Datant des années 1920, cette bâtisse menace ruine. Toutes les personnes qui y subsistent sont d'anciens locataires dont l'occupation des lieux remonte à 1948. Murs profondément fissurés, cages d'escalier branlantes, plafonds sur le point de s'écrouler, promiscuité insupportable, sanitaires communs pullulant de bestioles innommables ne constituent guère la panacée pour un immeuble qui est déjà mitoyen d'une écurie d'un particulier dont l'odeur nauséabonde prend littéralement à la gorge dès que l'on dépasse le tunnuel obscur de l'entrée principale qui tient lieu de patio. Comme si toutes ces tares ne suffisaient pas, le collecteur principal des égouts (qui filtre les eaux usées de pas moins de 42 habitations environnantes et de toutes celles situées tout au long du boulevard Belouizdad ex-Saint-Jean plus en amont) passe juste sous les fondations de cet immeuble, ou de ce qu'il en subsiste. Lors de la visite que l'on a effectuée sur les lieux à la demande des occupants, nous avons constaté de visu le pullulement de rats « dévoreurs de chats », dixit une habitante, de vers améthystes provenant du foin non recyclé de l'étable adjacente et autres bestioles qui donnent froid dans le dos au visiteur occasionnel. Les locataires ont frappé à toutes les portes (autorités de wilaya, communales, Protection civile, même ministères et organismes spécialisés, en attendant de saisir la Présidence de la République), en vain. Personnes âgées, hommes, femmes et enfants, tous souffrent d'asthme, d'arthrite et de maladies dermiques à caractère allergologique, les dossiers médicaux sont nombreux. Un couple de jeunes mariés sans enfant, dont le mari est né sur place, il y a 38 ans, nous a rapporté qu'il préférait « crever le plus vite possible, plutôt que de mourir à petit feu, miné par les maladies, les nerfs à fleur de peau. Et ne disposant guère d'une once d'intimité. A croire que nous avons commis les pires atrocités pour mériter pareil malheur. » Et un autre ancien locataire, handicapé-moteur et taraudé par la polyarthrite, de renchérir : « Ecrivez que je vais rendre l'âme sans jamais avoir bénéficié d'un quelconque bienfait de l'indépendance. Ni moi ni personne des 11 membres de ma famille, et dont les trois aînés ne peuvent même pas songer à un hypothétique mariage. » Il faut savoir enfin que deux illustres locataires ont eux aussi occupé ces lieux jadis. Il s'agit de l'atuel ministre de la Communication Boudjemaâ Haïchour, et du célèbre et talentueux footballeur du MOC Abdelmadjid Krokro. Depuis, il s'en est coulé, sous les fondations fragilisées du n° 14 de l'avenue du 20 Août 1955, des eaux d'un égout imputrescible à souhait. Au grand dam de ses locataires qui n'espèrent, en fin de compte, qu'un toit étroit pour sortir de la chiasse.