L'emprisonnement de Mohamed Benchicou, directeur du Matin, et de Ghoul Hafnaoui, journaliste engagé, est une tache qui assombrit le visage de la démocratie algérienne », a souligné Aidan White, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), dans un message adressé hier au forum sur la liberté de la presse, organisé par le comité national pour la libération de Mohamed Benchicou et de Ghoul Hafnaoui à Alger. Aidan White, qui, faute de visa, n'a pu participer à ce forum, promet une visite en Algérie dans les prochaines semaines. A la tête d'une organisation internationale de défense des journalistes, Aidan White n'a pas raté l'occasion pour réitérer le soutien de « la FIJ à ses collègues en Algérie ». Ces journalistes qui « mettent au défi la culture politique ambiante qui mène vers ce genre d'injustice ». « Ils ne sont coupables d'aucun délit », a-t-il relevé. Seulement, « on leur a dit qu'ils représentent une menace et que, de ce fait, ils doivent être enfermés. Pourquoi ? Réponse : ce qu'ils disent et écrivent offense les personnes au pouvoir. La stratégie utilisée contre Benchicou pour une histoire de devises prouve la faiblesse de leurs arguments. Tout le monde sait que le véritable motif de son arrestation demeure ses écrits très critiques qui ont fait de la justice algérienne la risée du monde entier », a précisé le secrétaire général de la FIJ, dont le siège est à Bruxelles (Belgique). Selon lui, l'usage fait des lois incluant les termes de diffamation et d'outrage pour punir les journalistes n'est en réalité qu'une tentative d'intimider les professionnels. Face à un tel contexte difficile que traverse la presse algérienne, Aidan White rassure de son soutien à tous ceux qui militent « pour que l'Algérie fasse luire la démocratie et la liberté de presse en Afrique du Nord et pour qu'elle ne cède pas à la tentation de revenir en arrière ». Il regrette que « la situation en Algérie soit telle que nous avons à présent besoin que la FIJ s'engage activement, par le biais de son centre de crise, pour la promotion de la solidarité avec les collègues algériens », en restant optimiste quant à l'aboutissement des actions menées. Auparavant, Brahimi Brahimi, enseignant en sciences de l'information et de la communication, a critiqué la démarche du ministre de la Communication, Boudjemaâa Haïchour, quant au projet de loi organique sur l'information. « Le ministre m'a sollicité pour y participer. J'ai refusé, car c'est inconcevable de débattre un projet de loi sur l'information au moment où des journalistes croupissent en prison », a-t-il indiqué. Il n'y est pas allé par trente-six chemins pour dénoncer la « précipitation » du ministre qui n'a pas caché son intention de sortir, avant la fin de l'année, avec une loi sur l'information et un code de l'éthique et de la déontologie. Il s'est demandé s'il ne fallait pas garder « le code de l'information de 1990, dont plusieurs aspects sont positifs », ou du moins se battre pour que certains « articles y figurent dans la future loi ». Me Brahimi note que « l'avenir de la presse algérienne est dans l'information régionale et locale ». Déplorant les conditions difficiles dans lesquelles exercent des correspondants de presse, le conférencier annonce la tenue d'un séminaire sur la presse régionale en septembre prochain. Ali Djerri, au nom de l'Organisation arabe pour la liberté de la presse, condamne, pour sa part, cette montée de harcèlements contre journalistes et journaux qu'il qualifie de « dangereuse ». « Ce qui se passe actuellement en Algérie est l'annonce d'un recul sur les acquis en matière de libertés », prévient-il. Revenant sur la suspension du journal Le Matin, Ali Djerri dira que « l'organisation arabe a constaté avec regret que les règles de commercialité ne sont appliquées que sur Le Matin qui est une publication critique envers le Pouvoir en place ». Il estime que « cette suspension est politique du fait que seul Le Matin est visé, tandis que plusieurs autres journaux endettés tirent sans qu'ils soient inquiétés ». Cela veut dire, selon lui, qu'en cas de litige entre les deux parties, seule la justice est habilitée à trancher, « ce qui n'est pas le cas avec Le Matin ». De son côté, Me Miloud Brahimi souhaite que la presse algérienne tienne compte des critères internationaux de la profession et s'engage davantage dans le professionnalisme à l'image de la France et des Etats-Unis. « Professionnalisme qui permettra d'éviter de verser dans l'injure, la diffamation ou la vulgarité », déclare-t-il.