Aux préoccupations d'ordre pédagogique soulevées par les chefs d'établissement des écoles privées, l'Etat répond par des arguments qui empruntent à un combat idéologique d'arrière-garde toute sa rhétorique. Le contentieux opposant les établissements privés d'enseignement au ministère de l'Education autour de la question de la langue d'enseignement des matières scientifiques a dévié de son cadre pédagogique et académique pour devenir une affaire d'Etat. Le dossier a été suffisamment et délibérément « idéologisé » et diabolisé pour que le président de la République s'en saisisse et s'en fasse l'écho lors de la rencontre des ministres de l'Education de l'Union africaine qui s'était tenue la semaine dernière à Alger. Sous d'autres latitudes, des débats sectoriels et fondamentalement techniques de ce type ne seraient jamais sortis de leur cadre naturel, celui d'être l'affaire exclusive des pédagogues et des experts. L'Algérie est-elle donc condamnée à traîner jusqu'à la fin des temps ce boulet de la langue française instrumentalisée à souhait par les forces conservatrices ? D'autres pays qui ne sont pas moins arabes que l'Algérie ne s'encombrent d'aucun complexe à utiliser des langues étrangères comme langues d'enseignement et de travail. Près d'un demi-siècle après le recouvrement de l'indépendance, ce débat est censé être amplement et définitivement consommé pour ne pas servir d'éternel alibi visant à entraver l'essor du pays pris dramatiquement en otage, à l'ère de la mondialisation, par des querelles linguistiques d'une autre époque. Ces visions plurielles sur un des segments-clés de l'éducation - l'enseignement privé -, qui a accusé d'immenses retards en Algérie par rapport à d'autres pays émergents de la même sphère civilisationnelle, auraient pu être une source inestimable d'enrichissement dans l'intérêt et le seul intérêt de l'école algérienne si d'autres préoccupations suspectes n'étaient pas venues parasiter le débat. La solution la plus démocratique et la plus saine pour la cohésion du système de l'éducation ne réside certainement pas dans la politique des interdits, des oukases et des faux procès d'intention visant à jeter le doute sur l'algérianité et le patriotisme de tous ceux qui remettent en cause l'efficacité du système de l'éducation en place. Cette controverse entre les tenants des deux visions de l'école algérienne aurait pu trouver une voie de salut en mettant en confrontation, sur un terrain strictement pédagogique, les expériences de l'école publique et privée de sorte à créer entre les deux systèmes une relation fusionnelle basée sur le seul critère des performances.