Le drame algérien peut se résumer au fait que le pouvoir, arrivé à son terme, est dans l'impossibilité de voir poindre une alternative à son propre règne pour la simple raison qu'il a cassé en profondeur les ressorts de la société. L'assistanat le plus intégral a été ancré dans le pays sans espoir d'une rémission à court terme. Ce syndrome a fini par déteindre sur la classe politique qui attend des autorités, avant d'entamer une course légitime au pouvoir, la mise en place de la démocratie, la consécration des libertés, la création d'un paysage audiovisuel libre et la métamorphose de l'appareil judiciaire ainsi que de l'administration publique. Autant de chantiers plantés face à un pouvoir qui plaide ouvertement la maladie et la fin de cycle biologique. Ce sera après la tenue des élections locales ou nationales que l'on s'indignera de l'accès aux centres de décision de cercles qui n'ont pas vocation à gérer les affaires publiques. Coincé entre l'incantation monocorde et la radicalité la plus étrange – quand on garde un pied au Parlement ou, du moins, une rente pérenne de cette institution largement décriée –, le discours politique ambiant n'est pas près de faire vivre son homme. Ou de le protéger par ces temps de pandémie qui ont amené des pays moins déconnectés des réalités à fermer leurs frontières, tout en continuant à envoyer les forces de police dans les lieux de regroupements. Dans notre pays, et en pleine reconversion planétaire des activités et mise à jour des priorités et des modes opératoires, les mêmes réflexes et éléments de langage sont recyclés sans répit. Le retour aux manifestations, conçu comme un moyen de dépasser l'impasse actuelle, laisse, c'est le cas de le dire, sans voix. Ce déni de la réalité prend une tournure tragique quand des parties officielles signalent l'arrivée des souches mutantes du nouveau virus dans les pays de la région sans s'interroger sur le dispositif national permettant d'en déterminer la présence ou la propagation au niveau local. Pendant que dans le monde l'idée de «vivre avec le virus» est en train d'être acceptée, la tendance dans notre pays est de «vivre avec la protestation». Cette époque sanitaire, aux contours et aux développements encore inconnus, est celle précisément des profondes remises en cause. Le sursaut pour la survie et la reconstruction ne peut pas être enveloppé d'un air de fête à un moment où le monde entier est soumis à des tensions maximales et à des révisions déchirantes. Ce qui peut apparaître comme des évidences criantes doit être réaffirmé aujourd'hui avec plus de clarté. Une entreprise économique n'est pas un patrimoine immatériel qu'il est possible de sauvegarder par le biais des actions de rue et il est utopique d'attendre des dirigeants la production de richesses avant de commencer à travailler. La création d'entreprises n'est pas, contrairement à ce qui a été affirmé depuis près d'un quart de siècle, synonyme de l'Ansej. Les assemblées locales ne sont pas le lieu où l'«opposition» crée continuellement des écueils à la «majorité» ou à l'Exécutif, précipitant l'ensemble de la collectivité dans une zone d'ombre effective. Elles sont, il est utile de le rappeler, un lieu de travail solidaire et un instrument de développement en faveur de la population. Advertisements