C'est dans une tribune publiée par le quotidien Libération que les organisations caritatives France Terre d'asile, Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) et Safe Passage se sont émues des changements induits par le Brexit sur la procédure d'asile au Royaume-Uni. Ils constatent que si jusqu'à ce jour, la démarche était déjà difficile, «les rares voies légales d'accès à son territoire pour les étrangers, comme la réunification familiale, disparaîtront» après la sortie actée de l'Europe des 27 Etats, ramenée depuis le 1er janvier 2021 à 26 Etats. Après les négociations qui ont abouti in-extremis, le 30 décembre, ce domaine des migrants est le parent pauvre de l'accord. Au contraire, estiment les signataires, «un pan entier du cadre législatif encadrant les relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne s'apprête à disparaître, dans un silence coupable. Les politiques d'asile et d'immigration ayant été laissées en dehors du mandat de négociation, les règles européennes relatives à la politique d'asile, notamment le règlement Dublin, ont cessé de s'appliquer au 1er janvier. Alors que l'accès à la procédure d'asile au Royaume-Uni est déjà particulièrement difficile, les rares voies légales d'accès à son territoire pour les étrangers extracommunautaires, disparaîtront, sans qu'aucune alternative n'ait pour l'instant été sérieusement envisagée». Les présidents des associations précitées, Thierry Le Roy, Pascal Brice et Marie-Charlotte Fabié, estiment qu'il aurait fallu anticiper l'impact du Brexit sur les politiques migratoires et ne surtout pas laisser «le gouvernement britannique refermer un peu plus ses frontières sans en assumer les conséquences». Sachant, écrivent-ils, que le Royaume-Uni est d'ores et déjà le pays d'Europe de l'Ouest accueillant le plus faible nombre de demandeurs d'asile rapporté à l'effectif de sa population, avec seulement cinq demandes pour 10 000 habitants. Malgré cela, il est à craindre un «durcissement de la politique migratoire britannique», et par voie de conséquence «une dégradation significative des droits des migrants et un report supplémentaire inacceptable des enjeux sur les côtes françaises». LA FIN DES ACCORDS BILATERAUX ENTRE FRANCE ET ROYAUME-UNI Les accords jusque-là en vigueur entre les deux rives de la Manche entérinaient «le transfert de la frontière franco-britannique sur les côtes françaises», conduisant la France à en assumer l'entière responsabilité et «les lourdes conséquences». En raison de cette situation qui dure depuis des décennies, avec les drames à répétition que l'on connaît, des milliers de migrants se massent sur la côté française, cherchant par tous les moyens à rejoindre l'Angleterre. Une possibilité de plus en plus compliquée et le 28 novembre 2020, la France a signé avec le Royaume-Uni un nouvel accord se traduisant pour l'essentiel par un renforcement des patrouilles de police sur ses côtes. Pour les signataires de la tribune, «loin d'interroger les voies légales d'accès au Royaume-Uni, cet accord vient renforcer l'approche sécuritaire de la question migratoire et risque d'aggraver une situation déjà dramatique, au détriment des migrants mais aussi des populations locales confrontées au désordre des campements de fortune». Aucun gouvernement dans les années 2000 et 2010 n'est jamais parvenu à empêcher durablement les populations migrantes de se regrouper sur la côte, les yeux rivés vers l'Angleterre. Toutes les incitations à empêcher les associations solidaires à leur venir en aide ont échoué, même si la détresse s'est accrue. LA FERMETURE DU ROYAUME-UNI ENTRAÎNERA DES TENTATIVES DESESPEREES Ainsi, les associations signataires se refusent à croire en «l'illusion coupable qui consiste à se convaincre que la répression et les contrôles conduiraient à dissuader les migrants de tenter la traversée. Malgré le démantèlement de la ‘‘jungle'' (de Calais) en 2016 et la lutte menée par les autorités françaises pour éviter toute reconstitution de ‘‘point fixe'' dans le Calaisis, les migrants continuent d'affluer sur le littoral du nord. La fermeture des voies légales d'accès au territoire britannique ne pourra que renforcer ces tentatives désespérées, offrant ainsi aux passeurs un business d'autant plus lucratif qu'il sera perçu comme l'unique solution». Enfin, la tribune rappelle la situation particulièrement préoccupante des mineurs isolés étrangers : «Il existait il y a encore peu une voie légale permettant à ces enfants de rejoindre légalement un membre de leur famille au Royaume-Uni au titre du règlement Dublin et des voies un temps négociées par le gouvernement français. La disparition, au 1er janvier, de cette possibilité va, de fait, supprimer un des rares arguments dont nous disposons aujourd'hui pour les convaincre de ne pas tenter la traversée». Thierry Le Roy, président de France Terre d'asile, Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), et Marie-Charlotte Fabié, directrice France de Safe Passage, en concluent que «les migrants ayant parcouru des milliers de kilomètres dans l'espoir ultime de retrouver leur famille ou tout simplement d'aspirer à une vie meilleure devraient pouvoir échapper à l'indignité des conditions de vie sur le littoral, à la violence et aux réseaux criminels (...) Il est encore temps, pour le gouvernement français et ses homologues européens, de ne pas s'avouer vaincus et d'ouvrir de nouvelles discussions avec le Royaume-Uni pour le pousser à assumer, enfin, ses responsabilités.» Advertisements