Tout le camp du oui à la Constitution européenne, majorité et opposition réunies, misait sur la prestation de Jacques Chirac pour redonner du souffle à leur campagne. Au lendemain de l'émission télévisée, l'heure est plutôt au scepticisme. Le Président français n'a pas réussi à renverser la vapeur, il a échoué à convaincre les indécis, sans parler des partisans du « non ». Toute la presse, même celle proche de la droite au pouvoir, est dubitative. Pourtant, tout a été programmé pour que celui qui était perçu comme le sauveur du « oui » soit dans les meilleures conditions. Un casting fait sur mesure, avec un savant mélange d'information spectacle et un panel de jeunes triés sur le volet. Les journalistes étaient priés de regarder l'émission à la télévision. Pour la crédibilité, le présentateur vedette de la chaîne privée, Patrick Poivre d'Arvor, et pour le spectacle, deux animateurs, plus spécialisées « people et société ». Mais voilà, la mayonnaise n'a pas pris. Jacques Chirac s'est lancé dans un exercice périlleux. « Ballotté dans une émission mal conçue, il n'a jamais eu l'occasion de développer son argumentaire autrement que pour assurer que l'Europe serait non libérale, qu'elle nous préserverait du modèle anglo-saxon et qu'il ne fallait pas avoir peur », note Nicolas Beytout, éditorialiste du Figaro, qui ne cache pas son scepticisme. A un mois et demi du référendum sur la Constitution européenne, Jacques Chirac s'est efforcé jeudi d'endiguer la vague montante du « non » en invitant les Français à « ne pas se replier sur leurs craintes » et en les mettant en garde contre l'« effet boomerang » d'un vote négatif. « Si la France d'aventure ne la votait pas, la France, au moins pendant un certain temps, cesserait d'exister politiquement au sein de cette Europe. On lui dirait : “Vous ne l'avez pas votée, allez voir ailleurs” », a dramatisé le locataire de l'Elysée. La classe politique semble partagée entre ironie, franc soutien et tiédeur. Si la plupart des ministres ont salué la prestation de Jacques Chirac, certains, comme le ministre de l'Education, François Fillon, a rendu une note sévère : peut mieux faire. Selon lui, d'autres émissions seront nécessaires pour mieux expliquer les enjeux de la Constitution européenne. A gauche, le camp du « oui » se satisfait de dire que le Président a fait son travail, « sans plus », alors que les tenants du « non » ne cachent pas leur joie. Le numéro deux du Parti socialiste, leader du camp du « non », avec son humour so british, a trouvé l'hôte de l'Elysée « comme la Constitution : long et peu convaincant ». Prenant de l'avance sur le résultat du référendum du 29 mai prochain, Jacques Chirac a exclu catégoriquement de démissionner en cas de victoire du « non ».