Le viol, suivi du sauvage assassinat de la jeune Chaïma est un féminicide de trop. Il vient s'ajouter aux 38 féminicides médiatisés depuis le début de l'année. «Ce chiffre représente les cas recensés après une recherche quotidienne dans les médias et sur les réseaux sociaux», expliquent des militantes féministes à El Watan (édition de jeudi dernier). Le nombre des victimes est en réalité plus important encore, le sujet subissant l'omerta familiale et de la société. La liste de femmes, de jeunes filles et de fillettes violées, violentées, sauvagement assassinées toutes ces dernières décennies, souvent dans l'anonymat, voire l'indifférence, est infiniment longue. Les situations sont aussi insupportables les unes que les autres. De la mère et de son jeune fils brûlés vifs à Remchi aux femmes de Ouargla dans les années 1990, à toutes celles qui ont été enlevées, violées et/ou assassinées pendant la décennie noire, aux mères de famille tuées par leurs maris, ou un de leurs proches parentèles, les jeunes filles harcelées et agressées dans les lieux publics, etc. Et la liste continue malheureusement à s'allonger. Mineures et sous tutelle masculine de par l'indigne code de la famille, cibles vulnérables et objets tout désignés du machisme au sexisme en passant par les diatribes moralisatrices orientées à sens unique jusqu'aux discours de haine et de diabolisation sous le couvert de religiosité et de faire-valoir patriarcal archaïque, les Algériennes sont un défouloir des frustrations d'une société bridée, corsetée et brimée. Si elles sont agressées, c'est parce que «leur comportement ou leur habillement ne sont pas conformes à la norme sociétale, à la morale et aux traditions», entendons-nous souvent comme justification. Argutie inacceptable ! Que de fois les autorités politiques, les institutions de l'Etat se sont montrées laxistes ou ont observé le silence face à ces conduites et propos inqualifiables. L'exemplarité ne doit-elle pas venir du sommet de l'Etat par des déclarations sans équivoque, claires, courageuses, traduites en décisions et en actes ? Oui, il faut des lois, mais des lois significatives, incontournables et indétournables par quelqu'artifice que ce soit. Certes, la loi et la justice sont nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes, elles doivent être accompagnées par tout un travail pédagogique multidimensionnel, porté par l'école et le contenu scolaire, les médias, les partis politiques, le mouvement associatif, les intellectuels soucieux de l'intégrité et de la dignité de la personne, de l'égalité des droits. Châtier par l'application de la loi sans réserve les coupables pour que cesse l'impunité. Oui, c'est un impératif. Mais être à l'écoute du mal-être de cette même société, soit prendre le mal à sa racine, est tout aussi fondamental. Et pour que le silence et l'omerta autour de ces drames cessent, les victimes ont besoin de se sentir protégées et accompagnées. Le féminicide est hélas universel, mais cela ne justifie en rien celui qui sévit dans notre pays et n'enlève rien à la responsabilité de l'Etat en devoir de protéger ses citoyennes et citoyens, et à la société de réagir à cet état de fait dramatique. La réponse n'est pas morale, elle est légale, judiciaire et pédagogique. Advertisements