Avec la régularité qui lui est propre, l'ONU se penche depuis jeudi sur le dossier sahraoui, et à entendre son secrétaire général auteur du rapport tout aussi régulier qu'il dresse pour chaque rencontre, il n'y a pas lieu de se montrer optimiste. Ce que l'on retiendra de ce document soumis jeudi au Conseil de sécurité, c'est bien entendu le ton alarmiste, mais c'est surtout la réaffirmation de la question fondamentale de ce conflit, c'est-à-dire l'exercice par le peuple sahraoui de son droit à l'autodétermination. En d'autres termes que cette question relève de la décolonisation et rien d'autre. Ainsi donc, Kofi Annan a déploré jeudi que le conflit du Sahara-Occidental soit toujours « dans l'impasse », ainsi que les violations répétées d'un accord militaire entre le Maroc et le Front Polisario. Il souligne que « l'impasse dans laquelle se trouve ce conflit de longue date a contraint dea dizaines de milliers de réfugiés sahraouis à vivre dans des conditions déplorables, comptant pour leur survie sur la générosité de la communauté internationale ». Il déplore le blocage actuel sur « la question fondamentale concernant la manière dont la population du territoire peut exercer son droit à l'autodétermination ». M. Annan ajoute que « s'il n'y a pas eu de violation du cessez-le-feu qui a pris effet le 6 septembre 1991 », il est toutefois « préoccupé devant l'ampleur des violations de l'accord militaire numéro 1 ». Parmi ces violations, le rapport cite « l'installation continue de nouveaux radars et moyens de surveillance » par l'armée marocaine « dans plus de 40 sites sur toute la longueur du mur de défense », « les manœuvres à tirs réels » effectuées par elle, « le déploiement continu par le Front Polisario d'une unité armée dans la zone appelée ‘‘Fort espagnol'' » et « les incursions répétées dans la zone tampon par des membres armés du Front Polisario ». Selon M. Annan, il a été constaté « l'amélioration de l'infrastructure de défense, y compris la construction d'une deuxième section du mur de défense par l'Armée royale marocaine, alors que l'accord interdit toute amélioration de cette infrastructure, en particulier la construction de nouvelles lignes de défense (sable, pierre ou béton) ». Le rapport de l'ONU souligne également que « les manœuvres à tirs réels effectuées par l'Armée royale marocaine, allant parfois jusqu'aux zones soumises à des restrictions » ont été opérées. Dans ce rapport, qui a été soumis en application de la Résolution 1570 du Conseil de sécurité, en date du 28 octobre 2004, M. Annan a déploré que malgré « une certaine amélioration du climat politique dans la région », « les parties ne sont toujours pas parvenues à un accord sur la façon de sortir de l'impasse dans laquelle elles se trouvent, pour permettre à la population du Sahara-Occidental d'exercer son droit à l'autodétermination ». Dans ses observations, le SG de l'ONU a souligné que « l'atténuation des déclarations négatives et la multiplication des contacts de haut niveau dans la région constituent une évolution encourageante. Toutefois, l'amélioration générale du climat politique au niveau régional n'a pas encore entraîné de changements dans les positions des parties sur la question du Sahara-Occidental et la question fondamentale concernant la manière dont la population du territoire peut exercer son droit à l'autodétermination ». Ces graves révélations viennent conforter le discours officiel marocain récusant tout retrait du Sahara-Occidental malgré l'obligation qui lui est faite par les Nations unies dans le cadre de l'application du plan de paix auquel Rabat a souscrit officiellement. Amer constat Il s'agit de la fameuse résolution 890 portant plan de paix de l'ONU. Seul le cessez-le-feu est entré en vigueur le 6 septembre 1991, tandis que les autres clauses sont bloquées par le Maroc. Et dans le cadre d'une opération qui n'aurait pu être menée sans l'appui du Palais royal, relèvent nombre d'observateurs, Rabat se lance depuis quelques semaines dans des opérations appelant à la libération des séquestrés de Tindouf. En vain là aussi, car M. Annan vient dans son rapport de rétablir les faits ou plutôt la vérité en disant qui est qui dans cette crise. Il récuse ainsi les thèses marocaines en déclarant que ces « séquestrés » sont en réalité des Sahraouis qui ont fui leur pays par dizaines de milliers, et que l'Algérie est « un pays d'asile ». Un fait, mais aussi une identité pour rester dans l'exactitude de cette guerre. Ce qui lui permet par ailleurs d'aller au fond de cette question en affirmant que le Programme alimentaire mondial (PAM) met en œuvre un programme de secours pour venir en aide aux réfugiés sahraouis, dont le budget se chiffre à environ 40 millions de dollars pour la période de deux ans allant de septembre 2004 à août 2006. Il est par ailleurs dans l'ordre des choses que M. Annan se dise « préoccupé par la déclaration que les dirigeants du Front Polisario auraient faite tout récemment, selon laquelle une reprise des armes était peut-être plus proche que jamais ». Un tel discours consacrerait l'échec des Nations unies, ce qui serait dur pour l'organisation internationale qui sait pertinemment par ailleurs que le statu quo n'est pas une fin en soi. Dans cette optique, il estime qu'une réduction des effectifs de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara-Occidental (Minurso), que le Conseil de sécurité lui avait demandé d'étudier, « ne serait pas souhaitable au stade actuel ». M. Annan recommande non seulement le maintien de ces effectifs mais ajoute que, « compte tenu de la gravité de certaines des violations décrites, on pourrait examiner la question de son renforcement ». Enfin, M. Annan recommande la prorogation pour six mois du mandat de la Minurso, jusqu'au 31 octobre prochain. Le Conseil de sécurité a prévu des consultations, puis une réunion formelle sur le Sahara-Occidental la semaine prochaine. Le constat est amer mais également préoccupant, et à part la prorogation du mandat de la Minurso, ce nouveau rapport ne contient pas d'élément à même de sortir de l'impasse le plan de paix. Bien au contraire, il est établi que l'armée marocaine renforce ses positions, ce qui n'est rien d'autre que le prolongement d'un discours intransigeant qui est aussi un défi aux résolutions du Conseil de sécurité.