Très redouté, un rejet par les Français de la Constitution de l'Union européenne remettra en cause les fondements de la politique dans l'Hexagone et sur le Vieux Continent. La France et l'Europe retiennent leur souffle. Ce soir, les Européens sauront s'ils pourront continuer l'opération de ratification du traité de Constitution européen, ou s'il faudra repartir à zéro. Tous les indices penchent pour la seconde hypothèse, à voir les résultats des sondages d'opinion, tous favorables à un refus. Des alliances contre nature, même si elles se sont faites tacitement comme c'est le cas d'une partie des socialistes et le Front National de Jean-Marie Le Pen, ont donné un essor inattendu au non. Les plus optimistes espèrent un renversement de situation. Ils citent en exemple l'adoption au forceps par les Français, 51%, du traité de Maastricht en 1992. Une chose est sûre, la bataille sera rude face aux partisans du non, avec à leur tête le socialiste Laurent Fabius, qui, il faut le dire, aura fait recette. Même le retour sur la scène politique de l'autre socialiste, Lionel Jospin, n'a pas permis de refaire jusque-là le retard. Les analystes trouvent que les adeptes du oui ont réagi trop tardivement. C'est ce qui est reproché au chef de l'Etat français. Il a laissé le champ libre trop longtemps aux opposants avant de sortir de sa coquille. Son intervention de jeudi a été mise à profit par le camp du non. Certains d'entre eux n'ont pas hésité à l'accuser de faire du chantage au peuple français, en les menaçant des dangers que provoquerait un rejet de la Constitution en France et en Europe. D'autres voient dans les promesses de Jacques Chirac d'apporter des correctifs à sa politique locale, une manière d'amadouer l'électorat. Le patron de l'Elysée est appelé à tirer les conclusions qui s'imposent au lendemain du vote, quel que soit le résultat. La politique de son très impopulaire Chef du gouvernement, Jean-Pierre Raffarin, est la cause directe de cette levée de boucliers contre la Constitution européenne. Une confirmation du rejet constituera un cinglant désaveu pour le président français, qui n'aura pas su convaincre son peuple de la justesse de son action européenne, alors que la France fait partie des pays fondateurs de l'UE, d'où l'importance de l'issue du scrutin d'aujourd'hui. Les répercussions ne se limiteront pas à la droite française, mais provoqueraient inévitablement l'implosion de la gauche, plus particulièrement le parti socialiste, plus que jamais divisé. En dépit de toute cette pression, la Commission européenne ne donne pas l'impression de s'alarmer outre mesure, à voir les déclarations de son président, le Portugais José Manuel Durao Barroso. Quel que soit la sanction des urnes françaises, ce dernier compte appeler, en compagnie du président en exercice de l'Union européenne, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, à la poursuite du processus de ratification. Selon Juncker, en cas de non, les dirigeants européens devraient demander à la France de revoter à la fin du processus, prévu à l'automne 2006. “Les pays qui auront dit non devront se reposer la question”, a-t-il dit avant d'ajouter : “Et si nous n'arrivions pas à trouver la bonne réponse, le traité n'entrera pas en vigueur.” L'Allemagne approuve le traité constitutionnel européen La Chambre haute du Parlement allemand a approuvé à une écrasante majorité le traité constitutionnel européen, ouvrant ainsi la voie à une ratification définitive par le président Horst Köhler. L'Allemagne va ainsi devenir le neuvième pays membre de l'Union européenne à ratifier le projet de Constitution européenne, après la Lituanie, la Hongrie, la Slovénie, l'Italie, la Grèce, la Slovaquie, l'Autriche et l'Espagne, la seule à l'avoir adopté par référendum. Deux semaines après l'approbation du traité par la Chambre basse, le Bundestag, le vote du Bundesrat n'était qu'une formalité, les principaux partis allemands s'étant prononcé en faveur du projet de Constitution. K. ABDELKAMEL