Les habitants de Aïn Beïda ont le cœur gros depuis 1974, date à laquelle ils ont été surpris du fait que leur ville, arrondissement de Constantine depuis 1958, n'a pas été érigée en chef-lieu de wilaya. Et chacun l'interprète à sa manière. Aïn Beïda aurait été ainsi punie pour n'avoir pas apporté son soutien à Houari Boumediène, Chérif Belkacem serait intervenu pour Oum El Bouaghi et ses pénates ; non, disent d'autres, il n'a rien à y voir, il serait originaire en vérité de Aïn Beïda... Entre Khenchela et Aïn Beïda, Boumediène aurait choisi ce clocher de Canrobert (ancienne appellation d'Oum El Bouaghi) pour éviter la zizanie, dit-on encore. Ce n'est pas cela, car lors du découpage administratif, Houari Boumediène aurait posé son verre de thé sur la carte géographique d'Algérie, exactement sur l'inscription Aïn Beïda, et on ne l'aurait pas vu, donc il a fallu opter pour Oum El Bouaghi ! Toujours est-il que l'érection de leur ville en chef-lieu de wilaya constitue toujours leur rêve et leur espoir, et ils n'en démordent pas parce qu'ils considèrent qu'avec ce statut tous les problèmes seront résolus. Certains disent que Aïn Beïda est lésée en matière de quotas de logements sociaux et que tout va à Oum El Bouaghi. « Pas depuis que nous sommes à la tête de l'APC », nous dira Abdesselam Remache, P/APC de cette ville. Pourquoi l'engouement pour l'importation ne touche pas Aïn Beïda ? « Plan Marshall » Selon certains habitants, Aïn Beïda fait beaucoup plus dans la revente des produits que dans l'importation. En matière d'alimentation générale, les revendeurs s'approvisionnent à Tébessa en produits tunisiens, notamment les pâtes, lesquelles sont de bonne qualité. Par ailleurs, cette vieille ville s'en tient toujours à sa tradition de chercher l'élégance vestimentaire du côté de Constantine. « Au vu du retard qu'accuse notre ville, il nous faut un plan Marshall », dit un Beïdi, exacerbé, en sériant les problèmes dont souffrent les habitants de cette ville. Dépassant de loin les 100 000 habitants, cette ville mérite un traitement spécial et a besoin d'un programme devant prendre en charge plusieurs maux. « A ce jour même au centre-ville, il y a des fosses septiques », nous diront d'autres Beïdis, comme pour étayer leurs doléances. Et d'ajouter que Aïn Beïda a accumulé un retard de 30 ans concernant plusieurs secteurs : le logement, la viabilisation.... Comme d'autres villes, elle se trouve à présent à l'étroit, ayant sur les bras un problème sérieux de foncier. Des bidonvilles, il n'y a que ça ! La carrière Dominique, où vivotent environ 800 familles, Foliti, une centaine de familles, etc. En matière de logements sociaux ajoutera le P/APC : « il y a trois mois, 359 logements ont été distribués ». Mais si un programme de 1300 logements est déjà lancé, selon le P/APC, on enregistre par contre 13 000 demandes. On compte à Aïn Beïda plusieurs centaines de familles qui, ayant fui les régions de Tébessa et bien d'autres wilayas limitrophes au plus fort du terrorisme, y ont trouvé refuge. Celles-ci devraient être prises en charge, mais pour cela, il faut bien entendu le nerf de la guerre. Dix-neuf quartiers sont concernés par le gaz de ville et la voirie. Selon le P/APC, 11 seulement. D'autres quartiers souffrent du manque d'eau, n'ayant même pas de canalisation, tel que celui dit Tadhamen. D'autres encore sans électricité ni éclairage public. Aussi, est-il étonnant que certains parlent d'insécurité et vous donnent même des exemples d'agressions répétitives et d'autres forfaits devenus monnaie courante. Aïn Beïda vit aussi un gros problème de transport, notamment vers Oum El Bouaghi. Les innombrables J9 et autres minibus ne suffisent pas à assurer la navette entre ces deux villes, d'autant plus que des centaines de travailleurs et de fonctionnaires se rendent quotidiennement au chef-lieu de wilaya, sans oublier les étudiants fréquentant l'université. « Aïn Beïda, wilaya !... », a-t-on ainsi scandé ces deux mots, lors des deux visites de Bouteflika. Le seul point peut-être sur lequel sont d'accord responsables et citoyens à Aïn Beïda, c'est cette revendication de statut de wilaya. Bien que sachant la dernière « sortie » du ministre de l'Intérieur, disant que le découpage administratif ne figure pas à l'ordre du jour, les Beïdis attendent toujours la promesse du président à ce propos.