Dès qu'ils ont commencé à prendre le contrôle de l'Irak à partir du mois d'avril 2003, les troupes américaines avaient ouvert des centres de détention ou plus simplement des prisons emplis d'Irakiens qui résistent à l'occupation. Des prisons normalement couvertes par les conventions internationales et ouvertes à l'inspection d'organisations internationales comme le Comité international de la Croix-Rouge, une institution spécialisée de l'ONU. C'est-à-dire celle-là même qui rend visite aux anciens dignitaires irakiens, parmi eux Saddam Hussein, et qui a visité le camp de concentration de Abou Ghraïeb, plus connu depuis avril 2004 comme le centre de tortures infligées aux prisonniers irakiens par leurs geôliers américains. Mais il n'y a pas que Abou Ghraïeb et ses tortures. En effet, le CICR, apprenait-on hier, va demander à l'armée américaine en charge du centre de détention de Camp Bucca, dans le sud de l'Irak, une enquête sur l'émeute qui s'y est produit vendredi et qui a fait plusieurs blessés. « Nous allons demander à l'armée américaine une enquête sur les évènements qui se sont produits dans le centre de détention », a affirmé Mme Rana Sidani, porte-parole de l'organisation humanitaire qui se trouvait à Camp Bucca durant les incidents. Après l'avoir démenti dans un premier temps, l'armée américaine a confirmé hier l'émeute, faisant état de quatre gardes et douze prisonniers légèrement blessés. « Des détenus dans un secteur ont protesté contre le transfert de détenus indisciplinés à une autre zone de détention », a dit le communiqué de l'armée américaine. Donnant sa version des faits tels qu'elle les a vécus, Mme Sidani affirme que « nous visitions ce camp de détention, lorsque vendredi à 9 h (5 h GMT) nous avons entendu des tirs et vu de la fumée. Cela a duré une heure. Nous étions à un kilomètre de l'incident, et nous avons interrogé les forces américaines, qui nous ont dit qu'il y avait eu des problèmes avec des prisonniers ». Une vive tension régnait dans le camp lors de la visite du CICR qui a commencé le 27 mars. « Les gens se lamentaient de leurs conditions de détention, en plein désert sous des tentes où il fait chaud dans la journée et très froid la nuit », a-t-elle précisé. « En outre, beaucoup de détenus se sont plaints du fait qu'ils ignoraient les raisons de leur détention et la durée de leur internement », selon Mme Sidani. « Les Américains les considèrent comme des "détenus de sécurité" ; il n'y a ni procès ni instruction », a-t-elle expliqué. « Dans ce climat, il suffisait d'un incident pour que les choses s'enveniment », a-t-elle ajouté sans préciser ce qui avait mis le feu aux poudres. C'était la première visite du CICR dans ce camp depuis le 30 décembre 2004, après l'enlèvement et l'assassinat le 15 janvier d'un chauffeur irakien de l'organisation à Baghdad. Lundi dernier, Saheb Al Ameri, secrétaire général de l'organisation caritative Chahid Allah, proche du mouvement du chef radical chiite Moqtada Sadr, avait fait état d'une émeute à Camp Bucca. Selon l'administration pénitentiaire en Irak, 6054 prisonniers sont détenus à Camp Bucca, près du port méridional d'Oum Qasr. Une précédente émeute dans le camp s'était soldée le 31 janvier par la mort de quatre détenus. Par ailleurs, un général, relevant du ministère de l'Intérieur irakien, a été enlevé hier matin avec ses gardes du corps dans un quartier de Baghdad au moment où la capitale était frappée de deux attentats. « Le général Jalal Mohammad Salah, chef de la brigade blindée du ministère de l'Intérieur a été enlevé à 10h30 (6h30 GMT) avec ses gardes du corps dans le quartier Mansour », en plein centre de Baghdad, a indiqué une source du ministère de l'Intérieur. La brigade blindée compte 1600 hommes. Il s'agit d'un des plus hauts officiers enlevés. Parallèlement, deux attentats visant les forces américaines et l'armée irakienne ont eu lieu hier à Baghdad faisant un tué et six blessés, selon un bilan de sources sécuritaire et hospitalière. En outre, un soldat américain, le troisième depuis lundi, a été tué et quatre autres blessés par un engin piégé à Baghdad. Selon les chiffres du Pentagone, ce décès porte à 1 534 le nombre de soldats américains tués en Irak depuis que les Etats-Unis ont envahi ce pays en mars 2003. Et la guerre semble loin de s'arrêter. Loin de s'essouffler, la résistance se montre chaque jour plus déterminée, comme le prouvent ses opérations dans des secteurs supposés hautement sécurisés.