Avec la loi de finances pour 2021, publiée au Journal officiel de l'an 2020 sous le numéro 83, la perception de la fiscalité des salaires sera régie par de nouvelles dispositions, pour ce qui concerne les indemnités liées aux conditions particulières de résidence et d'isolement. Les Références préalables essentielles Ces définitions préalables ont leur importance, notamment celles de la distinction entre primes et indemnités. Alors que les primes constituent la contrepartie d'un travail fourni, très souvent liée à l'effort fourni, les indemnités constituent une compensation au titre de la réparation d'une nuisance ou d'un préjudice causé par des conditions de l'emploi, tel un emploi exercé dans une région isolée. Tel est le cas des indemnités de zone ou des indemnités liées à des conditions particulières de résidence et d'isolement. Si dans la pratique, il y a eu souvent des confusions entre les deux catégories d'indemnités, c'est sans doute parce que seule l'indemnité de zone a été définie dans les textes régissant les relations de travail, encore faut-il préciser que la référence de base est celle qui tire ses origines de la loi 78-12 du 05 août 1978 portant Statut général du travailleur (SGT). Quant aux indemnités liées à des conditions particulières de résidence et d'isolement, leur référence a été rajoutée dans les textes relatifs à la sécurité sociale, mais a été absente des textes fiscaux jusqu'à la publication de la nouvelle mesure inscrite par la loi de finances pour 2021. L'indemnité de zone, expressément citée dans la loi 90-11 sur les relations de travail, sous son article 81, en tant qu'élément inclus inclusifs du salaire, fait partie des éléments qui constituent la rémunération du salarié, lorsque des conditions particulières d'emploi s'appliquent. A la base, l'indemnité de zone était appliquée aux postes de travail y ouvrant droit, par application de coefficients affectés aux zones, secteurs d'activité, unités économiques, qualifications professionnelles, postes et lieux de travail isolés, dans le cadre d'une politique national d'équilibre régional. La loi 78-12 du 05 août 1978 (SGT) précisait sous son article 163 que les postes de travail ainsi que les qualifications jugées prioritaires, dans le cadre des plans de développement ouvrent droit à une indemnité de zone et de rajouter qu'il en est de même pour les postes de travail isolés ou se situant dans des lieux de travail isolés. De là, le pont était jeté pour la référence à la notion d'isolement. Dès lors que les dispositions de la nouvelle loi sur les relations de travail sont entrées en vigueur tout en maintenant celles de l'ancienne législation, tant qu'elles ne sont pas en contradiction avec les dispositions de la loi 90-11 et par application du principe des droits acquis, les indemnités de zone se sont trouvées reconduites sans nécessaire définition, du moins au moment de la transition de législation. Trente années après, autant l'environnement que les pratiques salariales ont largement muté au point que les dispositifs de législation fiscale et de sécurité sociale s'en sont trouvés en décalage de temps, voire de conception. Traitements de référence Au plan fiscal, pour ce qui concerne l'Impôt sur le Revenu Global (IRG) dans la catégorie des salaires, l'indemnité de zone géographique a de tout temps été affranchie de cet impôt. Ce traitement a de tout temps été pensé comme élément de politique de développement tout en faisant de l'emploi dans les régions un critère d'attractivité. Les postes de travail dans les régions du Sud et plus particulièrement de l'industrie pétrolière ont toujours été attrayants et motivants, structurant de la sorte le rêve, pour jeunes et moins jeunes, d'ambitions de revenus et d'épargne plus rapides et plus consistants, au prix de sacrifices comme celui de l'éloignement du foyer familial. Au plan de la sécurité sociale, il aura fallu attendre 1996 pour que le décret exécutif n° 96-208 du 5 juin 1996 aborde le sujet des indemnités liées aux conditions particulières de résidence et d'isolement. C'est dans la suite logique de l'ordonnance 95-01 relative à l'assiette des cotisations et des prestations de sécurité sociale, qui énonce sous son premier article, pour le calcul de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, l'exclusion des indemnités liées à des conditions particulières de résidence et d'isolement, que le décret exécutif n° 96-208 du 5 juin 1996 en a fixé les modalités. Sous son article 2, il définit au point f) les indemnités liées à des conditions particulières de résidence et d'isolement pour préciser qu'il s'agit notamment des primes versées à des travailleurs soumis à deux, au moins, des contraintes suivantes : -Logement en cabine mobile, tente, campement itinérant ou base de vie, Système de travail par relève nécessitant un cycle continu de plusieurs semaines de travail effectif, suivies d'une période de repos pendant laquelle l'indemnité n'est pas servie au