Elles sont venues, elles étaient –presque– toutes là. Des féministes de longue haleine, la nouvelle garde des revendications de femmes, révélées dans le sillage du hirak populaire, ainsi que des dizaines de citoyennes ont tenu, jeudi 8 octobre, un sit-in près de la place Maurice Audin, à la mémoire de ChaIma, violée et brûlée vive, ainsi que de toutes les femmes victimes de la violence. Les femmes présentes ont répondu à l'appel du collectif Femmes algériennes pour le changement pour l'égalité (Face). Elles y ont affuté des slogans laissant transparaître la rage et le refus de l'injustice et du silence : «Non à la violence contre les femmes !», ont-elles scandé, «Nous sommes là en colère pour nos sœurs assassinées !» (Ranah'na ghadibate ala khwatatna el maqtoulate), «Levez-vous, levez-vous, nos sœurs sont en train de mourir !» (Ya nas, noudou, noudou, khwatatna rahoum ymoutou !), «Nous sommes là en colère pour nos sœurs tuées !», «Tous responsables !», «ô vous les silencieux, vous êtes tous concernés !»... Sur les pancartes brandies, il était possible de lire les inscriptions suivantes : «Non à la justification des assassinats», «Basta Hogra», «La violence tue plus que la Covid», «Nous revendiquons des mesures effectives et urgentes contre la violence à l'égard des femmes», «On rêve d'un pays où les femmes qui parlent de viols sont plus écoutées que les hommes qui parlent de voile», «Non à la tolérance sociale avec la violence contre les femmes», «L'avenir est féminin». Il était également possible de croiser, tels des fantômes, les portraits des victimes de la violence : Amira Merabet, 34 ans brûlée vive à Constantine ou encore Yasmine Terrafi, jeune avocate assassinée. Les slogans scandés par les femmes protestataires sont interrompus par les «Allez madame, c'est fini !» des policiers. Une dame, la cinquantaine, s'élève : «Vous devriez vous mettre de notre côté, vous nous autorisez un quart d'heure pour la mort d'une jeune fille atrocement assassinée, c'est honteux !» Et une autre d'ajouter : «Cela pourrait arriver à vos filles !» Le rassemblement risque de tourner mal, lorsque des policiers en tenue interrompent brutalement le discours d'une militante. La jeune femme ne se laisse pas intimider. «Nous voulons des mesures concrètes, car nous sommes fatiguées des discours creux. Nous voulons des mesures contenant une véritable prise en charge des victimes de violences. Nous ne voulons plus compter nos mortes», lance une militante du Face avec des trémolos dans la voix. Et une autre de surenchérir : «Nous sommes là pour condamner les actes de violence, pas depuis aujourd'hui, cela fait des années que nous le faisons.» Le sit-in a tourné court, rapidement dispersé par les forces de l'ordre. S'il a permis aux militantes féministes de marquer le coup et d'exprimer un peu de leur colère, il aura également laissé un goût amer. Le fait qu'il soit empêché par les forces de l'ordre est perçu comme un mauvais signal, un autre acte symbolique encourageant la violence à l'égard des femmes. Advertisements