Une course contre la montre est en train de s'engager pour s'octroyer en priorité les vaccins que l'on prévoit pour le début de l'année prochaine. Il y a une grande cacophonie sur la question de l'efficacité, des effets secondaires, des stratégies de laboratoires, des questions politiques liées au sujet et autres. Ce sont les spécialistes d'autres disciplines qui doivent s'occuper de ces considérations. Nous nous en tenons à ce que nous maîtrisons : l'aspect économique. Il y a beaucoup de considérations politiques dans ce domaine. La collaboration internationale a volé en éclats lors de la période de la Covid-19. Dans un premier temps, ce fut le piratage des outils de sauvegarde contre le virus comme les masques et les respirateurs qui manquaient gravement aux Etats-Unis et en Europe. Puis ce fut le tour des vaccins. De puissants pays avaient commandé pour toute leur population au détriment des plus faibles. On aurait pu avoir une collaboration internationale qui aurait privilégié les personnes les plus vulnérables dans tous les pays d'abord. Une pareille stratégie aurait sauvé des millions de vies humaines. Au lieu de cela, on est parti sur le «Me First» ou «Moi d'abord». On va vacciner des millions de personnes en très bonne santé au détriment de millions d'autres humains plus fragiles. Mais la collaboration internationale a encore une fois mis en évidence ses incohérences et ses politiques insensées. Face à cette situation, notre pays ne doit pas être en reste. Il est vrai que nous ne savons pas où en sont les négociations avec les partenaires potentiels et quelle est notre stratégie en ce sens. Il n'y a pas que l'économie qui est en jeu. La question est surtout humaine Une analyse d'une telle complexité nécessite de prendre en charge de multiples préoccupations. La première étant d'ordre humain. Nous n'avons pas encore d'indication sur le coût d'une vaccination globale mais quelques bribes d'informations commencent à se diffuser. Le vaccin potentiellement le plus cher coûterait autour de 20 euros, prix public, ce qui serait au moins 30% moins cher pour les gros contrats. Mais même à son prix fort, vacciner toute la population algérienne, sans exception aucune, coûterait moins d'un milliard de dollars (plus précisément vers 880 millions de dollars). C'est une somme énorme. Mais mettre toute une population à l'abri d'une pandémie mortelle pour nos citoyens les plus vulnérables n'a pas de prix. Pour des raisons humaines, il n'y a pas de philosophie économique qui prévale. Sur le seul critère humain, il faut que notre appareil sanitaire, commercial et diplomatique joue son rôle en sécurisant pour la population le plus rapidement possible les quantités nécessaires de vaccin pour reprendre une activité économique, sociale, culturelle et humaine normale. Donc, sur le critère humain, qui demeure le plus important, il serait essentiel de dépenser une partie de nos ressources. C'est une des caractéristiques les plus essentielles de notre société que de privilégier la vie à l'économie. Le débat est plus compliqué dans certaines nations où le matériel prime toute considération. Il faut dire que nous avançons lentement vers ces modèles où on ne sait plus faire de discernement entre l'humain et le matériel. Mais nous n'avons pas avancé considérablement. L'économie reste encore secondaire. Cependant, nous allons analyser les aspects économiques. Il y a une idée chère aux économistes, c'est celle du coût/bénéfice. Elle est largement utilisée dans les choix de décisions publiques pour l'allocation de ressources. Par exemple, en économie de l'environnement, on analyse les dépenses qui peuvent être effectuées par l'Etat et les retombées économiques estimées. On convertit tout en monnaie, même les vies humaines. On estime par exemple que sauver une vie humaine serait équivalent à 500 000 dollars (ce qu'aurait produit la personne sauvée). Dans nos pays, il serait inapproprié de donner un chiffre sur la valeur d'une vie humaine. Mais on n'a pas besoin de faire cela dans notre cas pour analyser la situation dans notre pays. Il est plus économique de vacciner rapidement Encore une fois, de plus sauver des dizaines de milliers de vies n'a pas de prix dans notre culture et donc orienter des ressources à cette fin est un objectif suffisant pour lui-même. On n'a pas besoin de faire une analyse économique pour prendre une décision. Il nous faut donc plus de lisibilité sur la situation et où en sont les négociations avec les laboratoires, vu que des pays développent des stratégies pour être parmi les premiers à en disposer. Nous avons expliqué qu'au maximum le pays pourrait dépenser 880 millions de dollars, mais en réalité, on peut en trouver beaucoup moins cher et aussi efficace. Mais soyons pessimistes dans nos projections. Mais alors, quelles seraient les pertes approximatives si on décalait seulement le vaccin de 9 mois, si on serait inefficace dans la prospection, la négociation et la gestion de la logistique (fortes exigences pour respecter la chaîne de froid et les conditions d'une sécurisation du produit) ? On peut alors comparer d'une manière économique les dépenses aux gains économiques escomptés. Nous avons l'expérience de l'année passée pour estimer trop approximativement les effets escomptés d'une pandémie qui paralyse notre économie et surtout le tissu des PME/PMI qui constitue la colonne vertébrale des activités du pays. Nous escomptions une croissance économique hors hydrocarbures de plus de 2,4%, ce qui signifie près de 3 milliards de dollars de biens et services en plus à pourvoir pour notre économie. Au lieu de cela, on risque alors une chute de plus de 3% minimum pour le pays (moyenne des pays similaires). Alors la comparaison globale est simple : vacciner toute une population rapidement pourrait nous coûter au maximum 880 millions de dollars et pourrait faire gagner à l'économie nationale plus de 6,5 milliards de dollars. Alors, d'un point de vue économique, il serait irrationnel de différer cette opération. Plus on attend, plus nous allons perdre des vies humaines, ce qui est plus coûteux que tout autre conséquence. Mais d'un point de vue économique également, chaque jour nous perdons 18 millions de dollars pour ne pas avoir vacciné la population à temps. Nous ne connaissons pas la stratégie préparée à cet effet. Mais aussi bien d'un point de vue humanitaire qu'économique, il est plus urgent de sécuriser au maximum la population par le meilleur vaccin possible, même s'il est le plus cher.
Par Abdelhak Lamiri PH. D. en sciences de gestion Advertisements