Ils occupent l'espace public parfois par groupes de familles entières, dont des femmes avec bébé sur le dos, quémandant de l'argent ou de quoi se nourrir auprès des passants et des commerçants. La détresse de ces naufragés du désespoir subsahariens qui écument les agglomérations urbaines de la vallée de la Soummam, interpelle les consciences. En l'absence d'une riposte à la mesure de leur martyre, ces infortunés migrants ne doivent leur survie qu'à la compassion des âmes charitables. Dans la région de Sidi Aïch, ils végètent dans les abysses du désarroi et de la précarité. Des mioches, des groupes d'ados et parfois des familles entières, sont astreints à quémander quelque obole pour subvenir à leur pitance. Avec leur allure furtive, leurs silhouettes souffreteuses et leurs vêtements dépenaillés, ils balisent l'espace public sous l'œil, tantôt impassible, tantôt compassé des passants. Habillées de guenilles et flanquées de toutes leurs smalas, des femmes sillonnent les artères commerçantes de la ville. Bébés sur le dos, d'autres mendiantes traînent leur guêtre et s'introduisent dans les boutiques et les bus en stationnement, en tendant la sébile. Les plus entreprenants s'improvisent vendeurs de babioles et autres menus fretins, exposés sur des éventaires posés à même le trottoir. D'aucuns s'investissent dans des chantiers dans le domaine des services, des travaux publics et de l'agriculture où ils sont, susurre-t-on, employés contre des clopinettes. C'est le cas de ce migrant venu du Niger voisin, qui n'en finit pas de tirer le diable par la queue. «J'essaie de m'accrocher, vaille que vaille, pour ne pas crever de faim. Peu importe que le travail proposé soit sous-qualifié ou sous-payé. Hélas, certains employeurs indélicats en profitent pleinement, en ne consentant que des pourboires en guise de rétribution», témoigne-t-il. «Il faut bien se débrouiller pour survivre et l'insertion dans la sphère économique informelle me parait le moyen le mieux indiqué pour y parvenir. Pour l'heure, je me contente de petits boulots mal rémunérés et sans lendemain. Cette situation n'a, cependant, pas vocation à s'éterniser. Si, dans quelques mois, je n'arrive pas à régulariser ma situation et à avoir accès à une véritable insertion professionnelle, l'option d'un retour au bercail sera sûrement envisagée», ajoute-t- il, la mine déconfite. Ballottés entre espoir ténu et pire désillusion, ces réfugiés rongent leur frein en attendant des jours d'indigence. Une vie aléatoire, ponctuée de revers de fortune et de cruelles déconvenues. Cette condition de damnés fait refluer dans les mémoires le souvenir d'exode des boat people vietnamiens, dont les sujets s'échouaient sans ressources sur les rues de la capitale, avant que l'Etat ne se mette martel en tête pour les prendre en charge. Les migrants subsahariens auront-ils droit à un traitement similaire ? Rien n'est moins sûr. N. Maouche Advertisements