Pluviométrie aléatoire, puits et fontaines qui s'assèchent, barrage à un seuil préoccupant, la crise de l'eau se profile à l'horizon si l'on ne lutte pas contre le gaspillage et que l'on n'impose pas une gestion rationnelle. Le spectre d'un rationnement sévère, voire d'une pénurie aigüe d'eau potable se profile pour les prochains mois dans la wilaya de Béjaïa. Période de grande tension sur cette denrée rare, la saison estivale risque d'être particulièrement chaude cette année. Les conséquences de longues années de disette pluviométrique et d'une gestion approximative de ce secteur névralgique sont perceptibles. Le débit des sources qui alimentent par gravitation nombre de localités chute de manière inquiétante. Les fontaines publiques, constituant souvent une alternative d'approvisionnement, tarissent les unes après les autres. Les puits s'assèchent par dizaines. La nappe phréatique, qui enregistre un rabattement alarmant, donne des signes d'épuisement. Les remontées de sel, notamment sur la rive droite de la Soummam, sont un sérieux motif de préoccupation. Le niveau du barrage de Tichi Haf, qui alimente 25 communes a atteint un seuil tout aussi préoccupant. Aux dernières estimations de l'ADE, la réserve du bassin n'est plus que de 26 millions de m3, sur un volume total de 80 millions de m3 d'eau régularisable. Cette capacité théorique de rétention s'amenuise d'année en année du fait de l'envasement du barrage. L'accumulation de sédiments au fond de la retenue est la résultante directe d'un long processus d'érosion hydrique des bassins versants drainés par l'ouvrage. Pour permettre à cette réserve de tenir jusqu'à la prochaine saison des pluies, l'ADE a réduit tout récemment de 20% les prélèvements quotidiens. En guise de compensation, il a été mis en œuvre un plan de réalisation, de réhabilitation et de remise en service d'une vingtaine de forages à travers plusieurs localités de la wilaya, a-t-on appris. A l'issue de cette opération, il est escompté la mobilisation d'un volume de près de 34 000 m3 d'eau issue de la nappe souterraine. En parallèle, a-t-on informé, un programme de réfection de plusieurs tronçons vétustes du réseau de distribution est également en passe d'être réceptionné. Une alimentation tangible de la desserte est déjà signalée dans quelques quartiers de la ville d'Akbou, dont les réseaux ont été refaits de fond en comble. A contrario, les villages de certaines communes comme Tamokra, Bouhamza et Ait R'zine, vivent au rythme d'une diète sévère. Rationnement La situation n'est guère plus reluisante à Ath Djellil et Chellata, dont les habitants endurent un rationnement tout aussi drastique. «On reçoit l'eau de Tichi Haf, mais le débit laisse vraiment à désirer et la plage horaire très réduite. Quant à l'eau de source, elle se fait de plus en plus rare, en raison de la sécheresse», dispose un citoyen d'Ighil Oumced, dans la commune de Chellata. Des villages de M'cisna et de Bouhamza confessent vivre le tonneau des Danaïdes à longueur d'année. «L'eau ne coule des robinets qu'une fois par hasard. La corvée d'eau est devenue une occupation et une préoccupation quotidienne. Nous sommes obligés de nous approvisionner dans des points d'eau éloignés ou d'acheter des citernes à des prix exorbitants», déplore un retraité du village Tachouaft, dans la commune de Bouhamza. Outre une distribution très inéquitable de la ressource, cette dernière fait l'objet d'un gaspillage éhonté. Les piquages sur le réseau et les branchements illicites pullulent un peu partout. Un piratage en règle. Les indus bénéficiaires usent et abusent de cette denrée. Sans bourse délier. Par ailleurs, des milliers d'abonnés régulièrement raccordés ne versent pas un sou vaillant à l'ADE, qui voit son portefeuille créancier exploser littéralement. A ces pertes commerciales considérables s'ajoutent les déperditions physiques induites par les fuites du réseau, frisant dans certains secteurs 50% du volume d'eau mobilisé. «Nous faisons appel au sens civique du citoyen pour qu'il s'acquitte régulièrement de ses factures d'eau, dont le mètre cube est cédé à seulement 6,30 DA au tarif de base. Cette contribution est indispensable pour la pérennité et l'amélioration de la qualité de service», suggère un responsable local de l'ADE. Le pire est sans doute à venir, si le statu quo devrait perdurer. Les ressources hydriques s'assèchent en même temps que tarissent les réserves budgétaires de l'Etat. Déjà fort alambiquée, l'équation de l'eau risque de devenir hors de contrôle. «Pour éviter d'aller vers une crise aigüe d'eau qui se profile déjà, il est impératif d'opter pour une gestion rationnelle de cette ressource, de lutter contre toutes les formes de gaspillage et d'améliorer sensiblement la réutilisation des eaux épurées. Hélas, rien de tout cela n'est à l'ordre du jour», relève un expert hydraulicien. Advertisements