C'était vendredi dernier que le Festival international World Music and Dance (Womad) de Reading, à quelque 40 km de Londres, a fait découvrir aux Anglais, il y a de cela 22 ans, grâce au chanteur Peter Gabriel, les musiques du tiers-monde, notamment africaines. Vingt-deux ans après, ce festival de trois jours n'a rien perdu de sa fraîcheur et draine toujours les mêmes foules bigarrées, dans une atmosphère qui rappelle les années 1960, la flower power génération et les hippies. Les habitués du festival viennent seuls, en groupe ou en famille de Nouvelle-Zélande, d'Australie, du Canada, des Etats-Unis et d'un peu partout en Europe. Ils campent dans des enclos désignés par les organisateurs du festival. Plus de 100 000 fanatiques des musiques du monde se retrouvent ainsi chaque année dans cet espace de liberté, boivent du thé à la menthe et de la bière fraîche, fument du cannabis et goûttent aux cuisines du monde entier dans les dizaines de stands, sans que l'on rencontre un flic sur son chemin. Raouia ! Des ateliers de travail sur l'art, l'histoire et la musique du tiers-monde tiennent de support pédagogique pour assouvir la curiosité de ceux qui veulent en savoir plus. Les Khaled, Mami, Taha, Orchestre national de Barbès, Gnawa Diffusion et autres sont passés plusieurs fois par ce festival, un must, un tremplin pour se faire connaître dans le monde anglo-saxon. Vendredi, Souad Massi et Faudel, ainsi que les Maliens Rokia Traore et Tinariwen et la révélation de la soirée, la Mauritanienne Malouma ont éclipsé tous les autres chanteurs et groupes. Souad Massi force désormais le respect. On ne vient pas seulement danser sur certaines de ses chansons rythmées. On vient surtout apprécier ses ballades, ses mélodies et la richesse et l'originalité de ses compositions musicales. Elle n'est plus inconnue en Grande-Bretagne grâce à ses concerts, devenus réguliers depuis 2001, et ses interviews à des quotidiens de qualité, tels le Fianancial Times qui lui a consacré une page entière, The Guardian, The Independent, The Times et The Daily Telegraph, et surtout la BBC qui lui a consacré une émission de plus de trois quarts d'heure, et une interview à une heure de grande écoute, dirigée par la star de la BBC, Jeremy Paxman. Vendredi dernier, Souad, l'enfant chérie de Bab El Oued, mon quartier, a une fois de plus été à la hauteur de l'événement, alternant ballades et chansons engagées tirées de ses deux albums Raoui et Deb que les présents se sont arrachés dans le stand adjacent, juste après la fin de son concert. Faudel l'avait précédée sur scène, doucement dans un premier temps, avant d'emballer la foule avec Ya Rayah, Ya El Menfi et Rai Telmçani. « He looks and moves like Robbie Wiliams (il ressemble à Robbie Williams et bouge comme lui) », lance un jeune. C'est vrai. Vétu d'un T-shirt blanc et d'un jeans délavé, la ressemblance était effectivement frappante. PopWoman Le début en Grande-Bretagne de la joviale et fougueuse Mauritanienne Malouma ne devrait pas être le dernier, si l'on considère la standing ovation qui lui a été réservée à la fin de sa sublime performance. Née dans une famille traditionnelle de musiciens griots, elle est devenue une célébrité assez controversée dans son pays pour ses chansons engagées et la manière dont elle a mélangé les influences mauresques avec tous les genres musicaux, du jazz à la musique pop, selon le prospectus distribué avant son concert. Habillée d'une longue abayia blanche, elle a ouvert son concert par des ballades avant de virer vers des envolées sahariennes endiablées, appuyées de notes de jazz-gospel et funky. Bienvenue parmi les stars mondiales Malouma. L'éclectique Rokia Traore et le groupe touareg Tinariwen du Mali ont bouclé la boucle par des performances qui ont laissé certains en transe. Le vent du Sahara a soudainement commencé à souffler sur Reading, emportant tout sur son passage. C'est l'extase !