Dix-sept membres parmi les 75 du Dialogue politique libyen ont adressé, avant-hier, une requête au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, réclamant l'intervention de l'ONU pour remettre le processus de transition en Libye à sa vision tracée à Genève en février dernier, pour la phase transitoire. La requête a averti sur les divers dérapages constatés, notamment de la part du gouvernement, ce qui risque de faire avorter tout le processus. Les 17 membres ont également demandé de revenir au Dialogue politique et de dévoiler l'annexe 13 du rapport de la Commission des sanctions de l'ONU, pour remettre chaque contrevenant à sa place. La lettre adressée à l'ONU considère qu'il y a eu un flagrant dépassement de la part de la présidence du gouvernement, «censée être une partie neutre encadrant l'opération électorale, non une partie prenante». La même requête a reproché «l'insouciance du Conseil présidentiel par rapport à sa tâche fondamentale de réunir les belligérants libyens autour d'une plateforme assurant l'acceptation par tous des résultats des élections». Les 17 signataires ont également reproché à l'envoyé spécial de l'ONU, Ian Kubic, d'ignorer leur requête de réunir le Dialogue politique, afin de contrôler le processus politique convenu à Genève et de rectifier progressivement le tir. Ils ont salué le retour de Stéphanie Williams en Libye, puisque Kubic a présenté sa démission qui entre en application dès demain 10 décembre. Ladite requête a été signée par des membres indépendants du Dialogue national, ainsi que certains membres de l'Est et du Sud. A souligner la présence parmi les signataires du nom de Ahmed Cherkassi, l'ancien conseiller politique du chef du gouvernement, Abdelhamid Dbeyba. Cherkassi considère désormais que «Dbeyba constitue un danger pour la Libye, puisqu'il a dérapé de la feuille de route pour laquelle il a été élu, en s'agrippant au pouvoir.» La requête survient alors que la justice libyenne a remis en lice tous les ténors de la politique libyenne, suite aux rejets de la Commission électorale ou d'adversaires politiques. Ainsi, Abdelhamid Dbeyba, contesté par son concurrent Fathi Bach Agha, a été remis en course par la Cour d'appel de Tripoli, après un rejet de la première instance. Khalifa Haftar a été, lui-aussi, écarté en première instance par une cour locale d'Ezzaouia, avant d'obtenir le rétablissement de ses droits par la Cour d'appel de Tripoli. Seif El Islam Gueddafi a été écarté par la Commission électorale, avant que la cour de Sebha lui rétablisse ses droits. Le politologue libyen, Ezzeddine Aguil a considéré que «la justice libyenne n'a pas cherché à s'immiscer dans l'action politique, en se limitant à appliquer des principes généraux d'équité, évitant de se référer à la loi électorale votée par le Parlement». Sécurité La question sécuritaire reste entièrement posée, en ce qui concerne la protection des bureaux de vote. Les unités armées, censées protéger l'opération électorale, relèvent de concurrents présents dans la prochaine élection présidentielle du 24 décembre. Haftar, commandant en chef de l'Armée nationale libyenne (ANL), est l'homme fort de l'Est libyen, voire du Sud. Ses troupes vont contrôler l'opération électorale. Même chose à l'Ouest, où Abdelhamid Dbeyba est le chef du gouvernement, qui a exploité son statut pour se faire un audimat. «Dans pareilles conditions, l'acceptation des résultats par le camp adverse n'est pas du tout garantie», assure le juge libyen Jamel Belhaj, qui dit «n'être pas sûr de la tenue des prochaines élections». Pour lui, «il n'y a pas de conditions minimales pour tenir des élections fiables». Mais, la Commission électorale, conduite par Imed Essayeh, maintient son calendrier. Le processus électoral en cours n'a pas empêché la commission militaire «5+5» de poursuivre ses efforts en vue du départ des mercenaires et des troupes étrangères de Libye. Ainsi, la commission a rencontré, la semaine dernière à Tunis, les représentants des pays africains limitrophes de la Libye (Tchad et Soudan, essentiellement), en présence de l'Union africaine. Les pays concernés ont accepté le rapatriement de leurs mercenaires. Une autre rencontre a regroupé lundi dernier au ministère de la Défense turc à Istanbul, la commission avec des responsables turcs. L'ordre du jour a porté sur l'application des accords du 8 octobre 2021 à Genève sur un retrait progressif, simultané et équilibré des forces étrangères et des mercenaires de Libye. La Turquie a exprimé sa disposition à rapatrier les mercenaires et ses militaires, selon le général Khaled Mahjoub, membre de la commission et relevant de l'Armée nationale libyenne, dirigée par Haftar. La commission a également rencontré hier au ministère des Affaires étrangères russe, à Moscou, des responsables russes, qui ont exprimé le soutien de la Russie au processus. Par ailleurs, Najla Mengouch, la ministre libyenne des Affaires étrangères, a discuté hier à Tripoli avec une délégation russe, la question de leur présence militaire ainsi que la réouverture de leur ambassade à Tripoli et leur consulat à Benghazi. Cette question de présence militaire étrangère demeure l'épine de tout accord en Libye.
Tunis De notre correspondant Mourad Sellami Advertisements