La justice française a dénié aux associations soutenant la cause palestinienne le droit de manifester samedi à Paris pour dénoncer les violences et les raids auxquels fait face la bande de Gaza depuis presque une semaine et qui ont fait plus de 130 morts. Paris De notre bureau C'est le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin en personne, qui a demandé à la préfecture de police de Paris de signifier l'interdiction de manifester de crainte que les «marches dérapent et engendrent des violences et des saccages de biens publics ». Une raison vite balayée par les organisateurs qui accusent M. Darmanin de « préjuger à l'avance de l'issue de ces manifestations avant même qu'elles aient eu lieu ». Cependant, malgré cette interdiction, les organisateurs ont maintenu un rassemblement au niveau du boulevard Barbès, quartier arabe par excellence, où un impressionnant dispositif policier et de gendarmes a été mis en place tôt le matin de la journée d'hier. « Parce que nous refusons de taire notre solidarité avec les Palestiniens et que l'on ne nous empêchera pas de manifester, nous serons présents au métro de Barbès samedi à 15h », avait affirmé l'Association des Palestiniens en île-de- France, membre d'un collectif de 27 associations. De son côté, la préfecture de police de Paris, tout en maintenant l'interdiction de manifester, a procédé à la fermeture de la station de métro Barbès et de tous les commerces du quartier. La classe politique française divisée. Entre ceux qui soutiennent la marche et ceux qui sont contre, le débat a été plus que houleux lors des trois derniers jours. La raison souvent invoquée par ces derniers est que Tel Aviv a le droit de se défendre et de riposter aux centaines de roquettes lancées par le Hamas depuis Gaza. L'un des fervents défenseurs de cette thèse est Manuel Valls. L'ancien premier ministre français a donné raison à la justice qui a interdit la manifestation. «Nous savons que ce ne seront pas des manifestations de soutien aux Palestiniens« , a-t-il dit. Il a ajouté : « C'est une exportation du conflit du Proche-Orient dans notre pays et ce sera comme en 2014. Cela sera une manifestation de soutien au Hamas, une organisation terroriste« . D'autres hommes politiques ont également abondé dans le même sens. Même le président Macron, bien qu'il n'ait pas donné son point de vue sur l'organisation ou non de la manifestation pro- Palestiniens, avait néanmoins déclaré que la France comprenait « qu'Israël puisse se défendre contre les roquettes du Hamas ». A l'opposé, pour Clémentine Autain, députée de la « France insoumise », la décision d'interdire aux pros Palestiniens de manifester est « incroyable » et « injustifiable ». « C'est incroyable que l'Etat décide désormais des raisons pour lesquelles on peut ou pas manifester en France. Cet épisode s'inscrit dans une logique politique pas nouvelle sous l'ère Macron puisque de nombreuses manifestations sont interdites et la liberté d'expression de plus en plus reniée ». Elle a ajouté : «on sent que le gouvernement veut faire taire les voix sur la question palestinienne alors que des manifestations ont lieu ailleurs dans le monde pour exprimer la solidarité avec le peuple palestinien. Que cela ne soit pas possible en France, pour moi c'est un crève-cœur et une grande révolte». « Deux poids, deux mesures » Sur les réseaux sociaux, beaucoup ne comprenaient pas comment les autorités françaises qui avaient autorisé de nombreuses marches en faveur du climat il y a une dizaine de jours puissent ne pas le faire pour la marche en faveur des Palestiniens. « Deux poids, deux mesures », s'exprime un jeune français qui pointe du doigt les lobbies pro-israéliens qui dictent à Macron la politique à suivre, un an notamment avant l'élection présidentielle de 2022. D'autres se demandent si l'Etat de droit en France existe encore et si la liberté de manifester, garantie au demeurant par la Constitution, n'est pas en train d'être bafouée au grand jour ? Pour Me Stefen Guez, un des avocats de l'Association des Palestiniens en Ile-de-France, La « France garantit les libertés d'expression et de manifester, et la Palestine ne doit pas être une exception« , ajoutant « qu'un peuple reçoit des bombes sur la tête, des dizaines de civils sont tués, et on n'aurait pas le droit de dire qu'on n'est pas d'accord ? » « Ces gens ont le droit de manifester. Depuis 2014, il y a eu plein de manifestations de défense de la cause palestinienne qui se sont déroulées sans aucun problème » a ajouté l'avocat. Yacine Farah Advertisements