Le gouvernement afghan et les talibans ont entamé, hier à Doha, au Qatar, des négociations de paix en présence du secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo. Dans son intervention, le négociateur du gouvernement afghan, l'ancien chef de l'Exécutif Abdullah Abdullah, a appelé à un «cessez-le-feu humanitaire». Une revendication soutenue par l'Union européenne (UE), qui dans un communiqué a demandé un arrêt des combats «immédiat (…), national et inconditionnel», mais contredite par l'émissaire américain pour la paix en Afghanistan, Zalmay Khalilzad. Les négociations «conduiront» à un cessez-le-feu, qui n'est pas un préambule des pourparlers, a-t-il rappelé lors d'une conférence de presse à Doha. Ces négociations, retardées de six mois en raison de désaccords profonds sur un échange de prisonniers, interviennent au lendemain du 19e anniversaire des attentats du 11 Septembre 2001, qui ont entraîné l'intervention internationale, menée par les Etats-Unis, ayant chassé les talibans du pouvoir en Afghanistan. Les deux camps doivent trouver un moyen «de faire aller le pays de l'avant (…) et accéder aux demandes des Afghans : un pays réconcilié avec un gouvernement qui reflète une nation qui n'est pas en guerre», a déclaré vendredi le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo. En février, Washington et les talibans ont signé un accord, qui a ouvert la voie aux pourparlers entre ces derniers et le gouvernement afghan. Ce texte a entériné le départ des forces étrangères d'Afghanistan d'ici mi-2021 en échange de garanties des talibans, dont la tenue de ce «dialogue interafghan». Ce retrait devrait être achevé «d'ici la fin du mois d'avril», a observé Zalmay Khalilzad. Alors que 8600 militaires américains sont encore stationnés en Afghanistan, ils ne seront plus que 4500 fin novembre, a-t-il souligné. Le président américain, Donald Trump, est déterminé à mettre fin à la plus longue guerre de l'histoire des Etats-Unis. Mais un règlement rapide du conflit semble peu probable et l'issue des négociations paraît hautement incertaine. Les rebelles, qui ne reconnaissent pas le gouvernement de Kaboul, qualifié de «marionnette» de Washington, veulent que l'Afghanistan soit régi par un «système islamique», a rappelé leur négociateur en chef, Abdul Ghani Baradar. «Je veux que tout le monde tienne compte de l'islam dans les négociations et accords et que l'islam ne soit pas sacrifié à des intérêts personnels», a-t-il soutenu. Le gouvernement du président Ashraf Ghani compte maintenir la jeune République et sa Constitution, qui a consacré de nombreux droits, notamment pour les femmes et les minorités religieuses. Le conflit afghan a causé la mort de dizaines de milliers de personnes, dont 2400 soldats américains, poussé des millions d'autres à fuir et coûté plus de 1000 milliards de dollars à Washington. Aujourd'hui, les insurgés contrôlent déjà la moitié du territoire afghan. L'après-11 septembre Le 7 octobre 2001, le président George W. Bush lance une offensive militaire en Afghanistan. L'opération intervient en représailles aux attentats du 11 Septembre qui ont frappé New York. Le 6 décembre, les talibans, qui ont refusé de livrer le chef d'Al Qaîda, Oussama Ben Laden, aux Américains, perdent le pouvoir. Ainsi est mis sur pied un gouvernement intérimaire présidé par Hamid Karzaï. Comme est déployée une force internationale de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan). En octobre 2004, Hamid Karzaï remporte la première élection présidentielle au suffrage universel direct de l'histoire du pays. En parallèle, les talibans entrent en rébellion contre Kaboul et l'Otan. En 2009, le nombre de soldats américains en Afghanistan double. Il est estimé à près de 68 000 hommes. Il augmente pour atteindre à l'été 2010 environ 100 000 hommes. La présence militaire étrangère en Afghanistan culmine avec plus de 150 000 hommes. Le 20 août 2009, Hamid Karzaï est réélu lors d'un scrutin marqué par une faible participation, des fraudes massives et des violences. Le 2 mai 2011, Oussama Ben Laden est tué au Pakistan lors d'une opération des forces spéciales américaines. En juin 2014, l'élection présidentielle est encore entachée de soupçons de fraude massive et la victoire est attribuée à Ashraf Ghani. En décembre, la force de combat de l'Otan quitte le pays. Elle est remplacée par une mission d'assistance aux forces afghanes. L'année suivante, les talibans enregistrent leurs plus grandes avancées militaires depuis la chute du régime. A l'été 2018, le gouvernement afghan ne contrôle plus que 55% du territoire national, selon un rapport américain. Washington et des représentants talibans engagent discrètement des discussions directes à Doha, où le groupe dispose d'un bureau. Le 18 février 2020, le président sortant, Ashraf Ghani, est déclaré vainqueur de la présidentielle de septembre, avec 50,64% des voix obtenus dès le premier tour, marqué par une forte abstention et des soupçons de fraude. Le 29 février dernier, les Etats-Unis et les talibans signent un accord à Doha, ouvrant la voie à un retrait total des troupes étrangères du pays et à des négociations de paix interafghanes inédites. Fin mars et début avril, une délégation des talibans rencontre à Kaboul des représentants du gouvernement, pour la première fois depuis 18 ans, pour discuter de l'échange de prisonniers, préalable à des négociations. Le 17 mai, le président Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah signent un accord de partage du pouvoir. Les talibans annoncent un cessez-le-feu en mai pour la fin du Ramadhan, puis un autre fin juillet pour la fête de l'Aïd El Kébir. Six mois auront été nécessaires depuis l'accord de Doha pour que 5000 prisonniers talibans soient échangés contre un millier de membres des forces afghanes détenus par les insurgés. Les talibans ont fait de cet échange de prisonniers une des conditions à l'ouverture du dialogue avec Kaboul.