose des statuts particuliers offrant des carrières enviables pour la mondialisation du savoir (11000 DA net pour un administrateur débutant !).
4) Au nombre de quatre qu'il est superflu de rappeler ici.
5) L'Etat algérien n'a pas rougi de vouloir développer une économie mixte : Les Etats à économie de marché évoluent actuellement vers cette économie à bien y regarder (France, USA, GB). Mais en gardant un œil sur les dépenses sociales qui creusent les déficits.
6) C'est pourquoi en France, notamment les électeurs déclarent ne plus voir qui est de gauche, qui est de droite !
7) La notion de liquidité du Trésor et l'identification des déterminants de cette liquidité permettent de déterminer les besoins financiers de l'Etat (fonction financière du Trésor en économie de finances publiques et rôle de caissier et banquier de l'Etat en droit budgétaire classique). Economie des finances publiques. Gervasio Semedo. Edition Ellipses 2001.


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