Investi dans cinq secteurs de recherche de pointe dont l'immunologie, la biotechnologie alimentaire, la biotechnologie et environnement, biotechnologie et agriculture, biotechnologie et santé et biotechnologie industrielle, le Centre de recherche en biotechnologie (CRBT), qui a dix années d'existence, a été placé sous les feux de la rampe à la faveur de la crise sanitaire. Son implication dans la lutte anti-coronavirus a été immédiate. Disposant de moyens technologiques sophistiqués et d'une équipe d'au moins 150 chercheurs, le centre a mis ses équipements et ressources humaines au service de la stratégie anti-Covid. Les techniques du dépistage n'ayant pas de secret pour ses compétences, le Centre s'est proposé d'abriter l'antenne régionale de l'Institut Pasteur (IP), alors que les pouvoirs sanitaires avaient choisi un autre site. Et c'est tant mieux puisque l'initiative du CRBT a fait gagner du temps en matière de dépistage au moment où la courbe de l'épidémie connaît une ascension fulgurante. Le directeur Amar Azioune nous a expliqué cet engagement lors de l'inauguration de l'antenne IP : «Notre action entre dans le cadre de la solidarité, car nous croyons que le travail intersectoriel est la seule méthodologie pour mieux optimiser les efforts et par conséquent servir le citoyen. Oui, c'est notre choix et c'est nous qui avons pris l'initiative pour abriter l'antenne IP au sein du CRBT. Nous avons contacté le directeur de l'antenne pour une réunion, à l'issue de laquelle une visite des labos a été organisée le même jour. On a eu l'accord, et la raison est simple : on voulait offrir un meilleur environnement pour le staff médical de l'Institut Pasteur, car notre laboratoire est de confinement 2 avec des postes de sécurité microbiologique de niveau 2, ce qui est exigé au minimum pour manipuler ce type de virus. Tous les équipements nécessaires pour le diagnostic sont disponibles au CRBT, y compris le consommables et quelques réactifs. Aussi, notre service de Biosecurity & biosafety est le seul et unique service professionnel dans la gestion des risques biologiques en Algérie, car il a à son actif 7 ans de formation avec Sandia Laboratories (USA), et qui a été sanctionnée par des certificats de formateurs». Depuis, des milliers de tests de dépistage à la PCR y ont été effectués et cela continuera tant que la pandémie sévit encore. DEVELOPPEMENT D'UNE TECHNIQUE INNOVANTE S'investissant davantage dans cette stratégie, le CRBT a développé une technique innovante pour mieux maîtriser la courbe des contaminations. Il s'agit des tests groupés, une approche qui a fait ses preuves dans bon nombre de pays. «Le test groupé est une procédure couramment utilisée pour réduire le coût du dépistage d'un grand nombre de personnes lors d'une épidémie infectieuse. Dans sa forme la plus simple, le test fonctionne en constituant un ensemble d'échantillons individuels, par exemple, du sang ou de l'urine dans un pool commun. Dans le cas où le pool est négatif, tous les individus qu'il contient sont identifiés négatifs, si le pool est positif, de nouveaux tests sont nécessaires pour identifier les individus positifs», nous a expliqué le Dr Mustapha Bensaâda. En avril dernier, alors que la courbe épidémiologique était alarmante, ce généticien, spécialiste des tests de diagnostic par les outils de la biologie a, avec une équipe de chercheurs affiliée au CRBT, réalisé avec succès une approche innovante dont la finalité est «la mise en place d'une stratégie de dépistage massif et à moindre coût, par RT-qPCR, d'individus infectés par le SARS-CoV-2 dans une cohorte ayant un lien de proximité professionnelle, à l'image du corps médical et les corps constitués». Une procédure proposée, est-il expliqué, «comme mesure prophylactique pour identifier des sujets positifs dans des groupes asymptomatiques d'une population à faible prévalence de Covid-19». Cette technique, si elle venait à être adoptée, réduirait largement les délais et les tests RT-qPCR, soutiennent les professionnels. L'équipe de recherche, ainsi que leur institution étaient confiantes dans l'adoption de cette stratégie aux résultats probants après sa présentation au Premier ministre, Abdelaziz Djerad, en visite à Constantine, le 2 mai dernier. Mais in fine, rien n'y fit. Ce procédé s'est éloigné de l'agenda sanitaire national, sept mois après la confirmation du premier cas Covid. On aurait pu choisir cette voie pour mieux contenir l'épidémie qui pourrait connaître un regain, notamment face au relâchement des gestes barrières, or aucune réponse n'a été communiquée aux concernés. «Nous n'avons aucune nouvelle concernant le procédé que nous avons réalisé il y a plusieurs mois», nous a indiqué le Dr Bensaâda. Pourquoi donc a-t-on délaissé cette option au moment où les tests sérologiques sont autorisés sans pour autant se substituer à la PCR ? Le directeur du CRBT, le Dr Amar Azioune, qui nous a aussi confirmé «ne pas avoir eu de réponse depuis», écarte la considération financière, car le coût d'un tel procédé demeure rationnel. A ce propos, l'estimation financière d'un test en fonction de la taille d'un échantillon effectuée dans ce cadre est «d'environ 15 000 DA, l'abaissement du prix de revient est de 90% avec un pool de 10». Cette défection des pouvoirs sanitaires à l'égard d'une telle recherche pourrait-elle seulement s'expliquer par le fait que l'Algérie a opté exclusivement pour le dépistage au cas par cas, en raison du manque de kits et de réactifs ? L'option du dépistage massif, même si elle n'a pas eu de suite, n'est nullement un revers pour la recherche. Elle aura tout simplement acté les compétences du CRBT.