Dans le Grand Sud, le transport constitue un des moyens de communication les plus stratégiques pour le développement de ces zones qui totalisent une superficie supérieure à cinq fois celle de la France. Et pourtant, les pouvoirs publics semblent afficher une indifférence totale pour ce secteur - en se désistant au profit du privé - et de sa gestion anarchique, en fermant les yeux, par exemple, sur le comportement d'Air Algérie qui pratique des prix excessifs. Comment comptent-ils procéder au désengorgement du littoral et peupler le Grand Sud qui emmagasine toutes les richesses du pays (terres fertiles, eau, énergie solaire et éolienne, gaz, pétrole, diamant, uranium...) et proposer un développement durable pour l'avenir de l'Algérie ? L'avion reste le seul moyen pratique de transport et non un luxe pour ces destinations très lointaines (Tamanrasset : 2 000 km, Adrar : 1 500 km, Tindouf : 1 800 km, Illizi : 1 700 km). Ses tarifs actuels - et qui sont encore prévus, semble-t-il, à la hausse - n'encouragent personne à s'investir dans ces régions. Par exemple, un billet Adrar-Alger-Adrar coûte 19 000 DA contre 2 000 DA en 1995, alors que le salaire moyen des cadres est resté stationnaire à 20 000 DA/mois. Un fonctionnaire peut-il se le permettre en famille ? Actuellement, l'avion n'est emprunté que par les agents de l'Etat, c'est-à-dire les missionnaires (c'est toujours l'Etat qui paye la facture). Le voyage par route relève du domaine des « expéditions punitives », avec un voyage qui pourrait durer deux jours au minimum et des tronçons routiers impraticables sur des centaines de kilomètres. Imaginez le calvaire qu'une famille de cinq enfants en bas âges peut endurer en empruntant le trajet Tamanrasset-Alger par bus ! Ces dernières années, plusieurs familles ont choisi de passer leurs vacances à domicile, en subissant les affres de l'été, préférant honorer « d'astronomiques » factures d'électricité (une moyenne de 15 000 DA/trimestre) plutôt que de s'aventurer dans des vacances que le budget familial ne peut supporter. Les fruits et légumes, lorsqu'ils sont disponibles, restent parfois inaccessibles. Des factures mirobolantes Les autres denrées alimentaires sont toutes relativement plus chères. La majorité des cadres regrettent amèrement leur installation dans ces zones, surtout ceux de la première catégorie. Un administrateur nous dira : « Je suis venu à Adrar avec l'idée de faire des économies, acheter un véhicule et me marier. En fin de compte, c'est grâce au soutien financier de mes parents que j'ai pu me marier. » Selon une jeune médecin généraliste originaire d'Oran : « Mes parents m'interdisent de voyager par route, mais depuis l'augmentation des billets d'avion je ne passe plus les fêtes à la maison. Trois déplacements par an reviennent à la coquette somme de 60 000 DA pour le transport uniquement. J'espère obtenir un poste de travail prochainement dans n'importe quel douar du Nord », dira-t-elle. Tous ces fonctionnaires auraient préféré exercer dans les villes du 31e parallèle (Béchar, Ghardaïa, Ouargla) ou celles des Hauts Plateaux (El Bayadh, Laghouat, Djelfa), avec des petites indemnités, mais pouvoir rentrer dans leurs frais. Il y a aussi une autre catégorie de fonctionnaires que nous n'avons pas citée. Celle-ci concerne les détenteurs des fonctions supérieures de l'Etat (les membres de l'exécutif). Cette frange en général n'a pas demandé à travailler dans le Grand Sud. Elle est soumise à des mutations d'office. Mais, en contrepartie, elle est la plus choyée. Son salaire moyen est de 75 000 DA, sans compter les avantages liés à la fonction (prêt achat de véhicule de 800 000 DA, plus 8 000 DA/mois de frais de carburant, etc.). Quand les responsables vont-ils se pencher sérieusement sur les problèmes cruciaux qu'endurent les cadres de ce qui est appelé communément TATI (Tamanrasset-Adrar-Tindouf-In Salah). On les a incités à exercer dans ces régions isolées du monde et on les a, apparemment, oubliés...