Il y a cinquante ans naissait à Bandoeng le tiers-monde. Une formidable volonté d'émancipation d'un milliard et demi d'hommes qui vivent, pour la plupart, sous le joug colonial, dans des conditions misérables, prend forme. 29 pays d'Afrique et d'Asie - emmenés par Nasser, Tito, Nehru, Sukarno et le Premier ministre chinois Chou en Laï - se retrouvent dans cette ville indonésienne, devenue depuis emblématique, pour jeter les bases du futur mouvement des non-alignés. Cinquante ans plus tard, ce mouvement est à présent une coquille vide, et le tiers-monde, en dépit de la situation économique et sociale désastreuse des pays sous-développés, notamment africains, n'existe même plus. Ce regroupement géopolitique, qui avait atteint son apogée avec le sommet d'Alger de 1974 et la revendication de Houari Boumediène pour l'établissement d'un nouvel ordre économique mondial, formulée avec force et beaucoup de panache à New York, n'a pas résisté à la volonté destructrice des pays occidentaux. D'abord avec la création de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui avait pour tâche de neutraliser l'arme du pétrole, utilisée par les Arabes, grâce au courage politique du roi Abdelaziz d'Arabie Saoudite, lors de la guerre du Kippour d'octobre 1973, pour tenter de contrer l'arrogance d'Israël. Les Etats-Unis se sont ensuite chargés de déstabiliser politiquement et militairement l'ensemble des pays du tiers-monde jugés à l'époque révolutionnaires. La chute du mur de Berlin en 1989 et la disparition du bloc socialiste ont fini par rendre le monde unipolaire, avec une domination sans partage de l'ordre libéral. La domination des firmes multinationales et la globalisation de l'économie ont achevé toute espérance des peuples qui vivent dans la pauvreté, les maladies, la précarité... Mais l'esprit de la conférence de Bandoeng a été surtout un formidable encouragement à la poursuite de la décolonisation. A ce titre, pour les Algériens, ce rassemblement tenu dans le contexte de l'époque, six mois à peine après le déclenchement de la Révolution armée du 1er Novembre, a été une formidable tribune diplomatique pour le FLN. En dépit des pressions françaises et des démarches du colonisateur, le FLN est consacré comme l'interlocuteur légitime d'un peuple en lutte pour le recouvrement de son indépendance. Un pan d'une histoire exceptionnelle, malheureusement peu connu des Algériens...