L'Algérie, qui s'ouvre à une perspective institutionnelle nouvelle et se veut avoir, comme l'a précisé Abdelmadjid Tebboune, président de la République, des rapports économiques gagnant/gagnant avec l'Union européenne, ne peut rester en marge de cette option stratégique de prospérité partagée. Et de ce fait, à l'entrée du 1er septembre 2020, l'application définitive de l'accord de partenariat Algérie/UE concernant le démantèlement tarifaire à un moment où l'Algérie insiste sur l'amendement de ce dernier. Il est tout à fait normal que notre pays ne peut s'accommoder à perdre plus de 308 milliards de dollars d'importation de produits venant strictement de l'Europe durant les 16 dernières années, alors que l'Algérie peine à exporter ses produits sur le marché européen, hormis le gaz et le pétrole. Mais en parallèle, l'économie algérienne, destinée à vendre les produits nationaux miniers ou agroalimentaires, se doit d'être à la hauteur des exigences des marchés extérieurs sans que l'accord de partenariat ne soit la seule raison. Ceci ne peut se faire qu'en gagnant le marché à l'export. Avec la crise économique due à la Covid-19, l'économie mondiale peine à retrouver sa relance. C'est ce que le gouvernement, à travers les orientations du président de la République, entend récupérer au moins les cinq milliards de dollars hors hydrocarbures pour les deux années à venir. La structure globale des exportations hors hydrocarbures n'a pas connu de vrais changements, les produits exportés sont peu diversifiés malgré la mise en place d'un dispositif d'appui destiné à les promouvoir. La diversification dans les produits destinés à l'exportation semble compliquée, vu que l'Algérie exporte principalement des produits primaires et miniers. Le commerce extérieur des marchandises a enregistré au cours de l'année 2019 ce qui suit : un volume global des importations de 41,93 milliards de dollars, soit un recul de 9,49 % par rapport aux résultats de la même période de l'année précédente ; un volume global des exportations de 35,82 milliards de dollars, soit une baisse de l'ordre de 14,29% par rapport aux résultats de l'année 2018 ; un déficit de la balance commerciale de l'ordre de 6,11 milliards de dollars ; ces résultats dégagent un taux de couverture des importations par les exportations de l'ordre de 85,43% durant l'année 2019, contre un taux de 90,22% pour l'année 2018. SE REDEPLOYER EN VUE DE GAGNER DES RECETTES NOUVELLES Nous pouvons signaler toutefois l'émergence de certains produits, bien qu'ils présentent des taux modestes, ils ne constituent pas moins un fort potentiel à l'exportation. Les recettes des exportations hors hydrocarbures n'ont jamais pu franchir la barre des 2 milliards de dollars, et il s'agit pour la plus grande part de dérivés d'hydrocarbure (64% en 2017 et 70% en 2018). Les véritables exportations hors hydrocarbures semblent se redéployer avec une augmentation en valeur et un début de diversification des produits en dehors de ceux classiques : les cinq premiers clients, les principaux partenaires de l'Algérie durant l'année 2019, représentent, à eux seuls, près de 50,85% des exportations algériennes. Le développement des exportations n'a pas rencontré jusqu'ici une réelle volonté des pouvoirs publics. La volonté affichée par les pouvoirs publics n'est pas suivie par des politiques à la mesure de l'objectif. Les textes encadrant l'activité d'exportation et les supports institutionnels restent en deçà de cet objectif hautement stratégique. Par ailleurs, le marché intérieur très porteur n'a pas incité les producteurs nationaux à rechercher des débouchés extérieurs. ECHEC DE LA POLITIQUE ACTUELLE DE LA PROMOTION DE L'EXPORT Les politiques de promotion des exportations se sont limitées jusqu'ici à quelques soutiens financiers sous forme d'exemptions de taxes (TAP, IBS, TVA + achat en franchise de TVA) ainsi qu'à l'accès au Fonds de soutien et de promotion des exportations (FSPE), qui couvre un certain nombre de frais liés à l'acte d'exportation, qui sont assimilés par les règles de l'OMC à des subventions «dumping». Ce régime d'incitations ne compense pas complètement les effets des lourdeurs bureaucratiques et les coûts de transaction élevés liés à l'exportation. Les manques de gains d'efficacité concernent le reste de la chaîne de promotion des exportations : volets financier, bancaire, logistique des transports, facilité douanière, management de la qualité, etc. Il y a une forte nécessité d'orienter l'action vers ce type de gains, sachant que les subventions pourraient ne plus être possibles dans le cadre de l'OMC. L'objectif de 5 milliards de dollars d'exportation à l'horizon 2022, fixé lors de la dernière