Les pays membres du Mouvement des non-alignés ont célébré hier avec solennité, mais aussi une certaine émotion, le 50e anniversaire de la Déclaration de Bandoeng, ou plus précisément la naissance de leur mouvement décidé dans la petite ville indonésienne. C'était le 14 avril 1955. Et depuis, le mouvement, né par opposition à la politique des deux grands blocs idéologiques et militaires, n'a fait que prendre de l'ampleur. Son message passait évidemment comme l'indique le nombre sans cesse plus grand d'Etats membres, ou encore celui de ceux qui se faisaient inviter. Du 18 au 24 avril 1955, 29 pays du Tiers-Monde, de l'Asie et de l'Afrique s'étaient réunis à Bandoeng, à 120 km au sud-est de Jakarta. Le communiqué final de cette conférence a fait date dans l'histoire de la décolonisation et du tiersmondisme. Ce qu'on a appelé « l'esprit de Bandoeng » se fondait sur les principes de non-ingérence, d'égalité de toutes les nations quelle que soit leur taille et du refus de servir les intérêts des grandes puissances par le biais d'une appartenance à une alliance militaire. Et cette fois lors du sommet afro-asiatique qui vient de s'achever à Djakarta, on a pu au moins remarquer la présence de pays comme le Japon, la Chine et la Corée du Sud. L'on peut, bien entendu, s'interroger sur leurs raisons, mais la question paraît secondaire. Et c'est lors de cette rencontre que le non-alignement a opéré une révision stratégique de sa ligne de conduite, et le moins que l'on puisse dire, c'est que celle-ci est empreinte de réalisme comme le démontre la déclaration en ce sens adoptée dimanche. Et comme il fallait s'y attendre, les participants à ce sommet se sont retrouvés hier à Bandoeng pour y signer un nouveau « partenariat stratégique » censé s'inspirer des idéaux d'émancipation et de solidarité qui avaient marqué la conférence de 1955. Les dirigeants ont ratifié le document très général adopté la veille à Djakarta, qui prévoit une alliance afro-asiatique destinée à profiter aux trois quarts des habitants de la planète, certains des pays les plus pauvres. Les leaders politiques ont marché en pèlerinage sur les traces de leurs illustres prédécesseurs et marqué une halte à l'édifice de la Liberté et à l'hôtel Savoy Homman où s'étaient notamment arrêtés l'Indien Nehru, l'Egyptien Nasser, le Chinois Zhou Enlai et le président indonésien Sukarno, le Yougoslave Tito qui furent les vedettes du premier sommet Afrique-Asie. Leur programme comportait également la plantation symbolique d'arbres asiatiques et africains ainsi qu'une cérémonie commémorative terminée sur une minute de silence. Le nouveau « partenariat stratégique » afro-asiatique impose aux pays signataires d'œuvrer notamment en faveur de la démocratie, des droits de l'homme, des progrès sociaux, de la croissance économique, de la tolérance religieuse, de l'éradication de la pauvreté et de la prévention des catastrophes naturelles. « L'histoire nous jugera en se fondant sur ce que nous ferons dans les jours, les mois et les années à venir, en évaluant si nous restons fidèles à l'esprit de Bandoeng, ou si nous échouons par manque de détermination politique », a lancé en ce sens, le président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono. « Tout comme le Mouvement des non-alignés a par le passé joué un rôle central dans la lutte pour l'émancipation, nous avons besoin de revitaliser ce mouvement pour en faire un moyen d'évolution socio-économique rapide et d'émancipation dans nos vies », a pour sa part estimé le Premier ministre indien, Manmohan Singh. Cinquante ans après Bandoeng, les équilibres planétaires et les idéaux ayant changé ont été bouleversés. Le monde est devenu unipolaire, avec une mutilation du droit par le recours à l'unilatéralisme. Cela peut constituer un nouveau départ.