Constantine possède-t-elle une gare ferroviaire à la mesure de son rang ? Assurément non, si l'on se réfère au minuscule hall qui accueille chaque jour des centaines de voyageurs et les services, inexistants, qui vont avec. Il faut dire que la gare de Constantine a été retapée à plusieurs reprises, sans résultats probants puisque la surface utile aux voyageurs n'a pas évolué d'un pouce. Sur la quai, c'est le même constat, car les cheminots se débrouillent avec ce qui a été légué par les Français. Il n'y a aucune protection pour les voyageurs, les tunnels sous les rails et autres ponts pour éviter d'enjamber la voie, pour se déplacer d'un quai à l'autre, ne font pas partie du décor constantinois. Par contre, les SDF et autres aliénés mentaux font de la gare de Constantine une halte privilégiée. Pour ce qui est des wagons, le constat n'est guère reluisant. La crasse qui s'accroche aux fenêtres, les toilettes bouchées et débordantes, l'insécurité et la climatisation en panne sont autant de caractéristiques qui ne sont pas, hélas, l'apanage de Constantine uniquement. Seules les couchettes sont un peu épargnées par ce triste constat, les routards ayant réussi, contre vents et marées et contre l'incivisme de certains passagers, à garder les lieux agréables même si l'absence d'un wagon resto, au sens culinaire du terme, se fait ressentir, aussi bien par les voyageurs que par les cheminots eux-mêmes. Le dédoublement de la voie, entamé il y a quelques années, a donné bien de l'espoir aux usagers du rail, espoir malheureusement très vite dissipé. Car le C-A (Constantine-Alger) bat toujours tous les records de retards et celui de Tunis, qui se voulait transmaghrébin, bégaie très souvent, ainsi que ceux censés emmener les estivants vers les plages de Skikda ou de Jijel. Mais le retard le plus considérable est constaté au niveau des trains de banlieue. Le rail devait rallier toutes les communes limitrophes du chef-lieu, suscitant un intérêt particulier aux gens qui en avaient ras-le-bol des Tata poussifs et des taxis conduits par des « Michel Vaillant », le talent en moins. Résultat : il n'y a que Didouche Mourad et Zighoud Youcef qui sont rattachées actuellement par la voie ferrée à Constantine, avec des horaires plus ou moins convenables. El Khroub, Rahmounia, Ben Badis et les autres devront prendre leur mal en patience, car c'est pas demain que leurs habitants pourront rentrer chez eux par train. Pourtant, il était prévu, en sus des communes avoisinantes, de créer des haltes à différents endroits de la ville, notamment à la faculté de médecine et à Sidi Mabrouk. Cela restera un vœu pieu, puisque les intérêts commerciaux de la SNTF répondent à des critères autres que ceux de l'étudiant ou du banlieusard. « Il ne faut pas que les gens se raccrochent à des chimères, nous dira un cadre de l'entreprise. Nous devons rentabiliser au maximum nos activités et le voyageur n'est pas un facteur rentable. Les dirigeants, qui sont tenus par la performance, performance qui se traduira par une hausse importante de leur salaire, privilégient le train de marchandises au détriment de celui des voyageurs. » Il est arrivé plusieurs fois que des trains de voyageurs, censés être prioritaires, attendent plusieurs heures le passage d'un autre de marchandises pour reprendre droit sur la voie avec tous les conséquences fâcheuses que cela engendre. « On reçoit des plaintes tous les jours, mais elles ne sont jamais prises en considération. » Pour couronner le tout, les routards eux-mêmes ne sont pas en sécurité, livrés comme leurs homologues d'Alger ou d'Oran aux bandes qui écument les rails et qui se font un malin plaisir à bombarder tout train de passage, locomotives et wagons empruntant très souvent des zones habitées, où se planquent des « snipers » d'un genre particulier. D'ailleurs, un mécanicien a été sérieusement blessé à la tête par une pierre lancée à la hauteur de la cité Bekira. Il a fallu transférer le pauvre malheureux en France pour des soins. Et la liste est loin d'être exhaustive.