Le président français Jacques Chirac a officialisé, dimanche, un retrait attendu de la scène politique française. Jacques Chirac, 74 ans, a mis le 11 mars un point final à une carrière politique exceptionnelle s'étendant sur plus de quarante années. Mais c'est tout aussi paradoxal, Chirac n'est pas appelé à laisser un souvenir impérissable dans la mémoire des Français et encore moins dans les sphères politiques internationales. Vu d'Alger, Jacques Chirac aura été plutôt velléitaire, affirmant une chose pour soutenir son contraire le lendemain. Il aura surtout été le président français des occasions perdues et des missions inaccomplies, à l'instar du «traité d'amitié» entre la France et l'Algérie -dont il a été l'un des initiateurs, avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika -qui semblait devoir être le couronnement de sa carrière politique en tournant définitivement la douloureuse page de l'histoire franco-algérienne, qui s'est étiolée en peau de chagrin, tournant même à l'aigre, lorsque le Parlement français a glorifié la colonisation et, à travers elle, les crimes commis contre les peuples colonisés, algérien particulièrement. Jacques Chirac qui s'est illustré - à l'encontre de ses prédécesseurs - en assumant les pages sombres de l'histoire de la France dans les déportations des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, notamment, n'a pas poussé sa logique jusqu'à admettre les crimes commis par la France contre les Algériens -enfumades du Dahra par le corps expéditionnaire français en 1830, les crimes de guerre du 8 mai 1945 ou les bastonnades du 17 octobre 1961 - et en tirer toutes les conséquences. Donc, il y a chez Jacques Chirac une repentance sélective qui ne peut absoudre la France de ses autres crimes qu'elle a commis ici et là dans le monde. L'un dans l'autre, Jacques Chirac -qui achève son deuxième mandat le 16 mai prochain- a beaucoup promis mais peu réalisé, ce qui donne si peu de relief à quarante années de vie politique. «Au terme du mandat que vous m'avez confié, le moment sera venu pour moi de vous servir autrement. Je ne solliciterai pas vos suffrages pour un nouveau mandat», a déclaré le président français dimanche soir, lors d'un discours solennel, invitant les Français à «ne jamais composer avec l'extrémisme» ou «le rejet de l'autre». Tout en assurant «aimer» son pays «passionnément», il a dit aux Français être «fier du travail accompli ensemble» et vouloir encore les servir «autrement». Comment? M.Chirac s'est gardé de le dire comme il a réservé de dire, ultérieurement, son choix électoral. «S'agissant des échéances électorales, j'aurai l'occasion d'exprimer mes choix personnels»; s'est-il contenté d'indiquer. Le retrait de Jacques Chirac de la vie politique intervient au moment où la campagne électorale bat son plein alors que la course à l'Elysée semble plus ouverte que l'on pouvait le supposer avec un trio qui se dégage de manière irréversible dans les personnes du candidat «favori» de la droite Nicolas Sarkozy, actuel ministre de l'Intérieur, sa rivale socialiste Ségolène Royal, et le troisième homme de la fable, le centriste François Bayrou dont l'étoile ne cesse de monter au firmament, M.Bayrou risquant même de mettre d'accord M.Sarkozy et Mme. Royal. Ces trois candidats, des quinquagénaires, qui n'ont pas connu la Grande guerre, incarnent, en effet, la relève en France tant du «système Chirac» que, d'une manière plus générale, un système, hérité de la Grande guerre et de la guerre d'Algérie, aujourd'hui sclérosé. M.Chirac qui n'a pas réussi à «vendre» l'Europe aux Français, insiste néanmoins sur le fait qu' «il est vital de poursuivre la construction européenne. Les nationalismes qui ont fait tant de mal à notre continent peuvent renaître à tout moment. Et ce n'est pas seuls que nous ferons face aux bouleversements économiques du monde», a-t-il indiqué dans un ultime message à ses compatriotes. Plusieurs candidats à la présidentielle en France, dont la socialiste Ségolène Royal et le centriste François Bayrou, ont salué le discours de retrait du président Jacques Chirac, alors que Jean-Marie Le Pen (extrême droite) estime avoir perdu «son pire ennemi». Remarquable aussi le silence observé par le candidat favori de la droite Nicolas Sarkozy qui, à tout le moins, ne se considère pas comme «l'héritier» du chiraquisme. Notons enfin, la réaction du président américain, George W.Bush, qui eut en Jacques Chirac l'adversaire le plus déterminé contre la guerre qu'il imposa à l'Irak, qui a souhaité «ce qu'il y a de meilleur» à Jacques Chirac, a indiqué la Maison-Blanche, assurant que les Etats-Unis et la France «resteront des alliés loyaux», après l'annonce du retrait de la vie politique du président français.