Le ministère des Finances a été destinataire la semaine dernière d'une lettre émanant de la direction générale des Douanes l'informant d'un fait des plus surprenants. Selon des sources proches de ce ministère, l'administration douanière a fait état du non-rapatriement énigmatique de 80 œuvres d'art de grande valeur faisant partie du patrimoine national et ayant été exportées vers la France par l'Unac, dans le cadre de l'Année de l'Algérie. L'affaire, si on peut d'ores et déjà la qualifier ainsi, remonte à juin dernier lorsque les douaniers de l'aéroport international Houari Boumediène d'Alger ont été surpris de constater sur les documents présentés à leurs services que sur les 97 œuvres d'art recensées ayant quitté le territoire national au mois de mars 2002 en direction de la France pour être exposées tout au long de l'Année de l'Algérie, seules 17 sont revenues au pays. Dans le pli documentaire remis aux douaniers, il est joint des procès-verbaux de constat d'un incendie qui aurait vraisemblablement ravagé la plus importante partie du patrimoine constitué essentiellement de toiles et de tableaux de très grands artistes peintres algériens d'une grande valeur. La lettre explicative signée par le vice-président de l'Unac fait état d'un incendie ayant ravagé les quatre expositions qui étaient dans une galerie. Seules deux toiles ont été épargnées parce qu'elles ne se trouvaient pas dans la galerie. Selon des sources proches du ministère des Finances, les douaniers de l'aéroport d'Alger auraient douté de l'authenticité de ces procès-verbaux et de la thèse de l'incendie. Ils ont saisi leur direction générale pour l'ouverture d'une enquête approfondie et fait appel à leurs homologues français, dans le cadre de la coopération mutuelle, afin de « vérifier si effectivement ces œuvres ont été détruites par le feu, et si c'est le cas, dans quelles conditions le feu s'est-il déclenché dans une galerie pour détruire 80 pièces ? ». Selon toujours nos interlocuteurs, le dossier est actuellement à un très haut niveau de l'Etat et risque de faire tache d'huile, si la thèse de l'incendie s'avère être une simple couverture à un trafic du patrimoine national. Pour l'instant, et en attendant les résultats de l'enquête menée depuis maintenant plus de deux semaines, « rares » sont ceux qui croient à la version de l'incendie dans la mesure où, expliquent nos sources, durant toutes les manifestations de l'Année de l'Algérie en France, il n'a jamais fait état d'incident quelconque dans une galerie qui, faut-il le préciser, aurait fait l'objet de la curiosité non seulement des médias français, mais également algériens. Contacté, le président de l'Unac, M. Laroussi, a confirmé la destruction de 80 toiles d'artistes peintres algériens de renommée en précisant que même les 17 toiles sauvées sont, à l'exception de deux, touchées. « Nous les avons ramenées uniquement pour prouver qu'il y a eu incendie. Cela s'est passé la nuit, vers 2 h. Il n'y avait personne dans la salle où étaient exposées les toiles. Les procès-verbaux de la police le prouvent. Nous n'y pouvons rien. Ce sont des accidents qui arrivent et, de toute façon, les quatre expositions, avec 97 œuvres d'art, sont assurées à raison de 5 millions de dinars. Tous les artistes ont été informés de cet incident et ont très bien compris la situation. » M. Laroussi a répondu à propos de la non-médiatisation de cet incendie : « Nous avions tenu à ce que l'information ne sorte pas dans le but de préserver l'enquête qui se déroulait. Mais nous avions informé les artistes de la situation en leur expliquant l'importance de la confidentialité de l'information... » De lourdes questions restent à ce jour posées. Est-il possible que ces œuvres aient été détruites dans un incendie ? Si c'est le cas, comment un tel accident peut-il avoir lieu et pourquoi n'y a-t-il pas eu suffisamment de mesures de sécurité pour l'éviter ?