Une simple balade à travers les ruelles de Constantine et même dans les magasins de luxe vous permettra de constater l'ampleur prise par le commerce des produits contrefaits. Du shampooing Head and Shoulders jusqu'au parfum Chanel, tout n'est qu'imitation, car vos pellicules ne partiront jamais et vous ne sentirez pas moins bon si vous vous aspergez avec de l'eau de toilette locale. Mais le produit qui est en train de battre tous les records du faux reste incontestablement le CD. Que ce soit un logiciel, un MP3, un film, un album musical ou tout simplement un jeu pour PC, tout n'est que vraisemblance. Que ce soit dans un magasin ou sur les trottoirs, tout est contrefait - grossièrement souvent, excellemment rarement. Le boom du matériel informatique très sophistiqué a permis, d'abord à des initiés, ensuite à des profanes, de tout copier. Et les gains ne sont pas négligeables, car quand le CD vierge, qui coûte à peine 20 dinars, est revendu quatre fois son prix une fois gravé, il y a de quoi être tenté. Pourtant, la loi qui punit l'imitation et la contrefaçon a de quoi être dissuasive. Le contrefacteur est passible d'une peine de prison de six mois à trois ans assortie d'une amende 500 000 à un million de dinars. Malheureusement, l'Office national des droits d'auteurs et des droits voisins (ONDA), direction régionale de l'Est, ne peut qu'ester les contrevenants en justice. Et le temps que cette dernière fasse son œuvre, beaucoup d'eau coulera sous les ponts. Nettoyage Le directeur général de l'ONDA-Est, M. Kadri, qui chapeaute 25 wilayas, ne cache pas son inquiétude : « Ce phénomène de contrefaçon et d'imitation, qui touche pratiquement tous les produits du marché algérien, devient alarmant quand il s'agit de CD, car d'un logiciel original qui coûte 80 000 dinars à une contrefaçon que vous trouverez à 60 dinars, il n'y a pas photo. Les années écoulées, on ne s'inquiétait pas trop du phénomène, car il permettait à une très large couche de la population d'accéder au savoir universel à moindre prix. Mais la légalité doit reprendre ses droits puisque l'OMC ne permettra jamais à l'Algérie d'y adhérer s'il n'y a pas eu auparavant un nettoyage à fond, aussi bien dans le commerce du CD que dans celui du parfum ou du prêt-à-porter. » L'ONDA a procédé en 2004 à une saisie de plus de 80 000 supports informatiques contrefaits à l'est du pays, un chiffre record, mais qui ne représente qu'une infime partie du trafic. « L'ONDA ne peut à elle seule mettre fin à cette contrebande. Il nous faut une assistance continue des directions de commerce, des Impôts, des Douanes, de la police... Car il ne faut pas oublier que ce commerce informel, qui nuit gravement aux droits d'auteurs, perturbe sérieusement le fisc, qui voit là une part non négligeable du marché lui échapper », ajoutera M. Kadri. Il reste que pour le moment il serait illusoire de croire que cette piraterie puisse être jugulée du jour au lendemain, car cette excroissance commerciale fait vivre bon nombre de familles et permet à des universitaires, abonnés aux agences de chômage, de se débrouiller. « A mon avis, la seule arme dont nous disposons pour le moment, mais qui ne pourra être efficace qu'à long terme, reste la sensibilisation de la population pour qu'elle soit persuadée que l'acquisition d'un produit piraté n'est ni plus ni moins qu'un vol des efforts d'autrui », conclura le directeur de l'ONDA.