tripartite, n'est pas facile à atteindre au vu des taux de croissance de l'offre exportable, des capacités de son acheminement vers les ports d'embarquement, de son embarquement et sa conformité à la qualité exigée par les marchés de destination. A LUI SEUL, LE SECTEUR MINIER PEUT RAPPORTER 40 MILLIARDS DE DOLLARS Le ministre délégué chargé du commerce extérieur annonce que son département a identifié quatre domaines économiques pour la mise en place de la stratégie nationale de promotion des exportations hors hydrocarbures (source APS), il s'agit bien du secteur pharmaceutique, TIC, agroalimentaire et enfin les pièces détachées. La part des produits manufacturés dans ses exportations n'atteint pas 2%. Les exportations des biens issus de haute technologie, qui révèlent la capacité du pays à concevoir, produire et exporter des biens de plus en plus sophistiqués, requérant donc des qualifications de plus en plus haute du travail (capital humain), l'utilisation des TIC et la conformité aux normes sont difficiles à atteindre dans un créneau en mutation continue. Pour sa part, le président de l'Association des exportateurs algérien (Anexal), Ali Bey Nasri, a observé qu'il n'y a jamais eu de «volonté politique» pour développer le secteur minier, qui peut rapporter à l'Algérie, selon les évaluations faites par des experts, près de 40 milliards de dollars. Il ajoute qu'«il faut mettre en place une économie tout à fait autonome du politique, basée uniquement sur le calcul économique». 400 EXPORTATEURS POUR 8000 OPERATIONS D'EXPORT Plus de 400 opérateurs «exportateurs» ont effectué plus de 8000 opérations d'export durant l'exercice 2019. Les exportations manifestent la même rigidité que les importations. Le pays ne parvient pas à ouvrir de nouvelles lignes d'exportation. La faiblesse de la diversification des exportations relève de la nature de la structure de l'économie nationale. Egalement, la faiblesse des investissements dans les produits destinés aux marchés étrangers. Le climat des affaires non favorable aux PME exportatrices, 155 d'une manière régulière et occasionnellement 400. Les exportations de produits manufacturés hors dérivés des hydrocarbures ne dépassent pas 300 millions de dollars, dont 97% assurés par 45 exportateurs sur les 400. Le bien exporté, départ usine, traverse avant son embarquement une série d'infrastructures et de services dont il faut optimiser le coût et le temps (port, aéroport, douanes, certification, etc.). CREER SA PROPRE CHAÎNE LOGISTIQUE EN MATIÈRE DE TRANSPORT Les ports d'Algérie sont considérés comme des ports de première génération (absence d'équipements modernes, d'aires de stockage suffisantes et de systèmes d'information intégrée). Ce retard dans les infrastructures est considéré comme un des facteurs qui aggrave davantage la détérioration des réserves de change en engendrant des frais sursitaires supplémentaires payer en devises. Le coût à l'exportation par conteneur est l'un des plus élevés au monde. Il est estimé à 1270 dollars contre 805 en Tunisie et 595 seulement au Maroc (ce coût date de 2015). En matière de transport, la cherté de l'acheminement des marchandises exportées et la faiblesse du transport ferroviaire pour réduire les coûts, notamment lorsqu'il s'agit d'exporter des produits vers des pays africains et arabes. Si l'Algérie reste tributaire de la flotte étrangère, le transport maritime continuera à puiser davantage sur les réserves de change. BANQUES SPECIALISEES AUX OPERATIONS D'EXPORT Un manque de banquiers qualifiés et de banques spécialisées dans les opérations export, aussi bien pour le conseil que pour la prise en charge des besoins des clients versés dans cette activité névralgique. Exporter dans un contexte international concurrentiel demande des solutions bancaires adaptées et une ingénierie financière assez poussée afin de permettre aux entreprises exportatrices de s'appuyer sur leurs banques pour résister dans un monde hautement sophistiqué. Les exportateurs rapporteurs de devises ne peuvent s'octroyer des financements en devises dures afin de faire face à des besoins de trésorerie liés étroitement à l'activité de production. La lenteur de rapatriement des devises suite aux opérations d'exportation ainsi que l'absence de la possibilité de paiement électronique des services au niveau international restent parmi les facteurs qui empêchent les exportateurs de développer leurs activités. L'opacité la plus absolue qui frappe le privilège de la libre-utilisation des recettes en devises, laissé à la discrétion des exportateurs, La réglementation bancaire semble avoir de fait privilégier le financement des importations plutôt que les exportations. Malgré les