Bertrand Delanoë, le maire socialiste de Paris, a appelé hier les peuples algérien et français à « se regarder dans les yeux ». Présent à Alger pour une visite de travail de trois jours, notamment pour le projet de réalisation du tramway d'Alger, M. Delanoë n'a pas cependant éludé la question sensible du passé colonial de la France en Algérie. Se voulant franc et direct, il s'est gardé de donner une coloration politique à sa visite, en se présentant comme l'envoyé des Parisiens. Peut-être pour ne pas attiser la polémique en cours en France après le vote par le Parlement, le 23 février 2005, d'une loi qui évoque le « rôle positif de la présence française outre-mer ». Livrant son sentiment de « citoyen », le maire de Paris a estimé que « la colonisation est un fait historique particulièrement regrettable ». « Pour moi, la colonisation n'est pas un fait positif », a-t-il ajouté. Ce n'est pas la première fois que le maire de Paris lève un tabou sur le passé colonial de la France en Algérie. Il est à l'origine de l'installation à Paris d'une stèle à la mémoire des Algériens tués, puis jetés dans la Seine lors des manifestations du 17 octobre 1961. Il a également baptisé une place du nom de Maurice Audin. Des actions qui répondent à un besoin de vérité des deux côtés de la Méditerranée. A quelques mois de la signature d'un traité d'amitié entre l'Algérie et la France, les officiels français multiplient les déclarations qui assument les massacres commis par l'armée coloniale. L'ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de Verdière, a affirmé, lors de sa visite à Sétif, le 27 février 2005, que les massacres du 8 mai 1945 commis dans le Constantinois, étaient une « tragédie inexcusable ». L'épisode était jusque-là complètement occulté par les autorités françaises, au nom desquelles l'ambassadeur de France a déclaré s'être exprimé. « Il faut suivre sur ce chemin », a indiqué M. Delanoë. Durant son allocution au siège de la wilaya d'Alger, le maire de Paris a particulièrement insisté sur les notions d'« égalité », de « liberté », dans l'établissement d'une « coopération exemplaire » entre les deux capitales. Une coopération qu'il compte « manager », pour reprendre son expression, avec le wali d'Alger, Mohamed Kébir Addou. « Ensemble, à la même hauteur », a-t-il tenu à préciser. Interrogé si une demande de pardon était aujourd'hui envisagée en France, le maire de Paris a recommandé de laisser aux présidents Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika de trouver les meilleurs moyens pour poursuivre cet élan. Il ne s'est toutefois pas montré apposé à une telle requête : « Quand Willy Brandt s'est mis à genoux pour demander pardon au nom de l'Allemagne, il a grandi l'Allemagne. » Après le point de presse et les échanges de bons procédés, le maire de Paris a choisi de plonger dans un bain de foule à la rue Didouche Mourad qu'il a sillonnée en fin d'après-midi. Il aura ainsi un peu connu le cauchemar de la circulation dans Alger, une ville qui attend beaucoup de la partie française pour la facilitation de la circulation routière. Avec ses trois millions d'habitants et un taux de croissance de 1,7%, Alger enregistre 5 millions de déplacements par jour, 56% à pied et 44% en mode motorisé. Pour désengorger la capitale, la wilaya d'Alger a mis l'accent sur le développement des transports en commun, comme le tramway, dont les travaux de réalisation débuteront vers la fin 2005 et dureront quatre ans. L'étude technique a été confiée à un groupe français. La priorité sera accordée au tronçon rue des Fusillés-Bordj El Kiffan, long de 16,3 km. Cette ligne compte 30 stations pour 150 000 voyageurs par jour. Les rails du tramway devront s'étendre jusqu'à Dergana, à l'est, et Aïn Bénian, à l'ouest. Pour voir les projets aboutir, MM. Delanoë et Kébir Addou ont préféré en limiter le nombre. En plus du tramway, ils comptent œuvrer à la réhabilitation du jardin botanique du Hamma et à l'aménagement urbanistique.