La Banque mondiale vient de publier un rapport relatif aux transferts de la communauté algérienne établie à l'étranger et pour notre cas en France, les évaluant à quelque 1,8 milliard de US$ en 2021, soit 1,1 % du PIB (1). Ce chiffre brut peut surprendre le commun des mortels mais aucun expert ne peut se satisfaire de cette statistique qui cache mal la réalité des transferts et leur impact sur l'économie de notre pays et celle des pays d'implantation. En effet, ces statistiques ne montrent que la face visible de l'iceberg (transferts bancaires) et occulte celle, de loin la plus importante, qui forme la réalité des transferts non officiels. Dans la réalité économique underground, ces transferts se réalisent en biens et services de toute catégorie (textiles, pièces détachées, petites et moyennes machines, alimentations, médicaments, études et soins à l'étranger...) dans les limites des «tolérances douanières». Qui n'a pas vu les véhicules des «migris», arrivés par bateaux entiers, surchargés de marchandises, de pièces, de breloques, de biens alimentaires durables, de produits prohibés ou et en pénurie, ne peut comprendre le phénomène dans sa réalité souterraine (2). Qui n'a pas vu les valises, les emballages divers et variés, à l'arrivée quotidienne des avions surbookées en provenance d'Europe mais en particulier de France, ne peut comprendre le processus et son impact sur les transferts des non-résidents qui, au fil du temps, ont créé un véritable marché florissant, tirant essentiellement profit du différentiel entre le taux de change officiel, affiché par la Banque d'Algérie et celui du marché parallèle, négocié à essentiellement à Port-Saïd ! A cet endroit, il semble que le Premier ministre et néanmoins ministre des Finances n'ait pas vu ou perçu ce phénomène puisqu'il vient de déclarer à la conférence des chefs de missions diplomatiques, il y a quelques jours : «L'Algérie ne bénéficie que très peu des transferts de fonds de la communauté algérienne à l'étranger» ! Ce constat fallacieux ne peut qu'induire des solutions toutes aussi fallacieuses et inefficaces, puisqu'il ne prend pas en ligne de compte la réalité économique qui nous enseigne qu'une large partie de notre économie se trouve dans le secteur informel. Les transferts de fonds de notre diaspora sont conséquents et nécessitent une analyse scientifique pour en déterminer le montant réel et non supposé. Ils n'empruntent pas les circuits officiels (3) et préfèrent ceux informels dans la mesure où ces derniers sont plus simples et plus lucratifs. Il faut donc se poser la question de savoir pourquoi ce phénomène existe dans notre pays et pas dans les autres et comment y remédier ! C'est donc à partir de ce postulat qu'il faut analyser la situation et trouver des solutions durables et crédibles pour mettre fin à cette situation quasi unique au monde. La mobilisation des fonds de la diaspora ne pourra se réaliser que dans la mesure où elle répondra aux besoins spécifiques de cette dernière, solution que l'on peut facilement trouver dans un certain nombre de produits financiers que mettent en place les autres pays en direction de leur propre diaspora (logement résidentiel et touristique, foncier industriel, bâti commercial, financement de projets...). Il serait donc utile, dans ce dossier qui entre dans le cadre de l'équilibre de la balance des paiements, que des solutions pragmatiques et réalistes soient mises en œuvre, en évitant les erreurs du passé et les expériences catastrophiques antérieures que les pouvoirs publics ont mis en place.
Par Dr Mourad Goumiri Professeur associé ________________________________ (1) A titre d'exemple, les Egyptiens transfèrent 33 milliards d'US$ par an ! Les Marocains, pour leur part, transfèrent 9,3 milliards d'US$. (2) Sur mon initiative, en 1982, le ministre des Finances de l'époque avait instruit la direction générale des Douanes aux fins de mener une enquête sur les catégories de produits entrants en Algérie par ce billet, en ouvrant systématiquement toutes les valises, dans les aéroports du pays pendant une journée. Les résultats étaient édifiants mais leur exploitation nulle ! (3) La solution qui consiste à ouvrir à l'étranger des agences de banques publiques est exactement ce qu'il ne faut pas faire ! En effet, l'Algérie dispose déjà d'institutions bancaires à l'étranger (France, Suisse, Italie Royaume-Uni...) mais notre diaspora les évite dans la mesure où elle tire profit du marché parallèle des devises qu'elle alimente et dont elle se nourrit. Advertisements