En descendant du maquis en 1962, Houcine Boudjedra n'avait certainement pas le moindre doute qu'un jour il serait menacé d'être sans toit sous le ciel d'une Algérie indépendante qu'il a servie au prix de sa vie. A l'heure où cet article est paru, il doit pourtant compter les heures avant qu'un huissier de justice, accompagné par la force publique, ne vienne l'expulser de son domicile. Ammi Houcine habite le 12, rue Merimèche Rabah, près du boulevard Larbi Benmhidi, moudjahid comme lui de la grande révolution. Il y habite depuis qu'il a été désigné en 1962 comme concierge dans cet ancien dispensaire désaffecté, propriété de la commune. Il n'a jamais connu un autre toit, ni bénéficié en tant qu'ancien moudjahid d'un logement social, et vit avec sa famille nombreuse, dont deux membres sont mariés sous le même toit. Sans qu'il en soit informé, un transfert de propriété a dû être conclu entre la commune et la direction de la santé de Constantine. Le nouveau propriétaire, en l'occurrence, l'hôpital El Bir, réclame depuis quelque temps la restitution du local et presse la famille Boudjedra de libérer les lieux. L'affaire a été portée devant le tribunal de Constantine qui a tranché en faveur de la partie plaignante, mais la famille a introduit un pourvoi en cassation qui attend d'être traité devant la Cour suprême à Alger. Curieusement, les nouveaux propriétaires semblent ne pas tenir compte de cela et ont engagé une procédure pour l'application du jugement du tribunal de Constantine. L'accélération des choses enfonce la famille Boudjedra dans un tourbillon d'angoisse et de supplices qui entraînent un désespoir insoupçonné. De nombreuses lettres ont été adressées aux autorités locales et centrales, mais ne trouvent pas d'écho pour l'instant. Ammi Houcine ne réclame pas la propriété de cette maison, qu'il a pourtant retapée au prix d'une autre maison, mais souhaite uniquement que la dignité de sa famille soit préservée et qu'il ne soit pas lui et ses enfants jetés à la rue.