C'est l'éternel recommencement pour les migrants subsahariens. Ils s'éclipsent momentanément pour réapparaître plus nombreux. C'est la preuve, s'il en fallait une, que les reconductions à la frontière régulièrement organisées par les autorités sont autant d'épées dans l'eau. Les causes et le déterminisme de la «transhumance» de ces naufragés du désespoir sont autrement bien plus profonds et plus complexes. Dans la ville d'Akbou et les autres agglomérations de la Soummam, où ils balisent l'espace public, ces migrants font la manche pour subvenir à leur pitance. Par petits groupes ou en solo, ils investissent les grandes surfaces, s'introduisent dans les cafés et montent dans les bus en stationnement en quête de quelque obole. Bébé sur le dos, baluchon sur la tête, des femmes mal nippées font la manche sur les rues commerçantes, sous le regard, tantôt impassible, tantôt compassé des passants. D'autres se postent aux abords des routes, flanquées de toute leur smala. Des mioches pas plus hauts que trois pommes s'agrippent aux fenêtres des véhicules ralentis par les encombrements en tendant la sébile. A Guendouza, des hommes drapés dans des loques infâmes et accompagnés de leurs enfants s'adonnent à la mendicité en flânant dans les rues passantes et en arpentant les lotissements sociaux. D'aucuns, parmi les plus entreprenants, recourent à des pis-aller pour survivre. Ils proposent à la vente des babioles et autres menus fretins, disposés sur des étals de fortune dressés à même le sol. A hauteur de la station urbaine fraîchement rénovée, des escouades d'ados dépenaillés traînent leurs guêtres. La mine déconfite, l'un de ces galériens confessent avoir essuyé une cruelle désillusion, en échouant de rejoindre le port d'attache de ses rêves : «L'eldorado européen.» Une longue et improbable pérégrination depuis le Niger, via Tamanrasset. Aujourd'hui, leur destin et plus incertain que jamais, car ils ignorent à peu près tout de ce qui pourrait advenir. S'apitoyant sur leur sort, des âmes charitables leur versent la thune. Sinon, on fait mine de ne pas voir leur débine. Celle-là même qui vient s'adjoindre à la mouise de nos mendiants disséminés aux quatre coins de la ville. Les heures, les jours s'égrènent difficilement pour ces infortunés migrants, brisés par les aléas du destin. Demain s'annonce tout aussi long et éprouvant. Comme un jour sans fin. Comme un jour sans pain ! Advertisements