A l'instar de Harbil, Guenzet, Aïn Sebt, Serdj El Ghoul et Babors, certaines localités de la daïra de Salah, telles que El Hamma, Boutaleb et Rasfa ont beaucoup souffert des exactions des hordes terroristes. Ces trois bourgades ont, à elles seules payé un lourd tribut en vies humaines. De nombreuses infrastructures (école, centre de soins, CFPA, parc communal et station thermale) ont été incendiées. Des bourgs comme El Hamma-Centre étaient à un certain moment des zones inaccessibles. Le courage et la détermination des hommes sont parvenus à vaincre l'hydre qui a traumatisé, des années durant, la population de ces contrées qui méritent à la fois respect et une meilleure prise en charge des problèmes d'un quotidien par facile à vivre ici où tout est ennemi de l'homme. A El Hamma, Boutaleb et Rasfa, tout est à faire car ces bourgades sont dépourvues du strict minimum. Située à 75 km de Sétif et à 55 km du chef-lieu de la daïra (Salah Bey), El Hamma-Centre, possédant une station thermale qui peut une fois réhabilitée être une source financière non négligeable pour la commune, souffre paradoxalement du problème d'eau. En cet endroit, les citoyens n'étanchent pas aussi facilement leur soif et attendent avec impatience l'achèvement des travaux de réalisation des forages devant, nous dit-on, d'ici juin atténuer la pression engendrée par le manque d'eau. Au chef-lieu de la commune, l'électricité pose problème. Le système D est le seul moyen utilisé par les citoyens pour s'éclairer. Des branchements prennent, d'un bord à un autre de la route, la forme d'une toile d'araignée, qui risquent à la moindre étincelle d'engendrer la catastrophe. « Le lotissement jouxtant le lycée où j'habite depuis 20 ans attend vainement l'électricité », nous confie Mme Bakhouche. En matière de couverture sanitaire, la situation n'est guère reluisante. En sus des déficits en médecins la nuit, la permanence n'est pas assurée au niveau de la « polyclinique » qui a besoin d'un lifting. Les naissances et les dangers encourus par les femmes enceintes évacuées vers Sétif pour accoucher préoccupent les citoyens. Un agent de l'APC révèle : « La commune ne possédant pas de salle d'accouchement n'enregistre annuellement que de rares naissances. Les femmes enceintes sont au péril de leur vie, obligées de parcourir plus de 75 km pour accoucher, si elles ne meurent pas en cours de route. » Du côté de Boutaleb, la désolation est totale. Sur une population de 10 000 habitants, seulement 200 foyers sont, nous dit-on, dotés de téléphone. La vie dans les hameaux de Boudjlikh, Fnifa, Bouedjam et Guebardelah est presque impossible, car en ces lieux isolés le dénuement est total. Le problème du transport est l'une des causes de la déperdition scolaire. Ainsi, sur 289 élèves, plus de 110 de Dar El Beïda, devant prendre quotidiennement le chemin de Boutaleb ou Hamma, ont déserté cette année les bancs de l'école. Les parents démunis ne peuvent supporter des frais de scolarisation de plus en plus croissants. « En ces lieux dont le strict minimum est inexistant, les études secondaires et universitaires sont devenues des privilèges réservés aux nantis qui ont les moyens de financer la scolarité de leur progéniture », nous dit cheikh Ahmed, un sexagénaire. Notre interlocuteur nous fait part de la situation prévalant à Anouel, Benellemai, Haddada, Abla, villages désertés à cause de la bête immonde qui a, tout au long des années de braise, imposé son diktat. Avec le retour au calme, les citoyens qui veulent revenir ont, dit-il, besoin de l'aide de l'Etat pour réhabiliter des demeures saccagées. « La réconciliation nationale qui est souhaitée par tout le monde doit avoir un aspect économique. On ne peut se réconcilier avec soi-même et avec une nature hostile sans le moindre sou. Pour obtenir l'adhésion des citoyens des zones enclavées qui ont été les plus ciblées par le terrorisme, le président de la République ne doit, à mon sens, pas négliger cet important volet », conclut-il. Les jeunes à l'instar des filles de la maison de jeunes d'El Hamma qui ne possèdent aucun moyen de loisirs et de distraction ne demandent pas la lune. La structure est déficitaire en matériel pédagogique, ne dispose pas d'un chauffage et n'est pas du tout fonctionnelle. Les filles, qui poursuivent en ces lieux une formation de couture, n'ont à leur disposition que cinq machines à coudre dont trois en panne. La disponibilité du tissu (outil d'apprentissage) est l'autre casse-tête chinois des apprenantes. Le chômage tue à petit feu la main-d'œuvre de la région. Cette dernière, ayant opté pour les arbres fruitiers et l'élevage, attend les aides du fonds agricole qui n'arrivent toujours pas. Rasfa vivote, elle aussi, dans d'inextricables problèmes. Les habitants qui ont souffert en silence des sévices des criminels se considèrent comme d'éternels oubliés. L'un d'eux résume la détresse des siens en quelques lignes : « De nombreuses familles s'entassent, en 2005, dans des baraques du camp de concentration légué par la force coloniale. Le téléphone pose encore problème à une localité de 5000 âmes. 90 % de la masse juvénile se roulent les pouces. Ces exemples ne sont que des échantillons de moult problèmes vécus par les gens d'El Rasfa qui ne deviennent intéressants qu'à l'approche des échéances électorales... » Les citoyens des trois localités qui reviennent de l'enfer, ayant dernièrement exposé leurs difficultés au wali qui s'est déplacé sur les lieux où il a constaté de visu la galère de ces zones mises entre parenthèses des décennies durant, scrutent l'horizon...