Ayant vécu depuis son jeune âge dans un milieu «livresque», Daoud Flites, 36 ans, ne compte surtout pas quitter le monde du papier malgré l'ère de la digitalisation. «A l'époque où mes copains et camardes de classe passaient leur temps à regarder les dessins animés et imitaient les héros de l'écran, moi par contre je restais cloîtré dans la librairie familiale. Il ne s'agit surtout pas de punition, mais d'une passion agréable et prématurée pour la lecture», raconte-t-il, en se souvenant avoir lu l'Etranger d'Albert Camus et les livres de Khalil Djabrane à un âge précoce. Aujourd'hui, Daoud est toujours dans son «monde», et possède une maison d'édition / librairie en plein centre de Médéa. Après avoir terminé ses études universitaires en 2006, sanctionnées par une licence en anglais, il n'y va pas avec le dos de la cuillère pour choisir une carrière «livresque». Une maison d'édition portant son nom est alors créée. Au début, elle était spécialisée dans la littérature anglophone, et ce, avant de se généraliser. Elle rééditait notamment les anciens chefs-d'œuvre de la littérature anglaise et américaine et était la seule (elle l'est toujours) dans le vaste territoire de la wilaya de Médéa avec ses 64 communes. «En étant étudiant, j'avais remarqué que les livres destinés aux anglophones et étudiants dans la langue de Shakespeare étaient rares. Et c'est pour cette raison que j'avais opté pour ce créneau afin de répondre à un besoin. Une chose est sûre, les choses marchaient à merveille à l'époque puisque j'avais en quelque sorte le monopole dans mon domaine.» Mais autre temps, autre mœurs. L'Internet s'est remarquablement généralisé depuis et les jeunes d'aujourd'hui préfèrent les réseaux sociaux, surtout YouTube, pour apprendre la langue la plus internationale. Bref, ils lisent de moins en moins et préfèrent le contenu digest sur le web. «La généralisation de l'Internet et des réseaux sociaux a malheureusement tué le livre», regrette-t-il, et de préciser : «L'Internet devait être un support pour la promotion du livre et de sa vente. Malheureusement, ce n'est guère le cas.» Il justifie : «Même s'il y a une commande via le web émanant d'un particulier, les frais relatifs au transport du livre peut être plus cher que le prix du livre en lui-même.» Pour cela, il espère l'implication d'Algérie Poste et de l'Anep pour la distribution du livre à travers des prix soutenus. Et en dépit de toutes ces entraves qui se répercutent sur sa trésorerie, Daoud ne compte surtout pas mettre la clé sous le paillasson en dépit de la crise qui perdure. «Je continue de faire de la résistance. Bref, je ne sais pas faire autre chose que le livre », insiste-t-il. Pour survire, il participe pratiquement à la Foire annuelle du livre et les grands salons, où plus de 30% de son chiffre d'affaires se réalisent durant ces événements. Mais il espère surtout l'implication de l'Etat pour encourager la lecture à l'école et mettre en place une réelle politique encourageant les éditeurs, à travers la création d'une centrale des achats des livres par exemple. «Il m'est arrivé de visiter les foires du livre à l'étranger pour voir comment ça se passe ailleurs. Je préfère de loin celle de Frankfurt, laquelle est la mieux organisée et la plus professionnelle. J'ai des idées dans la tête, je m'imprègne de ce qui se passe ailleurs, pourvu qu'on nous aide», conclut-t-il. Advertisements