Dans une interview accordée au Figaro, vendredi 13 novembre, Bernard Emié, Directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), et Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), font un état des lieux de la lutte antiterroriste en France depuis les attentats islamistes de 2015. Depuis cette date, «la France a été frappée par 20 attentats», rappelle Nicolas Lerner, qui indique que «19 autres attaques ont échoué et, depuis 2013, 61 projets ont été déjoués par l'action coordonnée des services antiterroristes». Pour déjouer ces attaques, les responsables des deux services expliquent que les moyens mis à leur disposition ont été largement renforcés. «A la fin de ce quinquennat, 2000 agents supplémentaires auront rejoint la DGSI, dont le budget a doublé en cinq ans (…) Un tel renforcement sur une si courte période est inédit», assure Nicolas Lerner. Du côté de la DGSE, «nous avons gagné 1300 agents depuis dix ans et nous sommes désormais plus de 7000», ajoute Bernard Emié, ancien ambassadeur de France en Algérie. «Avec la DGSI, nous partageons tout et, de ‘‘cousins éloignés'', nous sommes devenus des ‘‘frères complices''», explique Bernard Emié. DGSE et DGSI se partagent la tâche autour d'un «plan d'action contre le terrorisme» qui a été adopté en 2018. Si la coordination des services a été renforcée, c'est parce que la menace terroriste «a changé» et est devenue «plus complexe à anticiper», selon Nicolas Lerner, car «la radicalité se développe via une propagande terroriste qui, même en perte de vitesse, demeure résiliente sur les réseaux sociaux». «Il n'y a plus de profil type du combattant terroriste, dont les antécédents judiciaires et le niveau d'imprégnation religieuse peuvent être très variables, et qui, parfois, souffre de fragilités psychiatriques ou psychologiques», constate le patron de la DGSI. Bernard Emié abonde : «Il est vrai que les attentats de type ‘‘low-cost'' sont quasiment indétectables car ils nécessitent une faible planification». «Nous nous attendons à tout, ajoute le patron de la DGSE, qui précise qu'un certain nombre de matériels récupérés au Sahel, en Syrie ou en Irak montrent que les organisations terroristes s'intéressent à tous les modes opératoires possibles.» La France n'est pas le seul pays à être sous menace terroriste. Bernard Emié rappelle que la menace pèse sur tous les Etats «sans exception», comme l'a récemment montré l'attentat de Vienne. Il assure que l'Union européenne mène «un combat collectif et que nous devons renforcer nos liens» dans la lutte contre le terrorisme. «Le risque d'une attaque comme celle du 13 novembre, s'il a diminué, n'a pas disparu, comme demeure celui d'une action commise par des individus isolés entrés illégalement sur le territoire national», précise Nicolas Lerner. «Pour faire face à cette menace, la coopération entre services intérieurs et extérieurs et avec nos partenaires étrangers est vitale», affirme le directeur général de la DGSI. «Al Qaîda reste une organisation extrêmement dangereuse. Son commandement central, sous les coups de la Coalition, est affaibli mais ils ont un modèle de ‘‘franchise'' qui fonctionne encore. C'est le cas avec AQMI qui évolue entre le Sahel, le Soudan et la Libye», analyse Bernard Emié. «Si l'Etat islamique n'a plus d'empreinte territoriale structurée, il continue d'exister sous une forme insurrectionnelle comme en témoigne le nombre d'attentats perpétrés en Syrie comme en Irak», assure le chef de la DGSE. «Au plus haut de la menace, l'Etat islamique comptait quelque 50 000 combattants. Aujourd'hui, ces derniers seraient encore quelques milliers. A ce stade, le cancer n'est pas vaincu définitivement et les métastases sont possibles sous une forme clandestine, cachée au sein des populations locales», ajoute-t-il. Advertisements