quelques souplesses introduites, la réglementation de la Banque d'Algérie est restée assez rigide. Une représentation commerciale et diplomatique à l'étranger et dans chaque pays africain ou arabe susceptible d'importer les produits algériens afin de promouvoir le label Made in Algeria auprès de ces clients potentiels et sensibles à la qualité de notre marchandise. Un autre volet aussi important que le premier est celui de l'installation des banques ou de succursales dans ces même pays, qui auront pour rôle de jouer la première sentinelle auprès de ces marchés ciblés. Cela ne peut se faire sans l'accélération de la promulgation des textes réglementaires tant annoncé par les pouvoirs publics récemment, facilitant ainsi le partage et la circulation des informations nécessaires pour l'activité d'exportation. La délivrance des agréments pour les bureaux de liaison à l'étranger est encadrée par des conditions difficiles à réunir. On peut noter dans ce domaine un pas très timide. Le règlement de septembre 2014 accompagne l'autorisation d'implantation à l'étranger de conditions très restrictives. Ajouté à cela, le manque de laboratoires de contrôle sanitaire et phytosanitaire chargés de l'accompagnement de la normalisation des produits exportés, qu'on a qualifié de «talon d'Achille» des exportations algériennes. Egalement, l'absence d'un processus «clair» pour la certification de leur production, selon les normes internationales, destinée tant au marché national qu'international. RELEVER LE DEFI, TEL EST LE CHALLENGE En conclusion, et afin de relever les défis majeurs du quinquennat à venir, il est recommandé de pérenniser un modèle de développement équilibré, permettant à la fois d'accélérer sa croissance et de rétablir sa balance commerciale. Pour cela, le challenge consiste à développer davantage les exportations ainsi que les Investissements directs étrangers (IDE) en continuant à consolider sa place régionale. Compte tenu de sa position géographique, l'Algérie aurait vocation à jouer en Afrique un rôle pivot, en offrant un accès naturel aux marchés des pays africains mais aussi européens, méditerranéens et américains. En effet, l'entreprise algérienne, pour son développement, ne devrait pas se limiter au marché local mais se tourner également vers la conquête de marchés extérieurs, comme objectif premier de son internationalisation. Ceci suppose l'accélération de la mise à niveau des entreprises exportatrices, la consolidation et la dynamisation des secteurs traditionnels. La diversification de l'offre exportable et l'exploitation optimale des secteurs à avantages compétitifs et le développement des filières sur la base de l'évolution de la demande mondiale peuvent offrir des avantages compétitifs. Ainsi que la conquête de nouveaux marchés porteurs et le développement de la valeur ajoutée dans certains secteurs traditionnellement importateurs marqueront la nouvelle option de notre commerce extérieur. C'est la réussite de ce challenge qu'est l'export à travers, notamment, la mise à niveau de l'entreprise exportatrice qui nécessite sans nul doute une bonne préparation de l'entreprise à l'export ainsi qu'une bonne approche des marchés ciblés
NOTES ET REFERENCES : L'ouverture commerciale de l'Algérie, Apports et limites d'une approche en termes d'économie politique du protectionnisme. Mehdi Abbas Armand Colin | Revue Tiers Monde 2012/2 n°210 | page 51 à 68 Guide Export CGEM, Guide PME, janvier 2012 http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/146399, Exportation : des contraintes et des attentes https://unctad.org/en/PublicationsLibrary/ditctncd2015d7_fr.pdf http://www.aps.dz/economie/82412-le-transport-et-la-logistique-principales-contraintes-aux-exportations http://www.aps.dz/economie/102354-commerce-exterieur-l-exportation-pour-changer-les-indicateurs-de-la-balance-commerciale https://www.douane.gov.dz/?lang=fr https://www.caci.dz/fr/Pages/EXPORTATEUR.aspx https://www.douane.gov.dz/IMG/pdf/guide_de_l_exportateur_fr_2016-2.pdf http://lechodalgerie-dz.com/seminaire-sur-les-enjeux-et-contraintes-de-l-economie-la-strategie-nationale-dexportation-un-outil-a-inscrire-comme-priorite/ Evolution du commerce extérieur de l'Algérie : 1980-2005 Constat et analyse Khaled Chebbah, lauréat et major de la première promotion «Economie internationale», faculté des sciences économiques et de gestion UMMTO Mémoire de fin d'étude, Exportation hors hydrocarbures, processus et contraintes : cas du groupe Saidal, Présenté par : Zidani Abdelhamid Moussa, Terrak Abdelghani. Dirigé par : Lhadj Mohand Guide de l'exportateur, les formalités douanières, étape par étape, 2016 Guide de l'exportateur, entreprise portuaire de Béjaïa