Le plan de consolidation de la croissance économique de 55 milliards de dollars, cher au président de la République, ne semble guère enthousiasmer l'ambassadeur de l'Union européenne (UE) à Alger, Lucio Guerrato. Hier, lors d'une conférence sur les accords de l'Algérie avec l'UE et ses répercussions sur les droits de l'homme et la transparence économique, tenue au club de la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité (CCFC) à Alger, Lucio Guerrato s'est montré sceptique quant aux résultats escomptés par l'injection d'un tel pactole dans les circuits de l'économie algérienne tels qu'ils se présentent actuellement. « Ça ne sert à rien de mettre tout cet argent s'il n'y a pas de compétences managériales et plus de transparence dans les circuits de l'économie », a-t-il déclaré, non sans avouer que sans ces préalables, « cet argent ira aux entreprises du bâtiment et une partie transférée à l'étranger ». A propos de l'accord d'association avec l'UE, M. Guerrato a indiqué que, désormais, les quinze ont ratifié l'accord. Toujours selon lui, le dernier pays à le ratifier, les Pays-Bas, a eu l'aval de son Parlement vers la mi-avril et l'accord entrera en vigueur théoriquement deux mois plus tard, c'est-à-dire en juin prochain. Le processus étant donc terminé, dira M. Guerrato, « maintenant, c'est la phase des échanges d'instruments », a-t-il révélé, en indiquant qu'actuellement une mission est en cours à Bruxelles pour la préparation du dialogue économique Algérie-UE. Et à propos des incidences de cet accord dans le domaine de la transparence économique et des droits de l'homme, thème longuement développé dans son exposé, mais sans trop de conviction, l'ambassadeur de l'UE a indiqué que des signes palpables montrent une volonté de régulariser le marché en Algérie. Tout en considérant que les pays non attractifs en matière d'investissements sont ceux qui présentent un fonctionnement irrégulier du marché, Lucio Guerrato a estimé qu'en Algérie et sous la pression des exigences de mise à niveau qu'induira cet accord, « les hommes d'affaires algériens vont probablement déterminer la volonté politique et aller vers une meilleure transparence du marché ». Intervenant lors du débat, l'ambassadeur du Sénégal à Alger a, quant à lui, dit regretter que les pays du grand Maghreb négocient en solo avec un groupe aussi fort économiquement que l'UE, non sans revenir sur l'expérience de son pays et sur celle d'autres Etats africains qui par des regroupements selon les filières et produits, dit-il, ont réussi une meilleure négociation UE-ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). Plus incisif que jamais, Karim Mahmoudi, responsable de la CCFC, a soulevé le silence de l'UE sur la situation des droits de l'homme en Algérie. Il a, en outre, déclaré que « toutes les entreprises européennes en Algérie sont maquées chez les clans au pouvoir ». « Si la corruption ailleurs varie de 3% à 5% et représente des mesures d'accompagnement, en Afrique, ce sont 10% en pots-de-vin », a-t-il asséné.