Quand on est à l'intérieur de ce marché, il faut bien surveiller ses arrières. S'il existe à Alger un endroit où l'on peut se procurer des bijoux en or à bas prix, c'est certainement au niveau du marché de Oued Knis, sis au quartier des Anassers. Ici, des bijoux divers s'écoulent abondamment. Une énorme quantité de boucles d'oreilles, de chaînes et de bracelets en or est en effet exposée, non pas à travers des présentoirs de locaux commerciaux, mais tout simplement sur les doigts ou le cou des vendeuses. Ce sont des femmes dépassant pour la plupart d'entres elles la cinquantaine. Elle sont toutes voilées, ne laissant apparaître de leur visage que les yeux. Sont-elles à ce point pudiques ces bonnes femmes faisant commerce de l'or? Possible. Ce qui est sûr en revanche, c'est que cette manière de se voiler la face obéit à d'autres considérations. En réalité elles ne veulent pas être reconnues ni par leur entourage le plus proche ni par des individus qui pourraient les avoir à l'oeil pour les agresser et subtiliser leur bien au coin de la rue. Là où elles vendent leurs bijoux elles n'ont pas à se faire de souci quant au danger des agressions. Elles sont en effet, protégées par une poignée d'hommes qui sont pour la plupart des cas, leurs propres enfants. Sauf que cette protection reste tout de même relative. «Souvent, des agresseurs munis de sabres débarquent ici et s'acharnent sur l'une de ces vieilles. Ils prennent de force tout son or et argent en liquide sans que personne, y compris ses enfants, ne bouge le petit doigt», nous raconte Saïd, la quarantaine. En sus du danger des agressions, les marchandes de bijoux en or sont aussi exposées à un autre risque pouvant sérieusement ruiner leur commerce. Il s'agit des saisies opérées de temps à autre par des policiers. Ces derniers sont souvent de passage à Oued Knis, et quant ils quittent les lieux, ils ne repartent jamais les mains vides. «Mes bijoux ont été saisis neuf fois par les services de police», se plaint une septuagénaire. Mais d'où proviennent ces bijoux. Ce sont des bijoux qui ne sont pas poinçonnés et ils appartiennent à des bijoutiers auprès de qui on les achète et puis on les revend», nous a-t-elle répondu de façon catégorique. Elle ajoute que la marge bénéficiaire qu'elle tire de ce commerce pourtant à risque n'est que médiocre, et persiste et signe que le véritable gagnant est bel et bien le client. Elle argue qu'entre une parure achetée auprès d'un bijoutier et une autre cédée ici à Oued Knis, la différence de prix est de taille. Un écart de prix d'achat qui peut, selon elle, atteindre les 30.000 à 40.000 DA. Hormis les bijoutiers qui fournissent des bijoux pour fin d'écoulement, notre interlocutrice nous fera savoir également que de simples citoyens tombés en panne d'argent viennent vendre leur or pour se procurer un peu d'argent. Lors de notre visite hier à Oued Knis, ce marché, comme de coutume, grouillait de monde. Difficile de se frayer un chemin parmi cette foule humaine en quête d'une bonne occasion. Aussi quand on est à l'intérieur, il faudrait surveiller ses arrières car toutes sortes d'imprévus et de mésaventures sont de mise à Oued Knis. L'on pourrait se faire voler et/ou agresser sans que personne intervienne. Toutes sortes de marchandises sont étalées à même le sol. Ici, ce sont des habits neufs qui se mêlent à de la friperie, cédés à des prix à la portée de tous. Ici, l'on vend des meubles anciens à des prix négociables. Plus loin encore l'on expose des meubles, des appareils électroménagers neufs ou usagés avec un arrangement sur les prix. Des téléphones portables et des appareils photos numériques circulent à flots à Oued Knis. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner l'origine de ces produits. A voir le prix pour lequel ils sont cédés, l'on pourrait facilement deviner qu'il sont l'objet de vols commis ici et là dans la capitale et même ailleurs, dans les autres régions du pays. Exemple: un Nokia 1100 vendu à plus de 5000 DA dans un magasin est cédé à moins de 2000 DA dans ce marché informel. Un appareil numérique d'une valeur dépassant les 10.000 DA est quant à lui monnayé entre 3500 et 4000 DA. Ainsi, Oued Knis s'apparente vraisemblablement au coin des petites affaires, sauf que ce marché, comme beaucoup d'autres d'ailleurs existant dans la périphérie algéroise, représente une véritable hémorragie pour le Trésor public, et ce, de par leur caractère informel. L'argent qui circule dans ces marchés parallèles se chiffre à des centaines de milliers de dinars, et tant que ces endroits de transactions informelles ne sont pas assainis, la fiscalité algérienne aura beaucoup à perdre.