De prime abord, il est loisible de constater de visu que la plupart des riverains sont agglutinés dans les cafés ou enchaînés aux trottoirs du désœuvrement. Les coutumières animations matinales et les rencontres amicales entre villageois cèdent le pas, quelques heures après, à un vide stressant. Les discussions effrénées et les éclats de rires impétueux, qui agrémentent les rendez-vous mondains des citoyens attroupés le long de la rue principale abritant le siège de l'APC, perdent de leur ferveur et s'amenuisent, monotonie et marasme obligent. Hormis les irréductibles vendeurs de cigarettes, quelques marchands ambulants ou encore une flopée de badauds qui reluquent béatement le faible transit de véhicules touristiques ou de taxis collectifs empruntant le chemin de wilaya (cw) n°48, desservant au nord Chelghoum Laïd et au sud, Bir Chouhada et Batna, l'agglomération ressemble à s'y méprendre à une contrée enclavée dans les fins fonds du bout du monde. « Que faire de ces longues et fastidieuses journées ? Où aller lorsqu'on est chômeur par définition et terrassé par la misère ? » Tel est le leitmotiv qui rebondit au détour de quelques questions qu'on a risquées çà et là. Néanmoins, un semblant d'animation prend le pas sur cette morosité ambiante de 16 à 17 h avec la sortie des collégiens et des écoliers de leur établissement scolaire et le retour de plus d'une centaine de lycéens scolarisés à Teleghma et que déversent aux différents arrêts les bus assurant le transport scolaire, lequel est pris en charge par l'APC. Ainsi va la vie à M'chira avec ses 11 997 habitants recensés officiellement en 1998 et qui, notons-le, s'est détachée de la commune de Bir Chouhada lors du découpage administratif de 1984 pour se hisser, à son tour, au rang de commune qui compte, de nos jours, environ 14 000 âmes. Une réhabilitation qui demeure très peu gratifiante au regard de certains citoyens qui ne s'expliquent pas le morbide et handicapant sous-développement dans lequel végète leur cité une vingtaine d'années durant ainsi que le manque patent d'équipements publics, exception faite de rares visiteurs modestes, pour ne pas dire inefficientes. « Si en matière de transport scolaire et d'infrastructures pédagogiques, dont l'inscription du projet d'un deuxième CEM, la commune de M'chira n'a pas à rougir, il n'en demeure pas moins que ce n'est pas le cas pour beaucoup de secteurs névralgiques », nous affirme le secrétaire général de l'APC, Chaâbane Gueniche. Au demeurant, une récession socioéconomique si brutale et kafkaïenne que les habitants en sont venus à bouder et à faire le dos rond aux passerelles que leur ont jetées les élus et à afficher clairement leur hostilité aux « intrus » et « étrangers » qui cherchent à s'établir dans la région. Les tribulations et les rebuffades essuyées récemment par un potentiel investisseur, qui a eu vent de l'existence à M'chira d'une inestimable source d'eau minérale et auquel les natifs ont fait barrage et se sont opposés fermement, sont édifiantes à ce titre. Au chapitre logement, les citadins ne sont pas mieux lotis, vu le volume important des demandeurs, même si a priori la distribution, il y a dix jours, de 50 logements sociaux a été unanimement bénie. Mais, et c'est là que le bât blesse, un énorme décalage existe entre l'offre et la demande, d'autant plus que les projets sous-tendant le développement local, à l'exemple de la problématique du logement ou de l'investissement générateur d'emplois, ne sont pas le fort d'une localité à vocation agricole dont les autorités de la wilaya semblent s' accommoder chichement. « Sinon, comment expliquer le fait que la commune de M'chira, en dépit des affres de la sécheresse, est reléguée en « zone 6 » et l'ensemble des fellahs et agriculteurs privés de l'aide et du soutien dans le cadre du FNRDA », renchérit notre interlocuteur. La spécificité des sols et les immenses étendues terriennes de la commune de M'chira, dont la majorité de la population (52%) est rurale, dispose de précieux atouts dans le domaine agricole, où l'élevage et la céréaliculture sont son fer de lance. Les récoltes prometteuses de l'année 2004 (blé dur, blé tendre, orge et avoine) confortent davantage les 890 agriculteurs privés, les 33 exploitations agricoles collectives (EAC) et les 32 exploitations agricoles individuelles (EAI) dans cette vision pragmatique d'investissement dans le créneau agricole. Les peuplades des principales mechtas (Cherra, Faham, Aghlad, Zaouïa Benzarouk et Guabal Kelala, entre autres) ont bien compris qu'ils doivent compter sur leurs propres ressources et potentialités pour gagner leur pitance en restant fidèles à leur source et à leurs terres, tout en entretenant l'espoir de voir leurs doléances éternellement ajournées, satisfaites un de ces jours. L'espoir renaîtra peut-être avec le futur raccordement de la commune au réseau du gaz de ville, le souhait des élus du peuple quant à la création d'une zone d'activités (ZAC) et la généralisation du soutien au logement rural aux neuf dechras de M'chira.