travailleur, -Lieu de travail éloigné de tout centre urbain et difficile d'accès. -Sous une lecture absolue des textes, l'indemnité de zone géographique serait affranchie de l'IRG mais comprise dans l'assiette des cotisations et prestations de sécurité sociale, alors que les indemnités liées aux conditions particulières de résidence et d'isolement en seraient exclues. Au plan fiscal, dans le silence du Code des Impôts Directs, l'imposition serait justifiée, si ce n'est que dans la pratique l'affranchissement de l'indemnité la plus couramment pratiquée (IFRI) s'est commandé. L'indemnité de Frais de Résidence et d'Isolement (IFRI) a de la sorte été, dans la majorité des cas, servie sans imposition. La pratique a même conduit, dans le secteur pétrolier, à l'instauration d'une indemnité hybride, intitulée indemnité de zone et de Conditions de Vie (IZCV) pour servir à la fois l'exonération de l'IRG par la qualification d'indemnité de zone et celle des cotisations de sécurité sociale, en origine aux conditions de vie pour référence aux conditions particulières de résidence et d'isolement. Les administrations concernées n'ont pas été en reste des abus relevés et c'est ainsi que l'Administration fiscale a souvent rappelé les droits d'IRG sur les sommes non imposées, considérées comme abusives, en se référant à un seuil couramment et raisonnablement appliqué, dans une fourchette de 40% à 50% du salaire de base. Pour sa part, la Caisse Nationale des Assurances Sociales (CNAS) a souvent rappelé les cotisations sur ces indemnités particulièrement dans le cas de celles services de manière forfaitaire et régulière, sans distinction des journées effectivement travaillées sur site. Nouveau traitement de la loi de finances pour 2021 Partant du constat que le cadre légal et règlementaire de l'indemnité de zone, au titre des rémunérations versées dans le secteur économique, a connu une évolution depuis son institution et que le montant de cette indemnité qui était fixé par voie réglementaire, relève du domaine de la convention collective depuis l‘entrée en vigueur de la loi relative aux relations de travail, l'avant-projet de loi de finances pour 2021 proposait de limiter à 40% du salaire de base, le montant exonéré de l‘indemnité de zone versée. Le texte final, à présent codifié, sous l'article 68 du Code des Impôts Directs, maintient l'exonération de l'indemnité de zone, mais limite l'exonération de l'IRG, des indemnités liées aux conditions particulières de résidence et d'isolement à 70% du salaire de base. Il faut effectivement comprendre que la rédaction initiale pour l'exonération de l'indemnité de zone demeure inchangée (alinéa f de l'article 68) avec toutefois un rajout d'un alinéa (n) consacré aux indemnités liées aux conditions particulières de résidence et d'isolement. Cette disposition est bien plus clémente que celle de l'avant-projet de loi de finances pour 2021 compte tenu de la largesse de l'exonération mais, faut-il le rappeler, calculé sur la base du salaire de base seulement. Il reste à faire préciser les règles d'application quant aux taux d'IRG à appliquer et quant aux règles de calcul en considération de la mensualisation de ces indemnités. En effet, ces indemnités sont servies sur une base mensuelle, mais également à des personnels en régime de relève. Les précisions de l'Administration fiscale seront les bienvenues sur ce sujet. Impacts de la mesure Si de prime abord, cette nouvelle disposition impose le revenu des salariés bénéficiaires de telles indemnités, l'application de cette nouvelle mesure affectera le coût effectif de l'emploi, considération prise que dans une majorité de cas, ces indemnités ont été servies nettes d'impôt sur le revenu. L'avantage acquis au personnel ne fera que conduire à exprimer une base supérieure pour garantir les mêmes indemnités après retenue de l'impôt sur le revenu global. S'il faut saluer un premier pas d'alignement entre la réglementation fiscale et la définition des bases soumises à cotisation de sécurité sociale, d'autres volets restent aligner par une uniformité de désignation des indemnités, voire une révision des dispositions du décret exécutif n° 96-208 du 5 juin 1996. Comme la loi de finances pour 2021 ne précise pas de date effective d'application de la mesure, on ne peut que conclure à la pleine application à date de publication de la loi, et par conséquent sur les indemnités qui seront servies au titre du mois de janvier 2021. Ce traitement occupera les responsables des départements de ressources humaines et de calculs de paie, qui auront à réviser, au cas échéant, les contrats de travail ainsi que les procédures de calcul de paies, dans un délai relativement court. Les éditeurs d'applications informatiques ne seront pas en reste. Il leur faudra également livrer rapidement les solutions de traitement adéquates pour permettre des calculs fiables de ces indemnités et de leur fiscalisation. Par Samir Hadj Ali Expert-comptable Advertisements